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Liban - Bkerké

Un dernier adieu solennel et majestueux au père de la seconde indépendance

Le Hezbollah et les proches de Damas n’ont pas assisté aux obsèques du cardinal Nasrallah Sfeir.

Michel Aoun entouré de Nabih Berry et Saad Hariri aux funérailles de Mgr Nasrallah Sfeir. Photo Dalati et Nohra

Des dizaines de milliers de personnes, toutes confessions confondues, pratiquement tout le Liban officiel et des représentants de plusieurs chefs d’État arabes et occidentaux ont fait hier leurs adieux au patriarche émérite Nasrallah Sfeir, « doyen de l’Église maronite et pilier du Liban », pour reprendre les termes de son successeur, Mgr Béchara Raï.

Organisées sur le parvis de Bkerké où le cercueil du patriarche, à l’élégance simple et entouré du clergé, a été déposé, les obsèques, de par leur dimension populaire et le niveau de la représentation officielle, ont témoigné de l’envergure nationale incontestable de celui qui est appelé le « père de la seconde indépendance du Liban ». Le patriarche Raï a d’ailleurs bien mis en relief ce titre dans son oraison funèbre, en soulignant qu’« aujourd’hui, les Libanais unanimes attestent que la disparition de ce grand patriarche est une perte nationale ; ils voient en lui le patriarche de la seconde indépendance, le patriarche de fer et le rocher inébranlable, le patriarche de la réconciliation nationale, le patriarche irremplaçable, le résistant sans armes, ni épée, ni missile, la soupape de sécurité de la nation, la garantie de la pérennité du peuple ».

Un titre désormais inhérent au patriarche Nasrallah Sfeir dont le rôle au fil des années de son mandat de 25 ans à la tête de l’Église maronite d’Antioche a transcendé celui d’un chef religieux pour s’affirmer comme étant celui d’un leader national qui s’est fixé comme mission d’œuvrer inlassablement pour le rétablissement de la souveraineté libanaise spoliée, notamment durant l’occupation syrienne. Et c’est justement ce rôle que les chefs d’État étrangers et la population libanaise ont tenu à saluer hier, les uns à travers l’envoi de délégués officiels et les autres à travers une présence massive impressionnante. Et c’est probablement à cause de ce rôle que des partis libanais ont choisi de ne pas prendre part aux adieux officiels à Bkerké. L’absence de l’ancien président Émile Lahoud, figure de proue de l’ère syrienne, de représentants du Hezbollah et des partis ou des figures prosyriens n’est pas passée inaperçue, contrairement à celle, massive, des délégations druzes qui ont afflué dès le matin au siège du patriarcat maronite.

Le défilé de personnalités qui ont présenté leurs condoléances à Mgr Raï s’est poursuivi jusqu’à 13 heures, pendant que des messes d’accompagnement étaient célébrées. Peu avant 17 heures, le cercueil a été sorti de l’église de Bkerké, et c’est une procession qui a été organisée jusqu’à la tribune où il a été déposé. Les présidents de la République, Michel Aoun, du Parlement, Nabih Berry, et du Conseil, Saad Hariri, devaient arriver successivement, juste avant que l’office des morts ne commence.


(Lire aussi: « C’est Mgr Sfeir qui nous a donné courage, qui bravait le joug de l’occupant, qui est devenu notre seul recours... »)



« Renverser les barrières... »

Sous le titre « Je suis le bon pasteur », le patriarche Raï brossera à grands traits le portrait d’un prêtre qui devra à « ses qualités sacerdotales, sa science et sa perspicacité », de devenir d’abord évêque, puis le bras droit de deux patriarches, dont il sera le vicaire général, avant d’être élu lui-même patriarche. « À l’école du patriarche Méouchy, devait souligner le cardinal Raï, il va apprendre à connaître différentes qualités d’hommes, petits et grands, différents et versatiles en fonction de leurs intérêts égoïstes, et grandir en perspicacité jusqu’à la circonspection. »

Avec le patriarche Khoreiche, et de concert avec Mgr Roland Aboujaoudé, comme lui vicaire patriarcal général, Nasrallah Sfeir « sera confronté à la tâche de l’accueil des réfugiés et autres victimes de la guerre de triste mémoire qui éclata le 13 avril 1975 », deux mois seulement après l’élection du nouveau patriarche.

« Tous trois devaient conduire la résistance spirituelle, sociale, politique et diplomatique, au Liban, au Vatican et sur le plan international, face à la guerre civile et à son dessein de saper des institutions constitutionnelles et administratives, et ses plans de partition. »

« Élu patriarche en 1986, alors qu’il n’avait jamais aspiré à cette fonction (…), il s’employa immédiatement à renverser les barrières psychologiques et matérielles, à renforcer les liens de l’unité nationale et territoriale, à réédifier l’État en mettant fin au pouvoir des mini-États, à renforcer le vivre-ensemble qu’il considérait comme la raison d’être et la mission de civilisation du Liban, fort de la conviction que le Liban est le seul pays de la région où chrétiens et musulmans jouissent des mêmes droits, garantis par la Constitution et le Pacte. »


(Lire aussi: « Je serais venu à pied de Zahlé pour faire mes adieux à Mgr Sfeir »)


« Un patriarche résistant sans armes »

« Aujourd’hui, les Libanais unanimes attestent que la disparition de ce grand patriarche est une perte nationale ; ils voient en lui le patriarche de la seconde indépendance, le patriarche de fer et le rocher inébranlable, le patriarche de la réconciliation nationale, le patriarche irremplaçable, le résistant sans armes, ni épée, ni missile, la soupape de sécurité de la nation, la garantie de la pérennité du peuple. Ils voient aussi en lui l’homme de l’écoute qui parle peu et médite beaucoup, avant de décider et de trancher, insensible aux louanges comme aux offenses. »

Mais cette reconnaissance unanime, véritable résurrection, fut précédée d’une mise à mort. « Comme vicaire patriarcal, a révélé le patriarche Raï, j’ai partagé, avec Mgr Roland Aboujaoudé, les quatre premières années de ce pasteur modèle; des années au cours desquelles il a rencontré, dès le début, l’amertume du refus, de la marginalisation, de l’offense et de l’agression physique et morale, sans compter les malheurs de la guerre et de la perdition. Par son silence, par sa patience, par sa prière et son pardon, il fut pour nous un exemple, quand il disait : “Je ne serai pas le chaînon qui cède”, lui qui croyait fermement que la résurrection vient toujours après la croix. Et de fait, voilà que la patrie survécut et fut sauvée, que tous entendirent la voix de ce pasteur et se rassemblèrent autour de lui, de sorte que se réalisa la parole prophétique : “Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé” (Jean 19:27). »

Et de conclure sur ce registre en affirmant : « C’est avec cette foi inébranlable qu’il s’employa à remplir le vide politique, luttant pour libérer le sol libanais de toutes les occupations et présences militaires étrangères, armé d’une grande devise, “liberté, souveraineté, indépendance”, se faisant ainsi l’écho de ses grands prédécesseurs, à commencer par le patriarche Élias Hoyek, père du Grand Liban, et le patriarche Antoine Arida, artisan de l’indépendance et garant du pacte national. »


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