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Lifestyle - Carnet de bord

IX - La révolution (pas si) tranquille libanaise

Photo Carla Henoud

Ma montre indique que j’ai atteint le niveau des 15 000 pas pour une troisième journée consécutive, voilà une des conséquences inattendues pour moi des événements que nous vivons. Vu que les transports en voiture sont un peu plus compliqués, je marche autant que possible pour me déplacer. Heureusement, d’ailleurs, parce que cette révolution, c’est également un dangereux prétexte pour manger tout le temps. Du petit déjeuner au rendez-vous dans les cafés pour discuter de la situation, ou encore de la quantité impressionnante de kiosques de bouffe en tout genre, on mange (aussi) beaucoup durant cette révolution !

« Tout va bien ? Je viens de voir les nouvelles… » me demande ma mère, à l’autre bout du téléphone, visiblement inquiète de la tournure des événements. Pas un jour ne passe non plus sans que je reçoive de messages de compatriotes à l’étranger qui vivent avec une très grande émotion les événements à distance. Les copains aussi qui m’appellent pour prendre des nouvelles et qui, visiblement bien loin de la réalité et des clichés, me balancent sur un ton sarcastique : « Mais ça a l’air très sympa votre révolution, ça coûte cher les billets pour les soirées ? » Le moins qu’on puisse dire, c’est que notre révolution ne laisse personne indifférent !

Mais comme ils sont beaux tous ces jeunes qui se dépensent dans les rues pour nous permettre à tous d’aspirer à un avenir meilleur. Bien qu’encore à l’aube de la quarantaine, je me sens par moments un peu vieux pour cette révolution. Je fais, bien sûr, moi aussi mon tour des places publiques pour au moins témoigner de ma présence, mais je reste émerveillé devant toute cette énergie, cette rage de vivre, cet espoir qui se dégagent de ces groupes de jeunes tellement engagés et dévoués à la cause. Plus que tout, je suis impressionné par leur sagesse et leur détermination, et convaincu que nous sommes en de bonnes mains.

Les émotions que nous vivons, telle une montagne russe, nous propulsent dans plusieurs directions, de l’espoir à l’anxiété, de la peur à l’euphorie, d’un trop-plein d’énergie à une déprime. Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. J’ai osé poser la question à ma femme : « Avec tout ce qui se passe, tu ne regrettes pas d’avoir accepté qu’on vienne vivre au Liban ? » J’ai été surpris par sa réponse, alors que je m’attendais à un « je veux qu’on retourne au Canada tout de suite ! » elle me dit : « Je commence à me sentir bien ici, je ne vois pas pourquoi on partirait. » Et voilà que la magie du Liban opère, que malgré tous nos défis, et le long chemin qui reste à faire pour que ce pays devienne équitable pour tous, on tombe (ou retombe) en amour pour lui, jour après jour. Il n’y a pas de plan B pour le Liban, et même si, collectivement, nous avons des solutions à proposer, il faut surtout parvenir à les communiquer pour que tout le monde se sente, d’une manière légitime, enfin à la maison.

Le Québec, mon pays d’adoption, a lui aussi vécu sa révolution il y a plusieurs années ; un ras-le-bol contre un ordre économique, politique, social et religieux. Cette révolution fut baptisée, plus tard, la « Révolution tranquille ». Sur une période de quelques années, plusieurs changements en profondeur de la société ont eu lieu, et le Québec moderne a su émerger de tous ces bouleversements. Je nous souhaite de vivre une pareille révolution au Liban, et que le livre d’histoire de nos enfants leur raconte un jour comment leur nation s’est réveillée.

*Ce carnet de bord est le récit, partagé une fois par semaine, du retour de Christian Kamel, son épouse et leur fils au Liban. Alors qu’ils sont si nombreux à vouloir quitter le pays du Cèdre, un émigré fait le chemin inverse. Parce que ce pays, qu’il a quitté enfant, est aussi le sien.



Les épisodes précédents

Baptême de feu au cœur de la révolution

La liberté d’espérer

Le temps des pommes

Et maintenant, on fait quoi ?

Libanité, entraide et hospitalité !

Le sentiment d’un retour aux sources

À contresens, nous rentrons au Liban !


Découvrez, en parallèle, le carnet de bord de Anne R. qui, elle, quitte le Liban:

Voir la révolution

Un dimanche à Paris

Beyrouth, Paris : d’une pollution à l’autre

Paris sans voiture

Première rentrée parisienne pour mes petits Beyrouthins

Ce sens de l’entraide si libanais

Comment faire rentrer un grand appartement beyrouthin dans un petit appartement parisien ?

« Nous quittons » le Liban

Ma montre indique que j’ai atteint le niveau des 15 000 pas pour une troisième journée consécutive, voilà une des conséquences inattendues pour moi des événements que nous vivons. Vu que les transports en voiture sont un peu plus compliqués, je marche autant que possible pour me déplacer. Heureusement, d’ailleurs, parce que cette révolution, c’est également un dangereux...

commentaires (2)

Vous avez eu du nez: vous êtes vraiment rentré au pays au bon moment. Nous sommes nombreux à suivre vos péripéties, vos "premières fois" et vous les racontez super bien! Hélas, l'OLJ n'est plus "iPad responsive" depuis une quinzaine de jours: impossible de commenter vos papiers depuis mon iPad: me suis donc connectée à mon ordi.

Marionet

15 h 22, le 01 novembre 2019

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Commentaires (2)

  • Vous avez eu du nez: vous êtes vraiment rentré au pays au bon moment. Nous sommes nombreux à suivre vos péripéties, vos "premières fois" et vous les racontez super bien! Hélas, l'OLJ n'est plus "iPad responsive" depuis une quinzaine de jours: impossible de commenter vos papiers depuis mon iPad: me suis donc connectée à mon ordi.

    Marionet

    15 h 22, le 01 novembre 2019

  • J'aime ce texte, c'est éloquent et je trouve bien écrit ... Comme le Liban offre beaucoup du point de vue touristique mes plus jolis souvenirs c'est quand on commence à se promener, des excursions à pied partout, il y a beaucoup à voir. Je dois aussi penser à tous ces libanais d'origine étrangère un peu comme vous qui m'ont aidé, par exemple quand je visitais Tibnine au Liban Sud, il y avait un monsieur "libanais" qui m'a expliqué le chemin en anglais et après il a dit qu'en fait il était de Michigan (USA) et j'ai aussi rencontré beaucoup de canadiens et gens de l'amérique du sud.

    Stes David

    10 h 47, le 01 novembre 2019

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