Le Premier ministre libanais, Saad Hariri, est officiellement revenu mardi sur sa démission qu'il avait annoncée le 4 novembre à Riyad, après l'adoption par le gouvernement d'une déclaration politique dans laquelle il réaffirme son attachement à la politique de distanciation du Liban à l'égard des conflits régionaux.
"Frères arabes"
"Toutes les composantes du gouvernement libanais réaffirment leur attachement à la politique de distanciation à l'égard des conflits dans la région qui mettent à mal les relations économiques et culturelles avec nos frères arabes et qui menacent les intérêts des Libanais installés dans ces pays", a déclaré M. Hariri à l'issue d'un Conseil des ministres exceptionnel au palais présidentiel de Baabda, présidé par le chef de l'Etat, Michel Aoun.
Ce texte de cinq lignes, envoyé lundi soir à l'ensemble des ministres, réaffirme également l'attachement de toutes les formations politiques représentées au gouvernement à la non-ingérence dans les affaires intérieures (des pays frères arabes), ainsi qu'à la déclaration ministérielle, au discours d'investiture du président Aoun, à l'accord de Taëf et au Pacte national.
Le chapitre de la déclaration ministérielle relatif à la distanciation stipule ce qui suit : « Le gouvernement se conforme au discours d'investiture du président Michel Aoun, à savoir que le Liban reste à l'abri du feu qui ravage certaines parties de la région grâce à l'unité de son peuple et à son attachement à la paix civile, d'où la nécessité qu'il se tienne à l'écart des conflits extérieurs, dans le respect de la charte de la Ligue arabe, tout en appliquant une politique étrangère indépendante, fondée sur l'intérêt supérieur du Liban et sur le respect du droit international. Le gouvernement continuera de consolider ses relations avec les pays frères et amis (....) dans le cadre du respect mutuel de la souveraineté nationale et réitère son attachement aux résolutions internationales du Conseil de sécurité, notamment la 1701 ».
Les formations politiques avaient mis la dernière main à ce texte lundi et ce, quelques jours après une série de concertations avec les principaux pôles politiques du pays afin de persuader M. Hariri de revenir définitivement sur sa démission, qu'il avait gelée le 22 novembre dernier à son retour au Liban.
Le chef du gouvernement exigeait une politique de distanciation effective par rapport aux conflits régionaux, notamment en Syrie, où le Hezbollah, allié de l'Iran, soutient militairement le régime de Bachar el-Assad. En annonçant sa démission, M. Hariri avait invoqué la mainmise de l'Iran et du Hezbollah sur le Liban et leur ingérence dans les conflits de la région où Riyad et Téhéran s'affrontent par procuration.
"Le Conseil des ministres a remercié le Premier ministre d'être revenu sur sa démission", a indiqué M. Hariri lui-même, lisant le compte-rendu de la réunion. Ces derniers jours, MM. Aoun et Hariri avaient multiplié les signes laissant à penser que la crise née de la démission du Premier ministre il y a un mois pourrait être réglée dans la semaine.
(Lire aussi : Dernières « retouches » avant le Conseil des ministres)
"Tous dans le même bateau"
"L'important était de stabiliser la situation intérieure et d'assurer le retour de Saad Hariri à Beyrouth", avait déclaré le président Aoun à l'ouverture du Conseil des ministres. Le séjour prolongé en Arabie saoudite du chef du gouvernement avait donné lieu à un flot de spéculations sur sa liberté de mouvement et le chef de l'Etat avait accusé Riyad de retenir M. Hariri en "otage". Son départ pour la France avait été décrit par des analystes et des observateurs comme une "exfiltration" dirigée par Paris.
"Nous avons expliqué aux dirigeants étrangers que nous refusions que l'on s'en prenne à notre dignité car nous considérons qu'il n'y a pas de grands ou de petits pays", a ajouté M. Aoun. Le chef de l'Etat a également affirmé que l'unité des Libanais est "essentielle pour préserver la stabilité du pays".
Saad Hariri a ensuite pris la parole, saluant la "sagesse" et les "efforts" du président Aoun et des différents pôles politiques durant cette période. "Nous voyons comment la région est en train de bouillir et nous devons être conscients que tout faux pas pourrait entraîner le pays vers un dangereux précipice", a-t-il expliqué. "Je suis Premier ministre du Liban et aujourd'hui je suis condamné à mort par la Syrie", tandis que le Hezbollah "est classé comme organisation terroriste par les pays du Golfe", a encore commenté déclaré Saad Hariri.
"Ce ne sont pas mes intérêts qui sont en cause, mais la stabilité et l'unité du Liban", a-t-il assuré. "Nous sommes tous dans le même bateau. S'il devait couler, nous coulerions tous. Mais en privilégiant l'union, nous pourrions affronter les grosses tempêtes qui balaient la région", a-t-il conclu.
(Lire aussi : Hariri donne le ton de la nouvelle phase, en attendant la réaction du Hezbollah...)
Divergences persistantes
Les déclarations de plusieurs ministres, notamment ceux affiliés aux Forces libanaises, avant le début de la réunion gouvernementale, laissent néanmoins entrevoir des divergences persistantes avec le Hezbollah.
Si le ministre de l'Information, Melhem Riachi, a qualifié le texte du gouvernement de "bon", son collègue des Affaires sociales, Pierre Bou Assi, l'a jugé "acceptable", indiquant par ailleurs qu'il ne pensait pas qu'un remaniement ministériel aurait lieu. Des bruits ont circulé ces derniers jours selon lesquels plusieurs ministres, notamment FL, pourraient être remplacés par des personnalités issues des rangs du parti Kataëb.
De son côté, le ministre d'Etat à la Planification, Michel Pharaon, a appelé "la formation qui ne respecte pas la déclaration ministérielle" à la respecter à nouveau, en référence au parti chiite. "Nous respectons la déclaration ministérielle", a rétorqué le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohammad Fneich, l'un des deux représentants du Hezbollah au gouvernement.
"La stabilité politique passe par le retour de Saad Hariri à son poste de Premier ministre", a affirmé pour sa part le ministre d'État aux Affaires du Parlement, Ali Kanso, représentant le PSNS, proche de la Syrie. "Nous refusons de nous distancier du conflit avec Israël et le terrorisme", a-t-il ajouté. "Nous sommes attachés à l'accord de Taëf, ainsi qu'à des relations particulières avec la Syrie et bonnes avec les pays arabes", a-t-il ajouté.
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"Frères arabes""Toutes les composantes du gouvernement libanais...
commentaires (9)
Sanferlou aal sanferien...
Wlek Sanferlou
20 h 58, le 05 décembre 2017