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Lifestyle - Carnet de bord

X- Voir la révolution

Photo A.R.

Il est 6h30. Le soleil qui se lève envahit ma chambre, et ses rayons me réveillent. Je suis à Beyrouth, de nouveau, pour quelques jours. En deux mois, tout a changé et rien n’a changé.

La veille au soir, quelques heures après mon arrivée, je suis allée sur le ring. Et j’ai enfin pu voir à l’œil nu tout ce que je ne voyais jusqu’alors que par écrans interposés à Paris. J’ai vu le salon installé sur le bitume, les canapés qui bloquent les rues, une partie de foot improvisée, l’arbitre marquant les touches avec un drapeau libanais. J’ai vu les graffeurs, des jeunes en pancho en plastique jouant à la marelle, un musicien et des groupes de jeunes, partout, discutant et débattant de la révolution.

Mon amie m’a emmenée à la place des Martyrs. « Tiens, ils ont installé des barrières partout. Elles n’y étaient pas hier. » On a continué dans l’Œuf. Al-Jadeed enregistrait une émission télévisée au rez-de-chaussée. À l’étage, dans la salle de cinéma, quelques jeunes s’amusaient à grimper sur la paroi, dans le noir. Libres.

Nous avons continué vers Riad Solh, entendu les chants révolutionnaires ou patriotiques qui sortent des amplis, vu les fumeurs de narguilé installés sur leurs chaises en plastique, les vendeurs de maïs. Nous sommes passés devant le Grand Théâtre, de nouveau fermé. Sur la place Riad Solh, les gens chantaient, lumières des portables pointées vers le ciel. Jamais je n’avais vu le centre-ville aussi vivant. Les gens avaient réinvesti leur balad. Un air de liberté flottait dans l’air et mon cœur gonflait. C’était le Jour XII de la révolution.

Pourtant, mes amies étaient assez amères. « C’est la première fois qu’il y a si peu de monde. D’habitude, on a du mal à circuler. » Et de se poser la question du pourquoi. « Est-ce à cause de la pluie ou de la menace de l’effondrement économique ? » Et sur toutes les lèvres se pose la question de l’avenir de la « révolution ».

Le lendemain, je me réveille donc à l’aube. Il fait doux. Je dois retirer de l’argent. Les banques sont toujours fermées. Restent les ATM. Devant le premier, une file d’attente se forme. « Retirez l’argent », indique l’automate. Mais rien ne sort. « J’ai besoin d’argent pour faire les courses pour préparer le repas », dit une femme, dépitée, devant la machine capricieuse. Un peu plus loin, l’ATM est tout simplement hors service. À celui d’après, une femme s’exaspère : « Même 40 000 LL, ça ne marche pas », dit-elle avant de s’éloigner. Je poursuis mon tour des banques du quartier, en quête d’argent en espèces. Je vois qu’un homme réussit à en obtenir d’un automate. « Vous pouvez même retirer des dollars ici », me glisse-t-il en partant, comme on partage un secret. Mais ma carte française n’est pas acceptée par la machine, m’explique par gestes un employé de la banque derrière les portes closes de l’agence. « Allez voir cette autre banque, cent mètres plus loin », me conseille-t-il. Et là, ô miracle. Les précieuses livres libanaises sortent de l’automate. Je peux enfin acheter des man’ouchés. Mais au fond de moi, naît une inquiétude. Et les mots d’une collègue font écho à mes sentiments. « C’est beau. C’est intense. C’est inquiétant. J’espère vraiment qu’on va y arriver. »

*Ce carnet de bord d’un départ est le récit, partagé une fois par semaine, des aventures, des émotions et de la nostalgie d’une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et ses enfants.



Les épisodes précédents

« Koullouna lil watan », de la place des Martyrs à la place du Trocadéro

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Il est 6h30. Le soleil qui se lève envahit ma chambre, et ses rayons me réveillent. Je suis à Beyrouth, de nouveau, pour quelques jours. En deux mois, tout a changé et rien n’a changé. La veille au soir, quelques heures après mon arrivée, je suis allée sur le ring. Et j’ai enfin pu voir à l’œil nu tout ce que je ne voyais jusqu’alors que par écrans interposés à Paris. J’ai...

commentaires (1)

Quitter puis retourner , tout cela a un coût écologique énorme car je suppose qu'on fait la navette entre Paris et Beyrouth en avion ... Quand aura-t-on une "Greta Thunberg" libanaise qui alerte les gens de la pollution que tout ces voyages implique, et qui fait l'aller-retour 'à bord d’un voilier de course zéro carbone' comme Greta Thunberg l'a fait ?

Stes David

13 h 52, le 30 octobre 2019

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Commentaires (1)

  • Quitter puis retourner , tout cela a un coût écologique énorme car je suppose qu'on fait la navette entre Paris et Beyrouth en avion ... Quand aura-t-on une "Greta Thunberg" libanaise qui alerte les gens de la pollution que tout ces voyages implique, et qui fait l'aller-retour 'à bord d’un voilier de course zéro carbone' comme Greta Thunberg l'a fait ?

    Stes David

    13 h 52, le 30 octobre 2019

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