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Économie - Un homme, un métier ...

Fawzi, avocat : « Des pressions politiques ou économiques sont souvent nécessaires pour finir une affaire »

Parmi les autres difficultés inhérentes au métier d’avocat au Liban, Fawzi avoue avoir du mal à garder ses jeunes talents au Liban.

Sous ses sourcils fournis et grisonnants, le regard rusé ne trompe pas. Avec près de cinquante ans de métier à son actif, l'avocat a l'aisance et la rhétorique des grands ténors du barreau. Le cigare à la main, il avertit sans détour : « Sur la question de mon portefeuille, vous n'aurez aucun détail. » Il concédera uniquement que « oui, le métier d'avocat au Liban est une des professions libérales qui rapporte le plus ». En ajoutant, « terrains, propriétés, oui, je possède bien du patrimoine et oui je parviens évidemment à épargner tous les mois... Mais est-ce vraiment la question la plus pertinente à poser pour connaître la réalité du métier d'avocat au Liban ? » interroge-t-il, un peu à l'instar d'une plaidoirie.


Il préférera évoquer son parcours. Une expérience qui confirme la réussite professionnelle de celui que l'on nommera Fawzi. Après une étape à Genève en Suisse comme consultant, puis à Londres, l'homme, alors jeune avocat, décide de revenir à Beyrouth pour y établir son propre cabinet.
Un retour qui sera de courte durée. Rattrapé par la guerre, il repart en Angleterre où il collabore alors avec l'un des plus grands cabinets d'outre-Manche. « Je me suis forgé une sacrée expérience en Europe, mais je n'ai jamais rompu les liens avec le Liban », raconte-t-il. Au contraire, Fawzi a très rapidement compris que son identité pouvait constituer une véritable valeur ajoutée dans le domaine du droit des affaires internationales.
« Un grand nombre de cabinets européens et internationaux avaient des clients dans les pays arabes, notamment dans le Golfe, relate-t-il. Je me suis alors demandé qui y a-t-il de mieux placé qu'un Libanais pour servir de trait d'union entre l'Occident et le Moyen-Orient ? Nous avons l'adaptabilité, les langues et la mentalité pour cela. »


De retour à Beyrouth après la guerre, Fawzi décide alors de faire de la capitale libanaise une plaque tournante dans la région. « J'ai rassemblé une cinquantaine d'avocats libanais sous une même tutelle, poursuit le maître. Mon ambition était de faire de Beyrouth le relais entre les marchés européens et ceux du Golfe. Nous avions tout mais nous n'avons pas réussi, poursuit-il, un peu amer, en relatant ce qu'il décrit comme « l'échec de sa vie professionnelle ».
« Il nous manquait ce qui manquera toujours aux Libanais : l'esprit d'équipe. » Selon le spécialiste du droit des affaires, la plus grande faiblesse des Libanais est de ne pas savoir travailler en groupe. « Chacun cherche toujours son intérêt personnel sans prendre en compte l'intérêt du plus grand nombre. » C'est ainsi que son espoir de voir les professionnels du barreau libanais rassemblés et reconnus par la scène internationale s'évanouit.
Mais cela n'empêchera pas le maître d'accomplir de grandes choses au Liban. Parmi ses affaires citons celle du Palais des Congrès, la Régie du tabac et des tombacs, la Cité sportive ou encore le parking de l'aéroport... De grands projets ayant marqué la reconstruction du pays après la guerre.


Aujourd'hui son cabinet basé à Beyrouth compte une dizaine d'avocats. Spécialisé dans le droit des affaires internationales, Fawzi continue notamment de traiter de grands dossiers de firmes internationales, sociétés et entreprises ayant des intérêts au Liban. « Nous gérons une trentaine de gros dossiers, explique-t-il. Mais, nous sentons clairement les effets de la crise politico-sécuritaire sur notre activité. Les clients étrangers n'ont plus envie de faire des affaires au Liban, alors nous maintenons les dossiers que nous avions déjà, mais il n'y a pas de nouveaux transferts de l'étranger. »

 

« Aucun jeune ne veut plus lier son sort à celui du pays »
Parmi les autres difficultés inhérentes au métier d'avocat au Liban, Fawzi avoue avoir du mal à garder ses jeunes talents au Liban. « Aucun jeune ne veut plus lier son sort à celui du Liban, car celui du Liban est trop incertain. Dès qu'ils le peuvent, ils préfèrent exporter leur savoir-faire à l'étranger. »
Car le métier d'avocat au Liban est finalement un peu à l'image du pays. « À ces difficultés, il faut ajouter la lourdeur des procédures judiciaires, le manque de sérieux de certains juges, qui nous oblige en tant qu'avocat à recourir à des pressions politiques ou économiques pour faire appliquer la loi, conclut-il, même s'il existe encore certains professionnels corrects. »

 

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Sous ses sourcils fournis et grisonnants, le regard rusé ne trompe pas. Avec près de cinquante ans de métier à son actif, l'avocat a l'aisance et la rhétorique des grands ténors du barreau. Le cigare à la main, il avertit sans détour : « Sur la question de mon portefeuille, vous n'aurez aucun détail. » Il concédera uniquement que « oui, le métier d'avocat au Liban est une des...
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QUE NOUS DIT-IL ? LES PISTONS PISTONNENT... ET LES PISTONNÉS CHANTONNENT... AUTREMENT DIT : LES PANURGES CONDUISENT ET LES STUPIDES MOUTONS SUIVENT ET BÊLENT !

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 43, le 24 février 2014

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Commentaires (2)

  • QUE NOUS DIT-IL ? LES PISTONS PISTONNENT... ET LES PISTONNÉS CHANTONNENT... AUTREMENT DIT : LES PANURGES CONDUISENT ET LES STUPIDES MOUTONS SUIVENT ET BÊLENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 43, le 24 février 2014

  • MALHEUREUSEMENT C'EST OUI. CE SONT LES PRESSIONS POLITIQUES QUI COMPTENT AU LIBAN. POUR NE DONNER QU'UN SEUL EXEMPLE CONCRET. LE PORTE PAROLE DU PRÉSIDENT QUI S'APPELLE NAZEM EL KHOURY PASSE SON TEMPS À FAIRE DES PRESSIONS SUR LES JUGES HONNÊTES QU'ILS PUISSENT PAS PRONONCER LE BON JUGEMENT POUR FAVORISER LES GENS DE SON ENTOURAGE. ÇA C'EST LE LIBAN.

    Gebran Eid

    14 h 20, le 24 février 2014

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