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Liban - Éclairage

Sfeir-Chamseddine, une même vision libaniste du pays...

L’ancien chef de l’Église maronite et l’ex-président du Conseil supérieur chiite avaient convergé sur la notion d’un « Liban, patrie définitive ».

Le patriarche et l’imam, peu avant le décès de ce dernier, en 2001.

Le Liban tout entier était jeudi au rendez-vous à Bkerké pour faire ses derniers adieux au patriarche émérite Nasrallah Sfeir, père de « la seconde indépendance », décédé dimanche. Tout le Liban... sauf le Hezbollah.

Certains milieux politiques jugent « normal » que le parti de Hassan Nasrallah ne prenne pas part aux obsèques de Nasrallah Sfeir, même si une délégation du parti s’était quand même rendue lundi au siège du patriarcat maronite pour présenter ses condoléances à Mgr Béchara Raï. D’autant que l’ex-chef de l’Église maronite prenait des positions radicalement opposées à celles défendues par le parti chiite, que ce soit sur le dossier des relations libano-syriennes ou du monopole de la violence légitime. En témoignent bien entendu ses efforts, et ceux de l’imam Mohammad Mehdi Chamseddine, ex-président du Conseil supérieur chiite, pour l’édification d’un Liban libre, indépendant, souverain et patrie définitive de tous les Libanais.

À cela s’ajoute notamment le fameux appel des évêques maronites de septembre 2000, qui avait ouvertement plaidé pour le retrait des troupes syriennes, après la libération du Liban-Sud en mai de la même année. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui rappellent qu’à l’issue de la libération, le chef de l’Église maronite, alors en tournée en Afrique, n’avait pas manqué de saluer « cet accomplissement » et les « sacrifices de ses auteurs ». Cela fait dire à certains observateurs interrogés par L’Orient-Le Jour que, contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, les rapports entre Bkerké et le Hezbollah n’étaient pas totalement rompus… Mais Nasrallah Sfeir retrouvait Mohammad Mehdi Chamseddine, Moussa Sadr et le courant chiite loyaliste sur le fait que le pays du Cèdre constituait la patrie définitive de tous les Libanais, chrétiens et musulmans, et qu’il ne fallait pas chercher de projets politiques en dehors de l’État libanais… Les deux hommes étaient des partisans invétérés du dialogue, de la mesure, de la modération. À la faveur de sa logique axée sur la nécessité de l’ouverture vers autrui et l’appel au dialogue islamo-chrétien, dont témoignaient si bien ses rapports avec Hassan Khaled, ancien mufti de la République (assassiné en mai 1989), Nasrallah Sfeir a naturellement et facilement convergé avec les idées défendues par l’imam Chamseddine. Déjà, en 1983, ce dernier évoquait la notion de « patrie définitive », comme le soulignait lors d’une conférence-débat organisée à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth en février 2003 Samir Frangié, qui avait joué un rôle de premier plan dans la dynamique rapprochant les deux hommes. Toujours dans le cadre de sa vision libaniste du pays, l’ex-président du Conseil supérieur chiite, à l’instar du prélat maronite, était convaincu que « la convivialité islamo-chrétienne était à la base de la légitimité de l’État », comme il l’a déclaré en marge d’un congrès qu’il avait organisé sous le thème « L’Islam et les musulmans dans un monde en changement », en 1994.


(Lire aussi : Macron à Aoun : L’esprit et l’héritage de Sfeir continueront d’inspirer le Liban)

L’État de droit, « option naturelle et évidente »

Interrogé à ce sujet par L’Orient-Le Jour, Ibrahim Chamseddine, ancien ministre et fils du dignitaire chiite disparu, rappelle que les deux hommes défendaient les droits des citoyens libanais, quelle que soit leur appartenance confessionnelle. « Il était normal de voir le patriarche Sfeir et l’imam Chamseddine défendre l’option naturelle et évidente que représentait l’État de droit, où toutes les confessions cohabitent ensemble », estime l’ancien ministre, qui ajoute que dans son ouvrage Le Testament, le dignitaire chiite exhorte les musulmans à préserver les droits et la présence des chrétiens au Liban, dans la mesure où cela constitue une nécessité.

Il souligne aussi que Mohammad Mehdi Chamseddine a même été très loin, jusqu’à plaider pour l’édification d’un État civil, par opposition au projet de République islamique brandi par certaines factions, à un moment donné. Une allusion à peine voilée au Hezbollah.



