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Lifestyle - Carnet de bord

XV - Être libanais

Photo A.R.

« Je n’ai pas de chez moi », m’a avoué dimanche dernier une amie libanaise dans la cuisine de son appartement parisien. Née et élevée en Arabie saoudite, elle a déménagé avec sa famille au Liban à l’adolescence avant de s’installer en France il y a 15 ans. « Je veux que mes fils aient un endroit où ils se sentent chez eux, quitte à ce qu’ils partent ensuite au Canada, au Liban ou ailleurs quand ils seront grands. »

Alors que je quitte la grisaille parisienne pour une petite île méditerranéenne, je me demande ce que signifie être libanais. J’y retrouve le soleil et la mer.

« Après 8 ans passés au Liban, vous êtes forcément devenue libanaise quelque part, m’avait-on asséné il y a quelque temps. Au fil des années, vous vous êtes acclimatée, adaptée. »

Sur les groupes Facebook de Libanais à Paris, circulait une liste de réponses à la question : « À quoi reconnaît-on un Libanais ? » « Il appelle tout le monde habibi », « Il met un litre d’huile d’olive dans tous ses plats », « Partout où il va, il se trouve un cousin »...

Alors, qu’est-ce donc que l’identité ? Bahjat Rizk revient à Hérodote pour définir les quatre éléments qui composent l’identité, à savoir la langue, la religion, les mœurs et le sang, la race. Pour Amin Maalouf, les identités ne sont pas figées. Elles sont construites et évoluent avec le temps.

Avec l’identité se pose la question de la nation. « Qu’est-ce qu’une nation ? » demandait Ernest Renan dans une conférence à la Sorbonne en 1882. À l’époque, la France, vaincue par l’Allemagne en 1870, se voyait amputée de l’Alsace et de la Lorraine. À la conception essentialiste allemande, selon laquelle une nation est justement fondée sur la langue, la religion, les mœurs et la race, Renan opposait la vision française : une nation est une âme, un principe spirituel. « Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel, disait-il. L’une est dans le passé, l’autre est dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. » La nation est donc un plébiscite de tous les jours.

Vu de loin, j’ai l’impression que le Liban assiste actuellement et littéralement au réveil d’une nation. « Nous sommes tous libanais, affirment-ils, du Nord au Sud, de la Békaa au littoral. Nous avons un destin, un horizon commun. » « C’est à nous de bâtir ensemble notre Liban, peut-on également entendre, loin des ingérences étrangères des uns et des autres. »

Et face à la puissante et symbolique marche des femmes de Aïn el-Remmaneh et de Chiyah le long de l’ancienne ligne de démarcation, puis de celle d’Achrafieh à Khandak el-Ghamik quelques jours plus tard, les slogans sectaires « chiites ! chiites ! » ne peuvent que sonner creux. « Nous sommes toutes libanaises, par-delà nos confessions ou nos différences. » Les murs invisibles érigés entre ce même peuple s’effritent, de même que les frontières héritées de la guerre civile. Une communauté nationale commence à s’affirmer.

Face à la mer, mon regard se perd vers la rive orientale de cette mare nostrum où, sur les places publiques, on débat de l’État et de la citoyenneté et l’on construit le Liban de demain.

Ce carnet de bord d’un départ est le récit, partagé une fois par semaine, des aventures, des émotions et de la nostalgie d’une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et ses enfants.


Les épisodes précédents

« La femme est l’avenir de l’homme »

Premières neiges

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Épuisement émotionnel

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« Koullouna lil watan », de la place des Martyrs à la place du Trocadéro

Un dimanche à Paris

Beyrouth, Paris : d’une pollution à l’autre

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Des papiers, toujours des papiers...

Première rentrée parisienne pour mes petits Beyrouthins

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Comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien ?

« Nous quittons » le Liban


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Nous ne regrettons rien

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Et maintenant, on fait quoi ?

Libanité, entraide et hospitalité !

Le sentiment d’un retour aux sources

À contresens, nous rentrons au Liban !


« Je n’ai pas de chez moi », m’a avoué dimanche dernier une amie libanaise dans la cuisine de son appartement parisien. Née et élevée en Arabie saoudite, elle a déménagé avec sa famille au Liban à l’adolescence avant de s’installer en France il y a 15 ans. « Je veux que mes fils aient un endroit où ils se sentent chez eux, quitte à ce qu’ils partent ensuite...

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