Il y a un an, le Premier ministre libanais désigné, Saad Hariri, annonçait depuis Riyad, à la surprise générale, sa démission dans une allocution télévisée retransmise par la chaîne al-Arabiya, accusant le Hezbollah et Téhéran de "mainmise" sur le Liban dans un contexte de fortes tensions sur plusieurs dossiers entre les deux poids lourds de la région, l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite. Un an plus tard, Saad Hariri est toujours au Sérail, mais empêtré dans les méandres de la formation d'un nouveau cabinet, une charge qui lui a été attribuée il y a six mois après les législatives de mai. Aujourd'hui, c'est notamment sur une dernière exigence du parti chiite que bute ce processus.
Retour sur les principaux développements dans les relations entre Riyad et M. Hariri, depuis l'annonce surprise de la démission de ce dernier.
L'annonce surprise
Le 4 novembre 2017, l'annonce par M. Hariri de sa démission choque et ne convainc ni la classe politique libanaise, ni plusieurs responsables de la région et du monde. Ce d'autant plus qu'après l'annonce de sa démission, Saad Hariri s'éternise à Riyad, où a lieu, dans le même temps, une vaste purge anti-corruption visant un grand nombre de responsables et d'hommes d'affaires du royaume. Alors que M. Hariri assure être libre de ses mouvements et promet, à plusieurs reprises, de rentrer prochainement au Liban, on soupçonne le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane (MBS), d'avoir orchestré cette démission et de retenir le Premier ministre contre son gré. Le président libanais, Michel Aoun, va même jusqu'à accuser Riyad de détenir Saad Hariri. Le président français Emmanuel Macron fait de son côté part de "son souhait que Saad Hariri puisse se rendre au Liban comme il l'a annoncé".
Ce n'est que le 18 novembre que les choses bougent, grâce à l'intervention personnelle du président Macron qui a fait un crochet par Riyad. Invité par la France, Saad Hariri arrive le 18 par avion privé à Paris, où il s'entretient avec le chef de l'Etat français. Ce n'est que le 21 qu'il arrive enfin à Beyrouth via Chypre. Le lendemain, il assiste à la fête de l'Indépendance du Liban aux côtés du président Aoun et du chef du Législatif, Nabih Berry. Ce jour-là, Saad Hariri annonce qu'il suspend sa démission, en attendant des consultations sur des dossiers épineux, dont l'implication du Hezbollah dans des conflits régionaux. Le 5 décembre, il revient définitivement sur sa décision.
"Ce qui s'est passé en Arabie saoudite, je le garde pour moi"
Le 27 novembre 2017, Saad Hariri donne sa première interview depuis son retour au Liban. Dans un entretien accordé à la chaîne d'information française CNews, il refuse de livrer des détails sur sa détention à Riyad. "Ce qui s'est passé en Arabie saoudite, je le garde pour moi", répond-il aux questions insistantes du journaliste, tout en niant avoir été forcé à démissionner. Saad Hariri fait également savoir qu'il voudrait rester Premier ministre. Mais ce n'est que le 5 décembre qu'il revient officiellement sur sa démission, après l'adoption par le gouvernement d'une déclaration politique dans laquelle il réaffirme son attachement à la politique de distanciation du Liban à l'égard des conflits régionaux.
Deux mois après l'épisode rocambolesque, Saad Hariri profite de sa présence au Forum économique mondial de Davos en Suisse pour assurer que sa relation avec l'Arabie saoudite "est excellente". Mohammad ben Salmane affirme, pour sa part, dans une interview au Washington Post le 27 février 2018, que Saad Hariri, était, après sa démission à Riyad, "dans une meilleure position au Liban".
Première visite à Riyad post-démission
Mais l'événement le plus marquant aura lieu le 28 février, quatre mois après la crise. Saad Hariri est reçu à Riyad par le roi Salmane d'Arabie. Il s'agit alors de sa première visite au royaume wahhabite depuis l'épisode du 4 novembre. Les deux dirigeants arabes se serrent fermement la main, sous les flash des caméras des journalistes présents.
Photo Saudi Press Agency/Handout via REUTERS
Deux jours plus tard, c'est avec MBS que Saad Hariri s'entretient à Riyad, mais cette fois dans une ambiance plus opaque qui alimente, de nouveaux, les rumeurs. Un deuxième entretien a lieu le lendemain, qualifié de "positif" par la presse libanaise.
Des relations "revenues à la normale"
Le 23 mars, le président Aoun tourne officiellement la page de la crise libano-saoudienne, en affirmant que les relations entre les Beyrouth et Riyad sont "revenues à la normale". Le mois d'après, Saad Hariri est à Paris, de même que Mohammad ben Salmane aussi, qui s'y trouve en visite officielle. Le 9 avril, Saad Hariri s’entretient avec MBS. Le lendemain, il est convié à la dernière minute à un dîner entre le chef de l'Etat français et le prince héritier saoudien. Le Premier ministre libanais publie alors une photo de lui en compagnie du président Macron et de MBS, tout sourire. Quelques jours plus tard, Saad Hariri accompagne le président Aoun à Riyad pour assister au sommet annuel des pays membres de la Ligue arabe. Une nouvelle fois, M. Hariri publie une photo de lui en compagnie de MBS.
