Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Carnet de bord

XXVII- Je voulais écrire

Photo A.R.

Je voulais écrire sur l’arrivée du printemps, l’hiver qui tire à sa fin, les journées qui s’allongent, le soleil et sa lumière qui réchauffent le corps et l’âme, la vie qui rejaillit, les oiseaux qui chantent à l’aube.

Je voulais écrire sur les femmes, celles qui se soulèvent et disent non tout le temps et à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

Je voulais écrire sur les restaurants libanais de Paris, qui ont adapté leur cuisine à l’art de la table à la française : on attend que tout le monde soit servi avant de commencer à déguster son assiette individuelle d’assortiment de mezzés préalablement choisis. Je voulais parler du hommos, que l’on trouve désormais à toutes les tables, au côté d’autres plats, saupoudrés, eux, de zaatar. « Le hommos est à la mode, m’a-t-on dit. C’est le nouveau guacamole ! » Quelques semaines plus tôt, j’étais tombée sur un article intitulé Zaatar de vivre. Le journal Libération vantait les mérites de ce fameux mélange aux mille déclinaisons.

Je voulais écrire sur la joie intense d’entendre soudainement parler libanais dans les rues de Paris, dans les couloirs du métro, dans les files d’attente des expos. Ces quelques mots que l’on attrape au vol lorsqu’on croise des Libanais en vadrouille dans la capitale. Et de chérir ce petit lien qui nous unit le temps d’un instant.

Je voulais écrire sur tous ces événements libanais qui s’organisent à Paris. Ces concerts où l’on retrouve sur scène Marcel Khalifé et son fils Bachar. Ces tables rondes où l’on évoque la mémoire de Samir Kassir. Ces expositions qui font découvrir aux Parisiens les œuvres des artistes du pays du Cèdre. Ces nouvelles enseignes qui ouvrent leurs portes et offrent en partage les mille et une saveurs de la cuisine libanaise. Ces auteurs libanais qui mettent leur âme dans des livres. Ces dîners de solidarité organisés par 25 associations franco-libanaises qui enverront les fonds récoltés au Liban avec des palettes de médicaments.

Mais comment peut-on décemment écrire sur ça alors que le coronavirus se propage à tout-va et que le monde n’a que ce mot à la bouche ? Que les voyages professionnels et les événements sont annulés. Que les informations coronavirus sont crachées dans les haut-parleurs sur les quais des RER. Que les affichettes d’information et les distributeurs de solutions hydroalcooliques font leur apparition sur les murs du bureau. Et que les messages appelant à la précaution s’entassent dans nos boîtes mail.

En France, ce ne sont encore que de petites mesures par rapport aux précautions prises par le Liban. Écoles, universités, garderies fermées, mais aussi boîtes de nuit et pubs. Audiences judiciaires interrompues, de même que les élections des syndicats des ingénieurs. Événements sportifs et culturels annulés. Liaisons aériennes suspendues. Vie politique paralysée.

C’est dans ce contexte que Le Liban dépose le bilan, comme le titre si bien Libération. Et s’engouffre dans l’inconnu en faisant, pour la première fois de son histoire, défaut.

Que reste-t-il alors, si ce n’est l’humour ? L’humour du désespoir.

*Ce carnet de bord d’un départ est le récit, partagé une fois par semaine, des aventures, des émotions et de la nostalgie d’une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et ses enfants.


Les épisodes précédents
Panique sur la ville

« Notre raison est en France, mais notre cœur est au Liban »

Impressions libanaises

Au-dessus des nuages

Cultiver son réseau

« Ponzi, haircut et lollars »

« Haram le Liban »

« Tout le monde veut partir »

Bientôt un nouveau monde

Où est passé notre argent ?

D’une grève à l’autre

Être libanais

« La femme est l’avenir de l’homme »

Premières neiges

Expliquer la révolution

Épuisement émotionnel

Voir la révolution

« Koullouna lil watan », de la place des Martyrs à la place du Trocadéro

Un dimanche à Paris

Beyrouth, Paris : d’une pollution à l’autre

Paris sans voiture

Des papiers, toujours des papiers...

Première rentrée parisienne pour mes petits Beyrouthins

Ce sens de l’entraide si libanais

Comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien ?

« Nous quittons » le Liban


Je voulais écrire sur l’arrivée du printemps, l’hiver qui tire à sa fin, les journées qui s’allongent, le soleil et sa lumière qui réchauffent le corps et l’âme, la vie qui rejaillit, les oiseaux qui chantent à l’aube.Je voulais écrire sur les femmes, celles qui se soulèvent et disent non tout le temps et à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Je...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut