L’idée me trottait dans la tête depuis quelques années. L’envie, elle, est là depuis toujours : retourner vivre au Liban. Il ne s’agit pas d’un coup de tête, le projet a été patiemment mûri. Beaucoup reste à faire, à défaire et à reconstruire dans mon pays natal…
Prendre le risque de s’y établir à nouveau, de s’y établir tout court en fait, après des années au Canada, d’y poursuivre un parcours professionnel, c’est aussi prendre le contrôle de son histoire, ne pas uniquement être à l’écoute des diffuseurs de tristes nouvelles, et véhiculer une image équilibrée du pays.
Ce défi, nous avons choisi, avec ma femme, elle aussi libanaise, de le relever. Parce qu’il y a du bon dans ce pays. Et que le jeu en vaut la chandelle.
J’ai quitté le Liban enfant, au milieu des années 1980. Ma famille avait décidé de fuir un pays alors ravagé par les guerres. Comme tant d’autres, nous avons fait nos adieux déchirants à la famille, à la téta que l’on ne reverrait probablement plus. Ces moments furent autant de traumatismes qui ont laissé des cicatrices profondes à l’émigré que je suis devenu. Souvent, je me dis que ces forces qui nous jettent à la mer veulent que ces traumatismes restent, pour que l’envie de retourner ne germe jamais.
La décision familiale prise – et je remercie infiniment mon épouse d’avoir accepté de me suivre sur ce chemin à contresens si rarement emprunté –, nous avons vendu notre maison à Montréal et emballé tout ce que nous possédions dans un conteneur de 20 pieds. Puis, direction l’aéroport.
Dans l’avion du retour, alors que l’écran, en face de mon siège, indique que le Liban n’est plus qu’à trois heures de vol, je commence à me demander comment ma femme, mon fils et moi-même allons intégrer notre nouvel environnement. Parce qu’il s’agit bien d’intégration. Nous avons beau être libanais, nous ne sommes plus en phase avec le Liban actuel. Ma génération a été trop bercée par la nostalgie d’un pays qui n’existe plus pour comprendre ce qu’il est devenu maintenant. A-t-il d’ailleurs vraiment existé ailleurs que dans le cœur de nos parents, trop adouci par les souvenirs d’un paradis perdu, pour refléter une réalité ?
Nous avons quitté notre pays d’adoption, le Canada, qui fut très doux pour nous ; un pays que nous considérons comme le nôtre, et qui nous a accueillis à bras ouverts. Nous l’aimons, et nous avons travaillé très fort pour y apporter notre contribution.
Aujourd’hui, ce retour au Liban n’est pas une négation de cet accueil, mais plutôt un complément. Retourner vers son pays d’origine, y apporter également une contribution qu’on espère constructive, c’est boucler la boucle.
Avec ce carnet de bord, j’espère pouvoir ouvrir une petite fenêtre sur la vie aujourd’hui au Liban. Un pays au potentiel immense, au cœur gros comme ses montagnes, riche d’une douceur de vivre, d’une gentillesse, d’une tendresse qui n’existent nulle part ailleurs. Un pays avec lequel nous entretenons tous une histoire d’amour/haine.
Ce pays est le nôtre, il sera toujours celui qui nous a été légué par nos ancêtres. Nous pouvons le fuir en bateau, en avion, à la nage même, mais lui ne nous quittera jamais. À nous de nous attaquer à ses défis, et Dieu sait s’il y en a, et qui sait, peut-être, contribuer à faire germer dans le cœur des expatriés cette même envie de retour.
Mais de grâce, ne rentrez pas tous en même temps !
Découvrez, en parallèle, le carnet de bord de Anne R. qui, elle, quitte le Liban :
Comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien ?
commentaires (15)
Vivement que d'autres vous suivent !
Jean abou Fayez
12 h 34, le 08 septembre 2019