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Lifestyle - Carnet de bord

IX- « Koullouna lil watan », de la place des Martyrs à la place du Trocadéro

Photo A.R.

Il est midi pile. Koullouna lil watan envahit la rame de métro, entonné en chœur par des Libanais révoltés. Mon cœur explose. Ma fille, un grand sourire aux lèvres, reprend en chœur le refrain d’une voix assurée. Pourtant, quelques heures plus tôt, elle ne voulait pas aller à cette manifestation en soutien à la « révolution » au Liban.

Le traumatisme d’une expérience passée à la place Riad el-Solh était toujours là. En août 2015, son père l’y avait emmenée. Les déchets s’amoncelaient dans les rues de Beyrouth depuis plus d’un mois et la classe politique s’avérait incapable de gérer la crise. Pire. Ne le voulait clairement pas, trop occupée qu’elle était à se partager le gâteau. Les forces antiémeute avaient fait usage de la force pour évacuer les manifestants. Bousculades, cris, pleurs. Puis une peur tenace. « Aujourd’hui, ce ne sera pas pareil, lui ai-je assuré. Nous n’allons pas manifester contre le gouvernement français, mais pour le peuple libanais qui, de l’autre côté de la Méditerranée, s’est soulevé ! »

Trois jours plus tôt, jeudi 17 octobre, 21h19. Tit ! Une photo était arrivée jusqu’à moi, via un groupe WhatsApp, interrompant un dîner entre amies : une foule qui manifeste dans la nuit. Et trois mots : « Maintenant, à Beyrouth. » À partir de là, mon cœur s’est emballé. Des heures passées devant l’écran, sur les sites d’information, les réseaux sociaux, à lire les statuts, les tweets, à surfer sur les vagues de photos et de vidéos. Le courage monstre de la « femme ninja » qui assène son coup de pied au garde du corps armé. Cette dabké, menée par une autre femme. Magique! Les bonds de Madi Karimé, le DJ qui enflamme la place al-Nour, samedi soir à Tripoli. Les chants des jeunes de Tyr, malgré les menaces. Et puis Baby Shark, entonné par ces hommes pour rassurer un bambin apeuré dans sa voiture. Jusqu’à la place des Martyrs noire de monde. Plus d’un million de Libanais dans les rues sur tout le territoire. Tout défile sur mon écran, en boucle. Et mon cœur de battre la chamade.

Que pouvons-nous faire d’autre, ici, à Paris, pour eux là-bas ? « Je suis frustré de ne pas y être », m’avoue mon mari dans un souffle. Alors ce dimanche matin, nous avons enfilé nos impers et pris nos parapluies, direction le Trocadéro. Et là, à plus de 3 000 km, face à la tour Eiffel, ensemble, nous avons vibré à l’unisson, chanté l’hymne national, scandé les mêmes slogans, dansé au même rythme que le Liban. Plusieurs négations ne font peut-être pas une nation. Mais ce qui rassemble les Libanais du nord au sud, de l’est à l’ouest, de l’intérieur et de la diaspora, est certainement beaucoup plus important que les différences, comme le disait si bien Gibran Khalil Gibran.

Dimanche soir à Paris. Les manifestants se sont dispersés depuis longtemps. Les enfants sont couchés. Dans le silence de la nuit, mon mari me demande : « On rentre ? »

*Ce carnet de bord d’un départ est le récit partagé une fois par semaine des aventures, des émotions et de la nostalgie d’une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et leurs enfants.




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ET JUSQU,A TRIPOLI ET SOUR...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 27, le 23 octobre 2019

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Commentaires (2)

  • ET JUSQU,A TRIPOLI ET SOUR...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 27, le 23 octobre 2019

  • Je m’etais juré que jamais,plus jamais....j’avais pourtant decidé de ne plus m’enflammer pour ce Liban pour lequel j’avais beaucoup donné et à qui je reprochais de m’avoir trahie....une immense passion transformee ,au fil du temps en intense désamour. Mais ce dimanche pluvieux où mes pas m’ont menee vers le Trocadero....sans prévenir un long,interminable et silencieux sanglot a gonflé ma poitrine et je me suis resignee stupefaite a cette constatation: je t’aimais encore Liban!

    Marie-Hélène

    05 h 42, le 23 octobre 2019

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