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Économie - Transport

Pourquoi la Lufthansa rechigne à desservir Beyrouth depuis le 7 octobre ?

Le facteur sécuritaire pourrait ne pas être le seul paramètre pris en compte par la compagnie allemande.

Des Palestiniens qui s'étaient réfugiés à Rafah quittent la ville pour retourner à Khan Younès après qu'Israël a retiré ses forces terrestres du sud de la bande de Gaza, le 7 avril 2024, six mois après le début de la guerre dévastatrice déclenchée par les attaques du 7 octobre. Mohammad Abed/AFP

Réagissant au début du conflit entre le Hamas et Israël à Gaza, et aux premiers échanges de tirs entre le Hezbollah et l’armée israélienne à la frontière entre le Liban-Sud et le nord de l’État hébreu, nombre de compagnies aériennes ont pris des mesures face à la détérioration de la situation sécuritaire, soit en suspendant leurs vols à destination de Beyrouth ou de Tel-Aviv, soit en réduisant la fréquence de leurs vols vers ces destinations.

Avec le temps, le trafic a retrouvé un semblant de normalité. Mais la dernière séquence d’affrontements qui, en avril, a impliqué Israël et l’Iran, a une nouvelle fois mis les transporteurs aériens sur le qui-vive après que plusieurs pays du Moyen-Orient ont temporairement fermé leurs espaces ariens respectifs dans la nuit du 13 au 14 avril, le temps d’une riposte très médiatisée de Téhéran en représailles à une attaque israélienne le 1er avril sur le consulat iranien à Damas.

À chacun de ces épisodes, le groupe allemand Lufthansa a pris des mesures plus radicales que la majorité des autres compagnies. Pourquoi ? 

Suspensions répétées

Dès la deuxième semaine suivant le début de la guerre de Gaza qui a éclaté le 7 octobre 2023, la compagnie Lufthansa et sa filière Swiss, ont suspendu leurs vols à destination de Beyrouth pendant une durée conséquente qu’ils ont prolongée à plusieurs reprises. Il a fallu attendre la mi-décembre pour qu’elle recommence à desservir la capitale libanaise alors que l’ensemble des compagnies aériennes assuraient leurs liaisons quasi normalement, au prix de certains aménagements.

À la mi-avril, rebelote. Les deux compagnies suspendent leurs vols dans la nuit du 13 au 14 avril, mais ne les rétablissent pas une fois les espaces aériens rouverts, préférant fixer une période d’observation allant jusqu’au 30 avril pour se prononcer. À l’exact opposé de cette démarche, la Middle East Airlines n’annulera qu’une poignée de vol prévus pendant la fenêtre de temps où l’espace aérien libanais était fermé et retrouvera un fonctionnement quasi normal dans les 24h suivantes. Et si la compagnie polonaise LOT a bien donné l’impression un moment de suivre l’exemple de Lufthansa en annulant deux vols, elle s’est finalement arrêtée là et a maintenu les liaisons suivantes.

Mais alors pourquoi la Lufthansa, détenue à plus de 70 % par des capitaux allemands – mais qui compte aussi le gestionnaire d’actifs américains Blackrock parmi les détenteurs de son capital, avec 3 % du total – se montre plus frileuse que les autres compagnies aériennes quand il s’agit de ses liaisons avec Beyrouth depuis que la guerre à Gaza a éclaté ?

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Contacté par L’Orient-Le Jour, le groupe allemand botte en touche : « La sécurité des passagers et des équipages est toujours la priorité absolue (…). Le groupe Lufthansa ne se fie pas uniquement aux évaluations des gouvernements, mais évalue lui-même la situation actuelle en matière de sécurité et prend ensuite ses propres décisions. »

Facteur politique et rentabilité

Une source au sein de l’une des autres compagnies aériennes détenues par le groupe Lufthansa – qui compte Swiss, mais aussi Aerologic (qu’elle se partage à part égale avec la Deutsche Post AG), Air Dolomiti, Austrian Airlines, Brussel Airlines, Edelweiss Air AG Eurowings, et SunExpress – assure que la motivation principale de la compagnie est d’ordre sécuritaire. « Ils ne sont pas rassurés sur la situation sécuritaire », insiste cette source ajoutant que l'État allemand pourrait être indirectement impliqué dans une telle décision et que la seule compagnie allemande qui dessert encore le Liban actuellement est SundAir, une compagnie charter. Le fait que le groupe Lufthansa suspende également ses vols via Téhéran jusqu’au 30 avril corrobore cette explication.

