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Rétrospective 2018 - Rétrospective Liban 2018

Déchets ménagers : au Liban, la crise en sursis

Scène apocalyptique : les déchets rejetés par la mer jonchant la plage de Zouk Mosbeh, dans le Kesrouan, le 22 janvier 2018. Photo Joseph Eid/AFP

L’année 2018 a été riche en scandales dont beaucoup de nature écologique : la pollution du Litani qui a atteint des proportions cataclysmiques, l’inondation de certains quartiers par les eaux d’égouts de Ramlet el-Baïda après les premières pluies (en raison d’un détournement des réseaux pour épargner le projet touristique très controversé de l’Eden Bay), l’émergence du nom de Jounieh dans un rapport de Greenpeace sur une liste des villes les plus polluées du monde…

La situation environnementale se dégrade donc de manière générale, mais un dossier risque d’être particulièrement explosif en 2019, et ce ne sera pas la première fois : celui des déchets ménagers solides. D’une part, il est désormais établi que les deux décharges côtières de Costa Brava et de Bourj Hammoud seront saturées de manière précoce en raison d’un tri préliminaire pratiquement inexistant. La première est d’ailleurs en cours d’agrandissement, ce qui a déjà valu au Conseil du développement et de la reconstruction et à l’entrepreneur Jihad el-Arab un procès en justice de la part d’un groupe de la société civile qui est parvenu à interrompre les travaux brièvement. Les autorités n’ont pas encore réussi à imposer l’agrandissement de la seconde en raison de l’opposition d’un acteur politique local, indiquent des sources bien informées qui ajoutent que le site ne peut être maintenu plus de quelques mois (les décharges avaient été conçues initialement pour une période de quatre ans). Sans compter que les habitants dans les régions proches des décharges se plaignent des odeurs qui en émanent et que les risques de pollution de la mer sont régulièrement évoqués.

Et le scandale ne se limite pas à la saturation des sites. Toujours selon des sources très informées de l’évolution du dossier, les retards s’enchaînent aussi au niveau de la modernisation des centres de tri dans les deux régions et de la création d’un centre de compostage à Costa Brava, pour les ordures organiques. Le plus grave, c’est qu’avec ces travaux supplémentaires (qui ne sont même pas effectués à temps), le prix à la tonne a encore grimpé : d’un coût qui était de l’ordre de 83 dollars la tonne suivant les contrats signés entre le CDR et les compagnies, ce prix est aujourd’hui de l’ordre de 135 dollars, notent ces mêmes sources. Cela signifie qu’il est plus ou moins équivalent à celui que facturait la précédente compagnie qui a géré le dossier des déchets pendant vingt ans et qui était au cœur du scandale de 2015, à l’ombre d’un système tout aussi opaque marqué par le fait que l’argent est prélevé de la Caisse autonome des municipalités. Tous les ingrédients de la crise sont donc une nouvelle fois réunis.


(En 2018, L'Orient-Le Jour s'est engagé contre la surconsommation de plastique. retrouvez notre campagne, #MaBaddaPlastic )


La création de ces deux décharges par le gouvernement en 2016 faisait partie d’un plan de sortie de crise, qui devait être suivi d’un plan à plus long terme. Dans un contexte de crise gouvernementale, une telle démarche a naturellement pris du retard, sachant que l’option des incinérateurs, privilégiée par les gouvernements successifs – dont le cabinet sortant –, est, en soi, controversée. Or les municipalités s’y mettent aussi : en premier lieu celle de Beyrouth qui a des plans de cet ordre, suivie maintenant d’autres, comme celle de Jdeidé.

Inévitablement, ce choix provoque des réactions hostiles de la part de la société civile et des habitants des zones pressenties pour accueillir ces usines. À plusieurs reprises, des manifestations ont été organisées en 2018 pour protester contre le choix de l’incinération, considérée comme trop coûteuse et risquée pour l’environnement et la santé, dans un pays où la culture du contrôle est virtuelle. Les projets de construction d’incinérateurs paraissent donc être des projets de conflits à venir.


(Le scandale des carrières au Liban : découvrez notre dossier spécial)


Certes, il en faudrait plus pour décourager des autorités qui, régulièrement interrogées sur les alternatives, prétendent qu’aucune autre technologie ne serait viable dans un pays où les terrains sont rares et chers, et où les populations refusent régulièrement l’aménagement de décharges dans leur région. Preuve de la détermination à acquérir des incinérateurs : le vote d’un texte de loi sur les déchets ménagers le 24 septembre, qui marque un cheminement sans aucune ambiguïté vers cette solution. Il est vrai qu’il s’agit d’une loi-cadre qui n’est pas un programme en soi, mais elle fournit clairement un cadre légal au choix de l’incinération. Des observateurs notent que le timing du vote de ce projet de loi, longtemps oublié, répond probablement à une exigence des donateurs internationaux, notamment au vu des projets sur la gestion des déchets, présentés par le gouvernement libanais dans le cadre de la conférence tenue à Paris le 6 avril (CEDRE). Ces projets prévoient l’achat de trois grands incinérateurs centraux et d’autres projets dans les régions. Comme l’ont noté plusieurs analystes récemment, ce serait la raison d’un soudain regain d’intérêt des différentes parties politiques pour un ministère longtemps négligé, celui de l’Environnement.

Pour prédire ce qui pourrait survenir au niveau du dossier des déchets ménagers en 2019, nul besoin d’être devin. Des problèmes sur tous les plans, une crise en vue avec la saturation prochaine des décharges – sans alternative prête –, l’option des incinérateurs qui sera mal perçue dans quelque région que ce soit… la saga se poursuit.


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L’année 2018 a été riche en scandales dont beaucoup de nature écologique : la pollution du Litani qui a atteint des proportions cataclysmiques, l’inondation de certains quartiers par les eaux d’égouts de Ramlet el-Baïda après les premières pluies (en raison d’un détournement des réseaux pour épargner le projet touristique très controversé de l’Eden Bay), l’émergence du...

commentaires (2)

C'est pourtant une bonne initiative de OLJ. J'aime aussi le nom "Ma Baddi Plastique" qui est libanais pour "Je ne veux pas de plastique" c'est un bon nom, et en plus le résultat de cette sensibilisation pourrait aider pour éviter des désastres comme la photo de janvier 2018 montre ...

Stes David

14 h 57, le 06 janvier 2019

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Commentaires (2)

  • C'est pourtant une bonne initiative de OLJ. J'aime aussi le nom "Ma Baddi Plastique" qui est libanais pour "Je ne veux pas de plastique" c'est un bon nom, et en plus le résultat de cette sensibilisation pourrait aider pour éviter des désastres comme la photo de janvier 2018 montre ...

    Stes David

    14 h 57, le 06 janvier 2019

  • LA CRISE EN SURSIS... COMME D,AILLEURS TOUTES LES CRISES DANS L,ATOLL LIBAN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 06, le 06 janvier 2019

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