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Liban - Reportage

À Bkerké, un moment solennel qui semble durer une éternité

Portées par des moines à l’entrée du patriarcat maronite, la mitre, la croix et la crosse de Nasrallah Sfeir étaient en tête de la procession funèbre.

L’arrivée à Bkerké. Joseph Eid/AFP

C’est parce que le patriarche maronite émérite Nasrallah Sfeir était un homme d’exception que le trajet du convoi a mis 2 heures 45 minutes – dont une trentaine de minutes entre le stade Fouad Chéhab de Jounieh et l’entrée de Bkerké – pour arriver au siège du patriarcat maronite.Les embouteillages avaient commencé à se former à Achrafieh au niveau des ruelles menant à l’Hôtel-Dieu de France peu avant 7h. Et dès 7h, les Libanais qui habitaient non loin du trajet que le convoi funéraire devait emprunter ont commencé à se rassembler le long de l’autoroute, d’Achrafieh à Bkerké.

Au sein de la foule, de très nombreux partisans supporters des partis politiques, notamment ceux des Forces libanaises et des Kataëb arborant les drapeaux de leurs partis, des employés d’entreprises qui quittaient leurs bureaux lors du passage du convoi pour rendre hommage au patriarche Sfeir, des membres de fraternités religieuses, des écoliers qui descendaient de leurs bus portant les drapeaux jaune et blanc du Vatican.

Également présents en grand nombre, de simples Libanais, croyants – pratiquants ou non –, qui ont tenu à rendre hommage à l’homme qui leur a donné espoir pendant les plus sombres années de l’occupation syrienne, qui a gardé les portes du patriarcat maronite ouvertes à toutes les victimes d’exactions et d’injustices, le religieux, ascète et tolérant, qui a joué un rôle de résistant en appelant courageusement au retrait des troupes de Damas, revenant à la charge dans de nombreuses déclarations et homélies, l’homme de paix qui a scellé la réconciliation entre les druzes et les chrétiens, mettant un terme à une histoire sanglante qui a duré plus d’un siècle entre les frères ennemis.

Dès les premières heures du matin, Bkerké s’est préparée à recevoir l’homme qui a vécu et évolué entre ses murs depuis 1961, devenant cette année-là le secrétaire du patriarche maronite Pierre-Paul Méouchi, vicaire patriarcal ensuite, et patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient en 1986.


(Lire aussi : Obsèques grandioses aujourd’hui pour Nasrallah Sfeir)


Fanfare et encens

Deux bouquets de fleurs blanches trônaient à la porte d’entrée de la petite église Notre-Dame de Bkerké. Elles avaient été envoyées par les deux sœurs toujours vivantes du patriarche, Odette et Mélanie.

Des sortes de flambeaux noirs pour brûler de l’encens ont été placés le long d’un mur de l’église.

Un catafalque, recouvert d’une draperie mauve, couleur de deuil dans l’Église catholique, trônait devant l’autel.

Devant le grand portail de Bkerké, des moines habillés de noir ainsi que la fanfare des Forces de sécurité intérieure étaient sur place quelques heures avant l’arrivée du convoi. Trois moines portaient chacun un objet qui avait servi au patriarche maronite et qu’il arborait souvent lors de ses messes et apparitions officielles : sa mitre et sa croix en or exposées chacune sur un coussin rouge et sa crosse tenue solennellement par un religieux.

Le patriarche maronite Béchara Raï, entouré d’évêques, a quitté les salons pour le parvis de Bkerké une quinzaine de minutes avant l’arrivée du convoi. C’est devant le grand portail noir de Bkerké que le cercueil du patriarche maronite a été descendu de la voiture funèbre pour être porté par des moines en noir.

Il est placé entre deux drapeaux du Liban, en satin brodé, portés par des représentants de fraternités religieuses. L’encens brûle tandis que les cloches du patriarcat maronite sonnent le glas. Sur instruction du commandant des Forces de sécurité intérieure, le général Imad Osmane, la fanfare des FSI avait été envoyée au patriarcat pour jouer, dès l’arrivée du convoi, une marche funèbre (généralement réservée aux présidents) ainsi que l’Ave Maria.

Le moment, solennel, semble durer une éternité.

Sous des youyous et une pluie de pétales de roses, la procession avance lentement vers la petite église de Bkerké.

Devant l’autel, sur le catafalque, Nasrallah Sfeir, né à Reyfoun en 1920 et qui aurait dû avoir 99 ans hier, porte une soutane blanche et les chaussettes rouges de cardinal. Ses mains tiennent un chapelet en bois. Son visage est serein.

C’est cet homme-là, petit et frêle, connu pour sa grandeur d’âme, sa sagesse et son attachement ferme aux constantes nationales, qui est devenu l’icône de toute une communauté, d’un Liban plus que jamais assoiffé de paix et de liberté.




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