(Lire aussi : Tollé après l’insulte du président de la CGTL à la mémoire de Sfeir)



« Libaniser » le concept d’État

C’est sous ce même angle que Moustapha Fahs, fils de l’ouléma Hani Fahs, autre grande figure du Congrès permanent pour le dialogue libanais initié au début des années 1990 par Samir Frangié et ses compagnons, avec la double bénédiction du patriarche Sfeir et de l’imam Chamseddine, analyse pour L’OLJ la convergence entre les deux dignitaires religieux, notamment sur les notions de Liban et d’État libanais. « Ces deux hommes ont mené une sorte de guerre pacifique contre le Hezbollah, en ce sens qu’ils ont lutté bec et ongles pour “libaniser” le concept d’État, ce qui dépasse les querelles liées à la politique politicienne », explique-t-il, rappelant que les deux hommes de religion ont vécu, chacun au sein de sa propre communauté, l’expérience des tentatives de résumer le Liban à cette communauté. « Ils ont donc œuvré à faire barrage aux projets et ambitions à caractère confessionnel », précise-t-il. Il en veut pour preuve les appels que Mohammad Chamseddine a lancés à plusieurs reprises pour que le Liban devienne un État civil. À une question portant sur les raisons de l’absence du Hezbollah aux funérailles du cardinal Sfeir, Moustapha Fahs répond sans mâcher ses mots : « Le Hezbollah n’est pas près d’oublier ce qui s’est passé entre 2000 et 2005, depuis le fameux appel des évêques jusqu’à la révolution du Cèdre, et qui n’est autre que la concrétisation des idées de Samir Frangié, avec la bénédiction du patriarche Sfeir. D’ailleurs, le parti était absent des obsèques de l’un et de l’autre. »

Mais pour Ali el-Amine, journaliste opposé de longue date à la formation de Hassan Nasrallah, l’absence de celle-ci à l’événement tenu à Bkerké jeudi n’est qu’un détail. L’important résidant, selon lui, dans le fait que l’ex-chef de l’Église maronite, avec l’imam Chamseddine, a établi un cadre à même de préserver l’entité libanaise, à l’heure où celle-ci faisait face à la menace en provenance d’Iran. « Ils ont donc consacré ensemble l’idée de la patrie définitive, en appelant à l’édification d’un État libre, loin de tout projet axé sur la fusion avec d’autres pays », estime M. Amine dans une déclaration à L’OLJ.


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commentaires (4)

Chamseddine, Khaled, Sfeir et la majorité des libanais croient en un état libanais indépendant et uni. Cet état etait, et espérons qu'il le soit toujours, en construction de façon sérieuse et solide. Pour le détruire, il a fallut les efforts continus, insideux, énormes et les armes des palestiniens, des syriens d'Israël et de l'Iran à travers le Hezb. Dieu merci pour les adeptes de Khaled, Chamseddine et Sfeir qui résistent et gardent le cap vers un Liban libre et uni avec tout ses fils.

Wlek Sanferlou

16 h 28, le 19 mai 2019

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Commentaires (4)

  • Chamseddine, Khaled, Sfeir et la majorité des libanais croient en un état libanais indépendant et uni. Cet état etait, et espérons qu'il le soit toujours, en construction de façon sérieuse et solide. Pour le détruire, il a fallut les efforts continus, insideux, énormes et les armes des palestiniens, des syriens d'Israël et de l'Iran à travers le Hezb. Dieu merci pour les adeptes de Khaled, Chamseddine et Sfeir qui résistent et gardent le cap vers un Liban libre et uni avec tout ses fils.

    Wlek Sanferlou

    16 h 28, le 19 mai 2019

  • Il est normal que le Hezbollah iranien ne prenne pas part aux obsèques du patriarche Sfeir. Comme il est normal que que les partis CDU allemand, Démocrate américain, le Labour anglais ou Les Républicains français ne prennent pas part aux obsèques d'un patriarche émérite libanais. Débat clos.

    Un Libanais

    13 h 06, le 18 mai 2019

  • SI MALGRE ces personnages nous trouvons eclore des groupes tels que hezbollah et autres ........ dont la vision est pour le moins opposee pour ne pas l'intituler par d'autres termes..... c'est que quelque chose ne tourne pas rond dans nos tetes d'arabes & de moyen orientaux. que faut il de plus pour arriver a cette vision -la seule salutaire ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 14, le 18 mai 2019

  • TOUS LES CHEFS RELIGIEUX SOUVERAINISTES SONT PARTIS MALHEUREUSEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 16, le 18 mai 2019

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