Photo Twitter/@saadhariri
De Premier ministre démissionnaire à Premier ministre désigné
Sur le plan politique local, la situation de Saad Hariri a sensiblement évolué en l'espace de quelques mois, après la crise avec Riyad. Le 6 mai 2018, à l'issue des élections législatives, son parti, le Courant du Futur, perd un tiers de ses sièges à la Chambre, passant de 21 à 33 députés, ce qui pousse Saad Harriri à effectuer une purge dans les rangs de sa formation. M. Hariri est néanmoins chargé, le 24 mai, de former le nouveau gouvernement.
Macron accuse Riyad d'avoir "retenu" Hariri
A peine cinq jours après sa désignation, Saad Hariri effectue un nouveau séjour de quelques jours en Arabie saoudite, où vit une partie de sa famille. Dans un entretien diffusé le jour-même par la chaîne française BFMTV, le président Macron revient sur la crise avec Riyad, et affirme que Saad Hariri y a été retenu en Arabie contre son gré en novembre 2017. "(...) Le Liban est sorti d'une crise grave où, je le rappelle, un Premier ministre était retenu en Arabie saoudite depuis plusieurs semaines", affirme M. Macron, assurant avoir évité au Liban un conflit. Des propos démentis par Riyad le jour-même.
Parallèlement, le Premier ministre libanais enchaîne les déclarations de soutien à Riyad, comme lorsqu'il vante "l'ouverture et les accomplissements" du royaume wahhabite, à l'occasion de la fête nationale saoudienne en septembre dernier. Sur le plan européen, les choses s'améliorent aussi, Riyad mettant notamment fin à sa crise diplomatique avec Berlin, déclenchée par les propos d'un ministre allemand sur sa politique au Liban.
L'affaire Khashoggi
Le 2 octobre, Jamal Khashoggi, journaliste saoudien critique du pouvoir saoudien en général et de MBS en particulier, est assassiné au consulat d'Arabie à Istanbul où il s'était rendu pour effectuer des démarches administratives. Après plusieurs jours de dénégations, les autorités saoudiennes finissent par reconnaître sa mort au consulat à Istanbul, mais avancent plusieurs versions accueillies avec scepticisme. Riyad affirme finalement que le journaliste âgé de 59 ans a été tué lors d'une opération qui n'avait pas été autorisée et dont le prince héritier n'avait pas été informé.
Saad Hariri, lui, affiche son soutien aux autorités saoudiennes affirmant, le 23 octobre, que les mesures prises par Riyad vont "dans la direction de la justice et de la révélation de toute la vérité".
C'est dans ce contexte que Reuters rapporte de nouvelles révélations sur les circonstances de la détention de M. Hariri en novembre 2017. Selon l'agence de presse, Saoud al-Qahtani, conseiller "médias" à la cour royale, limogé dans le sillage de l'affaire Khashoggi, aurait été fortement impliqué dans la détention du Premier ministre libanais en novembre 2017. Selon des sources diplomatiques saoudiennes, arabes et occidentales citées par Reuters, Saad Hariri aurait été humilié verbalement et battu lors de sa détention et de son interrogatoire mené par Saoud al-Qahtani.
Photo tirée du compte Twitter de Saoud al-Qahtani
La "plaisanterie" de MBS
En pleine tempête Khashoggi, Riyad organise un forum international sur l'investissement, boycotté par la plupart des dirigeants politiques internationaux et du secteur privé qui étaient censés y assister. Saad Hariri, lui, répond présent. Il s'affichera même aux côtés du prince héritier saoudien, lors d'une séance de questions-réponses avec les journalistes.
Photo AFP / FAYEZ NURELDINE
Dans son premier discours en public depuis le meurtre de Jamal Khashoggi, MBS, tout sourire, plaisante en présence du Premier ministre libanais, demandant à l'audience de ne pas dire que M. Hariri est retenu en otage en Arabie. Saad Hariri joue le jeu et assure aux journalistes qu'il se trouve à Riyad "en toute liberté".
Pour mémoire
Puisqu'on en parle .... Khaliha, baynetna! Sincèrement je ne pense pas qu'un jour un des deux camps emportera la partie au Liban... L’ingérence existe, (il ne sert à rien de le nier) des deux camps (pro-saoudien et pro-iranien) et perdurera jusqu'à ce que le Liban se stabilise par lui-même. On finira par murir .. un jour. Il n'y aura pas de gagnant car sur les 18 communautés libanaises personne n'a vraiment intérêt qu'un des deux camps soit vainqueur... D'ailleurs aucun de ces deux camps le revendique, l'un dit faire de la résistance ... L'autre de la bienveillance.... mais se heurtent. Il serait temps que les deux camps se fassent plus confiance et éliminent leurs divergences du moins les plus clivants ! La finalité ? Que toutes les communautés libanaises se disent et se répètent jusqu'à ce que cela devienne réalité : Je suis libanais avant d'être sunnite Je suis libanais avant d'être chiite Je suis libanais avant d'être orthodoxe Je suis libanais avant d'être maronite Je suis libanais avant d'être arménien Je suis libanais avant d'être druze Je suis libanais avant d'être grec, syriaque, catholique.... etc etc sans oublier personne... AMEN.
21 h 56, le 07 novembre 2018