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Lifestyle - Carnet de bord

XV- Oui, nous reviendrons

Jamal Saidi/Reuters

Les préparatifs vont bon train, avant notre départ pour Montréal où nous attend un Noël blanc, bien au chaud. Ce sont nos premières retrouvailles avec la famille au Canada depuis notre retour au Liban. Drôle de pèlerinage qui se fait en sens inverse. On se rapproche ainsi du pôle Nord, et du père Noël, il faut bien lui faciliter la tâche, il aura un cadeau de moins à traîner jusqu’au Liban cette année ! Nous en discutions, ma femme et moi, de ce mélange de joie à l’idée de retrouver la famille restée à Montréal, et de cette tristesse de quitter le Liban. Tiraillement propre à tout migrant sur terre.

J’ai assisté à un office religieux dimanche dernier, le temps d’un recueillement dont je n’avais plus coutume depuis quelques années. Plus jeunes, mes frères et moi nous nous soumettions religieusement – c’est le cas de le dire – à la messe hebdomadaire. Il était hors de question de manquer un seul de ces rendez-vous, ma mère ayant toujours veillé au respect de cette tradition sacrée. Plus vieux, j’ai perdu l’habitude, occupé avec mes études, le boulot, et puis la vie qui m’a porté sous différents cieux. Pourtant, le temps d’une messe dimanche dernier, entouré d’une communauté accueillante, je me suis retrouvé en terrain connu. Je ne prétends pas avoir été l’objet d’une quelconque illumination spirituelle, mais j’ai retrouvé, le temps d’une prière, un sentiment familier enfoui en moi, sorti tout droit d’un lointain souvenir.

Les mois se succèdent mais ne se ressemblent pas depuis notre arrivée au Liban. Nous y avons débarqué en plein été. La belle saison s’est étirée jusqu’en octobre, au grand plaisir des Nordiques que nous sommes. Et puis cette inattendue décharge révolutionnaire qui a entraîné un printemps aussi tardif qu’imprévu… Sans crier gare, le ciel nous est tombé sur la tête, on ne s’attendait pas aux vives et violentes trombes d’eau de ces derniers jours, pas plus qu’au soulèvement national vécu depuis ce fameux 17 octobre. « D’autres ont des cyclones, a écrit une chroniqueuse de notre quotidien francophone. Nous, Libanais, n’avons pas besoin des intempéries de cette portée pour créer notre propre chaos… »

Et lorsque mes collègues et amis m’interrogent sur la suite de ces vacances, je leur réponds : « Oui, nous reviendrons au Liban. » J’avoue que je ne m’attendais pas à ce que les choses soient aussi difficiles, pas plus que je ne me doutais de la nature des défis auxquels nous allions faire face. Ma femme et mon fils se sont rapidement intégrés à cette vie si différente, même plus vite que je ne le pensais. Je me suis tout de suite impliqué à fond dans mes obligations professionnelles et, paradoxalement, c’est moi qui ai eu le plus de difficultés à trouver un rythme, tant les paramètres avaient rapidement changé. Je ne vous apprends rien en vous disant que la situation n’est pas au beau fixe, que les pressions financières, monétaires, sécuritaires ont eu raison des plus vaillants, et que l’économie se porte très mal. Les Anglais disent que tout ce qui monte doit redescendre un jour. Ici, au Liban, c’est plutôt le contraire, on espère que ce qui tombe aujourd’hui va se relever demain, bien entendu sous une forme, on l’espère, plus saine et soutenable.

Nous reviendrons dès les premiers jours de janvier, pour reprendre notre vie au Liban. D’ici là, je vous donnerai des nouvelles à partir de Montréal, les pieds au plus proche de la cheminée !

Un petit mot avant de partir : ce ne sont pas les bonnes causes qui manquent en cette période de fin d’année difficile pour plusieurs personnes au pays. Une suggestion parmi d’autres pour celles et ceux qui aimeraient contribuer à des actions collectives positives : Fair Trade Lebanon organise une campagne de crowdfunding pour soutenir des petits producteurs, des coopératives et des fermiers en leur achetant des aliments frais ou des produits préparés, le tout produit localement et contribuant ainsi à sauver des emplois au pays. La nourriture sera par la suite distribuée gratuitement aux familles dans le besoin.


*Ce carnet de bord est le récit, partagé une fois par semaine, du retour de Christian Kamel, son épouse et leur fils au Liban. Alors qu’ils sont si nombreux à vouloir quitter le pays du Cèdre, un émigré fait le chemin inverse. Parce que ce pays, qu’il a quitté enfant, est aussi le sien.


Les épisodes précédents

Ces émotions qui nous unissent

Nous ne regrettons rien

Le plus beau pays du monde

Et la vie continue (?)

La révolution (pas si) tranquille libanaise

Baptême de feu au cœur de la révolution

La liberté d’espérer

Le temps des pommes

Et maintenant, on fait quoi ?

Libanité, entraide et hospitalité !

Le sentiment d’un retour aux sources

À contresens, nous rentrons au Liban !


Découvrez, en parallèle, le carnet de bord de Anne R. qui, elle, quitte le Liban:

Être libanais

Premières neiges

Expliquer la révolution

Épuisement émotionnel

Voir la révolution

Un dimanche à Paris

Beyrouth, Paris : d’une pollution à l’autre

Paris sans voiture

Première rentrée parisienne pour mes petits Beyrouthins

Ce sens de l’entraide si libanais

Comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien ?

« Nous quittons » le Liban

Les préparatifs vont bon train, avant notre départ pour Montréal où nous attend un Noël blanc, bien au chaud. Ce sont nos premières retrouvailles avec la famille au Canada depuis notre retour au Liban. Drôle de pèlerinage qui se fait en sens inverse. On se rapproche ainsi du pôle Nord, et du père Noël, il faut bien lui faciliter la tâche, il aura un cadeau de moins à traîner...

commentaires (2)

Ce lien vers l'opération "stand for Lebanon" ne marche pas. Je l'avais déjà vu sur une page de l'OLJ et j'avais tenté de l'ouvrir en vain. Nouvelle tentative aujourd'hui donc sans plus de succès.

Marionet

23 h 33, le 13 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • Ce lien vers l'opération "stand for Lebanon" ne marche pas. Je l'avais déjà vu sur une page de l'OLJ et j'avais tenté de l'ouvrir en vain. Nouvelle tentative aujourd'hui donc sans plus de succès.

    Marionet

    23 h 33, le 13 décembre 2019

    • Bonjour, Le lien a été modifié dans le texte et est désormais accessible. Merci pour votre commentaire

      L'Orient-Le Jour

      10 h 29, le 14 décembre 2019

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