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Lifestyle - Carnet de bord

XIV – Ces émotions qui nous unissent

Photo C.K.

En ce mois de décembre qui pointe du nez, et par un beau dimanche matin, nous avons pris la route en direction du village de ma femme, niché dans les montagnes dans le sud du pays. Un de ces villages comme on en trouve encore beaucoup au Liban, mais qui, à nos yeux, est unique au monde. La plupart de la famille a quitté ce petit coin de pays il y a bien longtemps, mais nous avons la chance d’avoir Khalo Maroun toujours présent pour nous recevoir lors de nos visites. Plusieurs reconnaîtront peut-être en lui un grand-père, un oncle ou un cousin resté au village. Ces personnages plus grands que nature, qui sont pour nous le rappel d’un temps immémorial. Un accueil sincère et une chaleur humaine tissés dans une simplicité qui réveille en nous un amour pour le pays et pour un mode de vie oublié, sur lequel le temps n’a pas d’emprise. Ce temps, justement, qu’on ne prend plus assez souvent pour les voir. Ces histoires d’une autre époque, où l’on se retrouve autour d’une sobia dans la seule pièce chauffée de la maison, point de rassemblement de toute la famille, magnifique engin qui servira plus tard à préparer le café. L’occasion d’échanger et de prendre des nouvelles, très loin des aléas que nous vivons en ville. Et les enfants qui disparaissent dans les champs pour ne revenir que bien plus tard, vitaminés, heureux et sales de la tête aux pieds, au grand dam des mamans… De cette énième tasse de café, du mankal’ qui ne dérougit pas, de tous ces verres d’arak qu’on boit à la santé des uns et des autres, implorant l’Éternel de nous laisser nos vieux veiller sur nous aussi longtemps que possible. Une journée magnifiquement suspendue dans le temps.

Retour sur Beyrouth tard dans la soirée, notre ville-reine étonnamment paisible en ce dimanche soir, en attente du prochain discours qui viendra enflammer de nouveau les braises apparemment dormantes. L’air est plus respirable depuis quelques semaines dans la capitale, résultat de la baisse de l’activité économique. Certaines analyses enregistrent des chutes de 70 % des polluants atmosphériques, conséquence insoupçonnée de cette saison tumultueuse que nous traversons. Je vis cette période d’instabilité avec autant d’anxiété que d’espoir, souvent dans un flottement qui m’empêche de me concentrer sur mon travail quotidien, occupé à suivre les derniers développements dans un empressement qui donne aux nouvelles une illusion d’importance. Qu’elle est superficielle et vaine cette quête pour rester à jour d’une information vide de sens, qui nous empêche de participer pleinement au monde dans lequel nous évoluons. Nous sommes champions dans le domaine de la production astronomique de nouvelles inutiles, et dans le remplissage des ondes radios et télés avec de l’air chaud. Paradoxe bien libanais, au milieu de tant de futilité, on retrouve des trésors humains. J’ai la chance de côtoyer régulièrement grâce à mon métier des gens extraordinaires, passionnés, dévoués, engagés dans des causes justes, et qui viennent en aide à leur prochain. À travers ces causes qu’ils soutiennent, ils impactent la vie de milliers de personnes. Ces causes qu’ils portent à bout de bras, que ce soit pour soutenir les personnes souffrant d’un handicap, pour assurer un minimum de dignité aux gens dans le besoin, ou encore pour défendre et encourager un développement économique juste et équitable, tels des superhéroïnes et superhéros sans lesquels le pays serait en piètre état. C’est en grande partie eux notre trésor national.

L’IRAP, institution jeune de ses 60 ans, qui apporte un soutien infaillible aux personnes souffrant d’un handicap auditif en les aidant à développer des capacités communicationnelles, est un de ces exemples de ce dévouement exemplaire et inépuisable envers son prochain. L’institut est maintenu par des êtres extraordinaires qui s’y consacrent corps et âme afin d’assurer la pérennité de leur mission. Alors, humble suggestion de ma part, si vous cherchez une cause à soutenir ou une façon d’aider notre pays en ce temps de fin d’année, cette organisation, comme tant d’autres, a besoin de notre soutien collectif pour continuer à assurer sa présence et sa mission dans les prochaines années à venir.

Ce carnet de bord est le récit, partagé une fois par semaine, du retour de Christian Kamel, son épouse et leur fils au Liban. Alors qu’ils sont si nombreux à vouloir quitter le pays du Cèdre, un émigré fait le chemin inverse. Parce que ce pays, qu’il a quitté enfant, est aussi le sien.


Les épisodes précédents

Nous ne regrettons rien

Le plus beau pays du monde

Et la vie continue (?)

La révolution (pas si) tranquille libanaise

Baptême de feu au cœur de la révolution

La liberté d’espérer

Le temps des pommes

Et maintenant, on fait quoi ?

Libanité, entraide et hospitalité !

Le sentiment d’un retour aux sources

À contresens, nous rentrons au Liban !


Découvrez, en parallèle, le carnet de bord de Anne R. qui, elle, quitte le Liban:

Être libanais

Premières neiges

Expliquer la révolution

Épuisement émotionnel

Voir la révolution

Un dimanche à Paris

Beyrouth, Paris : d’une pollution à l’autre

Paris sans voiture

Première rentrée parisienne pour mes petits Beyrouthins

Ce sens de l’entraide si libanais

Comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien ?

« Nous quittons » le Liban

En ce mois de décembre qui pointe du nez, et par un beau dimanche matin, nous avons pris la route en direction du village de ma femme, niché dans les montagnes dans le sud du pays. Un de ces villages comme on en trouve encore beaucoup au Liban, mais qui, à nos yeux, est unique au monde. La plupart de la famille a quitté ce petit coin de pays il y a bien longtemps, mais nous avons la chance...

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