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Lifestyle - Carnet de bord

XIII - Premières neiges

Photo A.R.

Premières pluies à Beyrouth. Premières neiges à Paris. Des flocons qui fondent dès qu’ils touchent le bitume. Et puis premières bougies soufflées ici. Tu as cinq ans mon fils. Aa’bél el-miyé.

« Je suis en France pour mes enfants, pour que ma fille de 2 ans puisse, dans vingt ans, étudier à l’université libanaise si elle le souhaite, » me confie une jeune mère rencontrée lors de la manifestation à Paris à l’occasion de l’anniversaire du premier mois de la révolte libanaise. « Moi je n’ai pas eu le choix. J’ai dû quitter mon pays. Et j’ai pu le faire. »

Quelques minutes plus tôt, j’avais croisé la fille de mes anciens voisins à Beyrouth, qui elle aussi a pris le chemin de l’exil, comme tant d’autres avant elle. « J’ai essayé d’étudier au Liban, j’ai donné sa chance au système, m’a-t-elle dit face à la tour Eiffel. J’ai fait une licence, mais j’ai réalisé qu’avec cette licence, je ne pouvais littéralement presque rien faire. » Du haut de ses 21 ans, elle a débarqué à Paris il y a deux mois, laissant derrière elle famille et amis.

Si nous avons décidé, mon mari et moi, de partir, nous aussi, il y a un peu plus de deux mois, c’est pour nos enfants. Pour ne pas qu’ils soient obligés de quitter un jour le Liban, la mort dans l’âme, comme des dizaines de milliers de jeunes sont contraints de le faire chaque année. L’exportation des cerveaux, véritable politique publique. Neurones contre dollars.

Ici, à Paris, le champ des possibilités est ouvert vers l’infini pour cette jeune génération. Mon fils a fait une initiation au taekwondo. Ma fille à la canne de combat. Ils ont finalement opté pour la natation et le basket pour l’un, le tennis pour l’autre. Classique. Et puis nous les avons inscrits au cours d’arabe du samedi après-midi. Mon fils y apprend ses premières lettres – DA, DOU, DI – et ma fille fait des qira’a avec des enfants qui ont trois ou quatre ans de plus qu’elle. Pour qu’ils puissent, toujours, comprendre la langue, le pays et son peuple, sans filtre. Et ainsi, un jour, y revenir s’ils le souhaitent.

En attendant, ils découvrent le monde. L’architecture et l’italien. Les arts plastiques et le théâtre. L’école propose des ateliers de robotique, d’échecs ou d’archéologie. Elle accueille chaque semaine des futurs professeurs de musique pour former l’oreille musicale des enfants et emmène les petits découvrir des films au cinéma du quartier.

« J’ai pleuré à l’école, m’a avoué un jour ma fille. Mes amis me manquent. » Un message arrive sur le groupe WhatsApp de ses amis libanais. L’une d’eux demande : « Quelqu’un sait s’il y a école demain ? »


*Ce carnet de bord d’un départ est le récit, partagé une fois par semaine, des aventures, des émotions et de la nostalgie d’une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et ses enfants.


Les épisodes précédents

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Épuisement émotionnel

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