Mais pour d’autres acteurs du secteur, le risque sécuritaire n’est pas le seul facteur qui entre en jeu.

Le président de l'Association des agences de voyage et de tourisme au Liban (Attal), Jean Abboud, pense pour sa part que la décision du groupe Lufthansa pourrait être liée à des pressions politiques exercées sur le groupe « Ils savent que l'aéroport est sûr », a-t-il déclaré à L’Orient-Le Jour.

Une décision qui concerne Lufthansa, mais aussi Austrian Airlines, tandis que Swiss a d’ores et déjà annoncé la reprise de ses vols vers Tel-Aviv le 25 avril.

Enfin deux sources, une à l’aéroport de Beyrouth et une autre travaillant comme pilote sur des vols opérant en Asie, considèrent que le facteur économique est le principal moteur des décisions du transporteur allemand et de ses filiales. La première fait remarquer que « la Lufthansa et Swiss » ont repris leurs vols vers Beyrouth à la mi-décembre, période de forte activité alimentée par la diaspora qui revient au Liban pour les fêtes de fin d’année alors que la guerre à Gaza et les affrontements à la frontière libano-israélienne se poursuivaient. La Lufthansa n’a d’ailleurs repris ses vols vers Tel-Aviv que le 8 janvier, alors que la période allant de décembre à février est considérée comme creuse en Israël. « Je parie qu’on reverra rapidement la Lufthansa et ses filiales revenir à Beyrouth à l’approche de l’été, si la situation sécuritaire reste relativement stable », ironise la source.

Le pilote explique de son côté que le facteur économique dépend lui-même de plusieurs paramètres qui englobe le facteur risque – ou plutôt comment il est pris en compte par l’assureur de la compagnie aérienne –, le taux de remplissage habituel des vols pendant une période donnée et la longueur des trajets (certaines compagnies ne survolent par exemple pas la Syrie, ce qui les rend moins compétitives que d’autres sur certains trajets) ou encore la concurrence qu’elle peut avoir sur une zone géographique donnée pour rallier une destination. S’ajoute à cela le fait que les compagnies aériennes travaillent souvent à perte pendant la saison creuse pour se rattraper en gonflant les prix pendant la haute saison. « Je ne prendrai pas trop de risque en supposant que le groupe Lufthansa a sauté sur le prétexte sécuritaire pour suspendre temporairement des vols peu ou pas rentables », pose-t-il comme hypothèse.

Réagissant au début du conflit entre le Hamas et Israël à Gaza, et aux premiers échanges de tirs entre le Hezbollah et l’armée israélienne à la frontière entre le Liban-Sud et le nord de l’État hébreu, nombre de compagnies aériennes ont pris des mesures face à la détérioration de la situation sécuritaire, soit en suspendant leurs vols à destination de Beyrouth ou...

commentaires (4)

Pourquoi? Vous l avez bien dit, OLJ...simple... car il ya dedans "le gestionnaire juif d’actifs américains Blackrock" parmi les détenteurs de son capital, avec 3 % du total..." Dommage pour Lufthansa today. Google BlackRock,please.

Marie Claude

09 h 58, le 26 avril 2024

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Commentaires (4)

  • Pourquoi? Vous l avez bien dit, OLJ...simple... car il ya dedans "le gestionnaire juif d’actifs américains Blackrock" parmi les détenteurs de son capital, avec 3 % du total..." Dommage pour Lufthansa today. Google BlackRock,please.

    Marie Claude

    09 h 58, le 26 avril 2024

  • Deux explications possibles à l'appui inconditionnel de l'Allemagne à Israël dans cette guerre immorale. (1) le poids des remords liés à la Shoah incite les Allemands à être redevables envers les Israéliens, cherchant ainsi une forme d'absolution pour les atrocités commises par leurs aïeux durant la Seconde Guerre mondiale. (2) Autre explication insidieuse : Encourager Israël dans ses crimes contre l'humanité affaiblira toute future récrimination à l'encontre des Allemands pour les erreurs du passé.

    Taasi Trentaasi

    17 h 26, le 25 avril 2024

  • S'ils ne veulent pas venir, on se passera de leurs services, Les vols de MEA et Turkish Airlines sont parfaits!

    Politiquement incorrect(e)

    15 h 57, le 25 avril 2024

  • L’image de l’Allemagne est tombée bien bas depuis le 7 octobre…

    Gros Gnon

    07 h 57, le 25 avril 2024

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