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Lifestyle - Carnet de bord

Comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien ?

En septembre 2005, j’atterrissais à Beyrouth dans le cadre d’un échange universitaire. Du Liban, je ne connaissais rien. Comme tant d’autres étrangers, j’ai eu un véritable coup de cœur. Mes études terminées, je suis revenue m’y installer avec mon mari, libanais, et notre bébé de quelques mois. Près de 10 ans ont passé. J’ai arpenté, en tant que journaliste, le pays du nord au sud, de l’est à l’ouest. J’ai obtenu la nationalité libanaise. Un enfant est né. J’ai aimé ce pays que nous avons décidé de quitter aujourd’hui. Ceci est la seconde entrée du carnet de bord d’un départ, d’une émigration, que tant de Libanais ont vécue et vivent toujours.

Photo A.R.

Petit problème mathématique : comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien, déjà meublé de surcroît ? La réponse ne peut qu’être radicale : tout laisser, ou presque, au Liban. Ne prendre que l’essentiel, les papiers, les bijoux, les photos, les vêtements. Abandonner les plantes, les livres, les DVD de chez Tony, les coquillages et les dessins d’enfants. Entreposer dans un lieu sûr l’accordéon et le bouzouk, les Playmobil et la raquette de tennis. Et puis se dire qu’on reviendra, un jour, chercher tout ça. Dans un an ou cinq.

En attendant, il s’agit de faire de la place pour une nouvelle vie. Partir léger. En profiter pour se délester de tout ce qui nous encombre, pour écrire sur cette page blanche. S’apercevoir, au passage, qu’on a été davantage fourmi que cigale. Ici, un ticket d’entrée à la réserve des cèdres du Barouk, là des galets ramassés à Byblos. Et même une amende pour dépassement d’horaire de stationnement, heureusement payée depuis belle lurette.

Partir léger est un travail monstre. 10 ans de vie à trier, à emballer. L’affaire a au moins le mérite de nous éviter de cogiter et se poser trop de questions sur le passé, le présent et l’avenir.

Sur chaque carton, on a apposé un numéro. Ce numéro, on l’a retranscrit minutieusement sur un bloc-notes, avec la description de son contenu. On en est déjà à 17. À côté des cartons, il y a trois sacs poubelles, format XXL. Un pour les papiers, un pour le plastique, un pour l’électronique. Ils finiront chez arcenciel pour recyclage. Il ne faudrait pas s’infliger, en plus, mauvaise conscience à l’idée que toutes ces choses qu’on abandonne fassent grandir les montagnes de déchets.

Et vous qui avez quitté votre pays, qu’avez-vous pris avec vous ? Une raqwé et des épices, m’avait avoué une famille de réfugiés syriens. Du zaatar et de l’arak m’avait dit un autre. Nous, si on a encore de la place dans la valise, on prendra du debs el-remmane, de la mélasse de grenade. Et puis s’il n’y a vraiment plus de place, on se souvient qu’il paraît que maintenant, on trouve tout en France.

En attendant, on n’a jamais autant mangé de manouchés, kebbé, feuilles de vigne, shawarma, cocktails de fruits, halewet el-jebn et mafrouké… Histoire d’emmagasiner dans nos corps tous les merveilleux goûts du Liban.


Lire la première entrée du carnet de bord

« Nous quittons » le Liban

Petit problème mathématique : comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien, déjà meublé de surcroît ? La réponse ne peut qu’être radicale : tout laisser, ou presque, au Liban. Ne prendre que l’essentiel, les papiers, les bijoux, les photos, les vêtements. Abandonner les plantes, les livres, les DVD de chez Tony, les coquillages et...

commentaires (8)

Il parait que le "debs el remmane" est aussi typique pour les arméniens. Apparement on fabrique déjà 6000 ans du vin de pomme grenade en Arménie. Peut-être que le mot libanais "remmane" est lié à "Arménie" ?

Stes David

21 h 33, le 05 septembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Il parait que le "debs el remmane" est aussi typique pour les arméniens. Apparement on fabrique déjà 6000 ans du vin de pomme grenade en Arménie. Peut-être que le mot libanais "remmane" est lié à "Arménie" ?

