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Lifestyle - Carnet de bord

XIX – « Tout le monde veut partir »

Photo A.R.

Une seconde vie pour les sapins. Jetés sur les trottoirs, les sapins de Noël des Parisiens sont broyés par des employés municipaux. Ce broyat sera utilisé dans les parcs et jardins de la capitale pour empêcher la pousse des mauvaises herbes, limiter l’évaporation de l’eau et favoriser le développement de micro-organismes dans le sol.

« Le Liban, ce n’est pas le tiers-monde ni le quart-monde, c’est le cinquième monde. » Voilà ce que m’a dit il y a quelques jours un Libanais installé depuis plus de 30 ans à Paris. Et d’en énumérer les raisons : pas d’électricité, pas d’eau, pas de services publics, pas de filet de protection sociale, pas d’assurance chômage, pas de retraite. « Il n’y a rien. Ils ont tout volé », lâchait-il. Bien sûr, tout ça, je le savais, je m’en rendais bien compte quand j’habitais à Beyrouth. Je le vivais au quotidien. Mais vu de loin, avec le recul, le constat est d’autant plus amer. Le citoyen libanais ne reçoit pas l’ombre du minimum de ce qu’il est en droit d’attendre d’un État.

Ce quotidien, je m’en accommodais. En 2015, quelque chose s’était brisé en moi. Voir les déchets s’accumuler dans les rues, s’amonceler dans les montagnes, polluant les nappes phréatiques et menaçant la santé des gens m’avait ébranlée. L’incompétence et l’affairisme des politiciens m’avait révoltée. Leur irresponsabilité surtout. Leur impunité. Quel est ce pays dont les autorités affichent un tel mépris envers son peuple ? Qui joue avec sa santé, sans scrupules ?

Trois mois que les Libanais sont dans la rue. Que le pouvoir reste sourd à leurs cris. Kellon ya3né kellon. Le peuple a relevé la tête, réclamant enfin des comptes. Mais la formation du gouvernement se fait attendre et les mauvaises nouvelles pleuvent. La livre libanaise perd sa valeur. Le Liban ne paie pas, ou très en retard, sa contribution à l’ONU. Certains médicaments sont en rupture de stock. Le secteur hospitalier ne tiendra pas plus que quelques semaines. Les coupures quotidiennes d’électricité augmentent. Internet pourrait être coupé. La salle Empire Sofil baisse le rideau et plonge l’association Metropolis dans le silence. Les entreprises licencient. Rien ne va plus. Tous les voyants sont au rouge. Jusqu’où ? Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Qui pourra empêcher le navire de faire naufrage ? « Tout le monde veut partir », m’affirme une amie libanaise qui était de passage à Beyrouth pour les fêtes de fin d’année. De loin, je regarde avec consternation le Liban s’enfoncer dans la crise, impuissante.

Quatre mois que nous sommes à Paris. C’est à la fois peu et une éternité. Nous avons pris nos marques, institué une nouvelle routine. Les formalités administratives sont accomplies. Finalement, ce n’était pas si compliqué. Quasiment tout se fait en ligne aujourd’hui. Ma fille prépare déjà la rentrée au collège, mon fils celle de l’école primaire. Ils ont l’air heureux.

*Ce carnet de bord d’un départ est le récit, partagé une fois par semaine, des aventures, des émotions et de la nostalgie d’une Française qui a passé 10 ans au Liban, avant de repartir pour la France avec son époux libanais et ses enfants.

Une seconde vie pour les sapins. Jetés sur les trottoirs, les sapins de Noël des Parisiens sont broyés par des employés municipaux. Ce broyat sera utilisé dans les parcs et jardins de la capitale pour empêcher la pousse des mauvaises herbes, limiter l’évaporation de l’eau et favoriser le développement de micro-organismes dans le sol. « Le Liban, ce n’est pas le tiers-monde ni...

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