Après 10 ans passés au Liban, la décision est prise. Non sans difficulté.
Le coût de la vie, la pollution, la corruption, les déchets et l’absence de perspectives. Un horizon bouché, la résignation et l’espoir qui meurt auront eu raison de nous. Nous partons.
L’herbe sera-t-elle plus verte ailleurs ? Peut-être pas.
Mais sous les étoiles, à l’abri des pierres millénaires du temple de Bacchus, alors que résonnent à l’unisson Gracias a la vida / choukran lal hayat, mon mari et moi-même avons finalement décidé de tenter l’aventure. Trêve de tergiversations. Nous partons à la fin du mois.
Et puis, il a fallu l’annoncer. « Je suis triste, mais je comprends. Je suis content pour vous », m’a-t-on répondu. « Vous faites bien. » « Que le Liban nous offre-t-il encore ? Rien. Partez. Pour les enfants. »
La mère d’une amie de ma fille, à la colonie, égrène les noms de ceux qui ont déjà franchi le pas : « Mon collègue qui travaille depuis 20 ans avec nous quitte aussi le pays avec sa femme et ses trois enfants. Direction l’Amérique. Et j’ai vu il y a quelques jours sur Facebook que le petit Anthony, qui était en classe avec nos filles, est parti avec sa famille vivre au Canada. »
C’est apparemment la saison. Profiter de l’été pour faire ses valises, comme on partirait en vacances. Une hémorragie. « C’est triste pour le pays », me dit-on aussi. Plus tard, une voisine me fait part de ses doutes, dans l’ascenseur : « Vous partez ? Nous aussi on se pose la question. On vient d’en discuter ce matin avec mon mari après avoir appris que le Liban faisait partie des 17 pays du monde bientôt confrontés à une situation de stress hydrique. »
Dans mon immeuble, comme dans chaque immeuble, les enfants devenus grands sont partis en France, un mari en Chine, deux frères au Canada… venant grossir les rangs de la diaspora libanaise.
Chacun a ses raisons. De mon côté, je me pose mille questions, pèse et repèse le pour et le contre. Je me souviens de ces étudiants dont le pessimisme m’avait touchée. « Comment voyez-vous le Liban dans cinq ans ? » leur avais-je demandé. « Je ne sais pas et j’espère ne pas être là pour le voir », avaient répondu la plupart d’entre eux.
Et puis un samedi, le dessin de Boo dans L’Orient-Le Jour, qui vient couronner cette folle semaine de doute : « Émigre » intiment les étoiles dans le ciel au père indécis, son fils à ses côtés. « Parfois, mon fils, la réponse est dans les étoiles », dit alors celui-ci.
Comme autant de signes. On a pris la bonne décision.
commentaires (33)
Le Liban a beaucoup change depuis 2011 j'ai vu a la rue Hamra des jeunes femmes syriennes avec leurs enfants assises sur le trottoir demandées la charité , c'est quelque chose que je n'ai jamais vu au Liban, c'est triste.
Eleni Caridopoulou
18 h 22, le 27 septembre 2019