    Stes David

    21 h 33, le 05 septembre 2019

  • Il y a des sites internet qui disent pourtant que le mot libanais "remmane" n'a rien à voir avec le mot "romain" (j'étais en train de me demander si "romain" et "remmane" sont les même mots mais ca serait tout à fait improbable). Il y a des sites qui disent que "remmane" ca serait plutôt du dieu araméen Rimmon (Ramman), en tous cas un fruit important pour égyptiens, iraniens, syriens etc. et avec une longue histoire en occident aussi (malum punicum, la pomme des phéniciens).

    Stes David

    21 h 11, le 05 septembre 2019

  • Il y a , avec tous les iraquins, syriens, et libanais, palestiniens et autres, plein de "mélasse de grenade" en vente en France ... pas besoin de l'emmener ... D'après le dict. Petit Robert le mot "sirop" vient de l'arabe "charab" boisson mais c'est pourtant intéressant qu'on dit "debs el-remmane" en libanais et en plus je ne suis pas convaincu de l'origine arabe du mot "sirop" surtout si le latin possède le mot siropus, mais il semble en tous cas que déjà des milliers d'années on transporte de sirop de mélasse de grenade entre l'Europe et le Moyen-orient. "el remmane" c'est peut-être associé au mot "romain" ? Du point de vue des orientaux c'est peut-être un fruit romain. Du point de vue des occidentaux c'était un fruit punique.

    Stes David

    20 h 03, le 05 septembre 2019

  • Prions pour que la troisième entrée de ce carnet de bord soit plus intéressante. La première avait au moins le mérite d'être polémique.

    Georges Lebon

    18 h 18, le 04 septembre 2019

  • Partir avant 1975 etait un choix plutot economique ou pour donner plus d'avenir a nos enfants partir entre 1975 et 1990 etait un choix de securite partir entre 1991 et 2006 etait un choix de liberte , ne voulant pas vivre sous occupation soit Syrienne soit de HB qui avait provoque une guerre non necessaire partir entre 2007 et 2016 etait a nouveau un choix economique ou pour donner plus d'avenir a nos enfants le pays etant paralyse pendant deux ans et demi partir depuis l'avenement du general Aoun est devenu un choix reel ( pour ne pas dire une neccessite ) pour eviter les ordures le manque d'electricite ,d'eau et tous les jours la corruption galopante dans tous les domaines de l'Etat C'EST A SE DEMANDER SI ON NE VIVAIT PAS MIEUX AVANT L'ACCESSION DU GENERAL A LA PRESIDENCE ET SURTOUT DE LA RENTREE DANS LA VIE POLITIQUE DE SON GENDRE MAIS APPAREMENT IL A UN SECOND GENDRE QUI SEMBLE BEAUCOUP PLUS POSE ET PLUS RESPONSABLE ( HEUREUSEMENT) ON PEUT REVER D'UN LIBAN QUI NE NOUS DONNERA AUCUNE RAISON DE LE QUITTER mais cela restera un reve malheureusement pour le moment

    LA VERITE

    15 h 53, le 04 septembre 2019

  • Partir c'est mourir un peu . Sauf que cette fois-ci la mort dans l'âme , partir c'est avoir été enrichie d'une culture qui s'additionne . Le libanais porte sa croix partout où il va .

    FRIK-A-FRAK

    15 h 26, le 04 septembre 2019

  • Une valise d’habits avec une rakwé et du café. C'était Il y a 20 ans!

    Ghassan

    09 h 21, le 04 septembre 2019

  • Expérience un peu pénible , mais pas du tout exceptionnelle ! Elle a été vécue et revécue des dizaines de fois par tout expatrié , et nous le fûmes presque tous ou à peu près dans ce monde moderne agité et instable . Mais le record du monde de ce genre de sport a été atteint par les libanais , imbattables voyageurs malgré les difficultés monstrueuses que leur vaut leur passeport libanais si peu apprécié autour de la planète ! Personnellement , au cours de ma carrière diplomatique , j'ai plié bagages plus de cent fois , et j'en suis maintenant à un point où je ne sais plus quel objet se trouve dans quelle caisse dans quelle ville de ce vaste monde ...J'ai éparpillé , j'ai égrené tout mon passé et celui de ma famille un peu partout , ce qui fait que je suis encore vraiment installé nulle part , et ça continue ! Déformation professionnelle indélébile . Mais qui peut s'interesser à ce genre d'articles dans notre prestigieux journal ?

    Chucri Abboud

    08 h 26, le 04 septembre 2019

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