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Lifestyle - Carnet de bord

XX - « Haram le Liban »

Photo A.R.

Ce pauvre Liban... C’était samedi 18 janvier, dans l’après-midi. Mon fils revenait de son cours d’arabe, tout content. Dans son sac à dos, son cahier dont les pages commencent à se noircir de da, dou, di, ra, rou, ri et autres za, zou, zi.

Dans le salon, la télé était allumée. Sur l’écran, des images du centre-ville de Beyrouth défilaient, en direct. Des lancers de grenades lacrymogènes. Des balles en caoutchouc. Des canons à eau. Des détonations. Des lasers. Des jets de pierres. Des pétards... Des jeunes qui courent dans les rues désertées du centre-ville dans un mouvement de va-et-vient avec les forces de l’ordre. Qui renvoient les grenades lacrymo d’un coup droit avec leur raquette de tennis. Et qui parfois, dans un moment de répit, crient dans un même élan thaoura, thaoura, comme un cri de ralliement galvanisateur. Haram le Liban, avait lâché mon fils, spontanément.

« Ça veut dire quoi thaoura déjà ? J’ai oublié… » avait alors demandé ma fille, confuse, cherchant en vain dans sa mémoire la signification de ce mot tant de fois entendu ces derniers mois. Je sens que, déjà, arrive ce que je redoutais le plus en quittant le Liban : qu’elle oublie l’arabe et ne soit plus capable de parler cette langue. Que les mots lui manquent et finissent par s’évaporer, disparaître, n’être plus que des sons, dénués de sens. On me dit qu’ils reviendront, plus tard, qu’ils restent là, tapis dans un coin de la mémoire. Et que la musique de la langue, quelque part, continue de résonner.

« Or, tandis qu’il lourmait de suffèches pensées,

Le Bredoulochs, l’œil flamboyant,

Ruginiflant par le bois touffeté

Arrivait en barigoulant. »

En attendant, ma fille a des devoirs ; très peu, il faut le reconnaître, par rapport à sa scolarité au Liban. Ce jour-là, elle doit seulement retenir les premières strophes de Bredoulocheux, un poème de Lewis Caroll extrait de De l’autre côté du miroir, traduit par Henri Parisot. Un poème étrange. Un jargon impénétrable. Peuplé de non-mots, d’absurdes logatomes.

« Au Bredoulochs prends bien garde, mon fils !

À sa griffe qui mord, à sa gueule qui happe !

Gare à l’oiseau JeubJeub, et laisse

En paix le frumieux, le fatal Pinçmacaque ! »

Alors qu’elle répète consciencieusement ces quelques vers pour les mémoriser, j’imagine la langue arabe s’enfoncer toujours plus profond dans les méandres de son cerveau, envahie progressivement par ces nouveaux mots. L’heure et demie de cours d’arabe hebdomadaire ne suffira pas, je le crains. D’autant que, contrairement aux Libanais, les Français ne sont pas réputés pour leur maîtrise des langues étrangères. Selon une étude de 2019, 75 % des élèves de fin de 3e sont incapables de s’exprimer correctement en anglais.

*Ce carnet de bord d’un départ est le récit, partagé une fois par semaine, des aventures, des émotions et de la nostalgie d’une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et ses enfants.

Ce pauvre Liban... C’était samedi 18 janvier, dans l’après-midi. Mon fils revenait de son cours d’arabe, tout content. Dans son sac à dos, son cahier dont les pages commencent à se noircir de da, dou, di, ra, rou, ri et autres za, zou, zi.Dans le salon, la télé était allumée. Sur l’écran, des images du centre-ville de Beyrouth défilaient, en direct. Des lancers de grenades...

commentaires (2)

"... une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et ses enfants. ..." Son époux et ses enfants Français... car contrairement à la Libanaise, la Française peut transmettre sa nationalité à son époux et à ses enfants... Encore beaucoup de chemin à faire... tellement...

Gros Gnon

09 h 33, le 22 janvier 2020

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Commentaires (2)

  • "... une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et ses enfants. ..." Son époux et ses enfants Français... car contrairement à la Libanaise, la Française peut transmettre sa nationalité à son époux et à ses enfants... Encore beaucoup de chemin à faire... tellement...

    Gros Gnon

    09 h 33, le 22 janvier 2020

  • Bof bof ! et donc?

    Marie-Hélène

    03 h 10, le 22 janvier 2020

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