Brusquement, et alors que les négociations pour la conclusion d’une trêve à Gaza piétinent, le front du Liban-Sud s’est embrasé. Au cours des dernières 48 heures, le Hezbollah a lancé au moins deux opérations d’un type nouveau, que ce soit sur le plan des armes utilisées, de la profondeur géographique ou même des affrontements qu’elles ont entraînés. Les Israéliens ont riposté en lançant dans la nuit de mardi à mercredi une série de raids aériens dans la Békaa, notamment à Brital et dans ses environs.
Immédiatement, les spéculations sur l’élargissement de la guerre entre le Hezbollah et les Israéliens ont recommencé à occuper les médias et de nombreux analystes ont annoncé que « l’été sera chaud »... Toutefois, dans l’optique du Hezbollah, le changement dans la nature des attaques qu’il lance contre les Israéliens s’inscrit plus dans la volonté d’ouvrir une page stratégique visant à établir de nouvelles règles de dissuasion que dans les prémices d’une guerre à plus large échelle.
Dans les détails, il y a eu d’abord l’attaque d’un type nouveau sur la position israélienne dite « Ramia » à la frontière avec le Liban. Dans cette opération, les combattants du Hezbollah ont attaqué la position à partir de ce qu’on appelle « une distance zéro ». Ce qui veut dire qu’ils ont pu avancer jusqu’à la position ennemie sans que les soldats israéliens ne s’en rendent compte et sans que les radars et le système de surveillance ne donnent l’alerte. Ils ont aussi utilisé pour la première fois des armes d’un type nouveau. Le Hezbollah a d’ailleurs publié une vidéo sur cette opération qui montre que ses combattants étaient à près de 100 mètres des positions ennemies et le photographe qui les accompagnait a montré qu’ils ont lancé trois types de missiles de trois endroits différents.
Le parti chiite refuse d’en dire plus sur cette opération et surtout il ne répond pas à la question de savoir s’il s’agit d’un indice sur la capacité de ses combattants à s’introduire dans le nord de la Galilée et à déplacer ainsi les combats en plein « territoire israélien ». Les sources proches de la formation se contentent de préciser que cette opération est une réponse à la récente tournée du ministre israélien de la Défense dans cette zone et à sa déclaration sur le fait que les combattants du Hezbollah ont été éloignés de ce secteur.
Les « lignes rouges » restent les mêmes
La seconde attaque a eu lieu sur une installation militaire, consacrée au système de surveillance israélien près de la ville de Tibériade, c’est-à-dire à une profondeur de plus de 35 kilomètres à partir de la frontière avec le Liban. C’est la première fois depuis le 8 octobre que le Hezbollah vise des cibles à une telle distance de la frontière et il a utilisé dans cette attaque des drones que le dôme de fer et le système d’alerte israélien n’ont pas réussi à intercepter. Les Israéliens n’ont pas révélé l’impact de cette attaque sur la base militaire en question, mais selon le Hezbollah elle a atteint son objectif, qui reste limité.
Certes, les cibles choisies par le Hezbollah restent principalement militaires. En dépit du changement fondamental dans la nature et les lieux de ses attaques, le Hezbollah continue donc à respecter les « lignes rouges » fixées depuis le 8 octobre.
C’est d’ailleurs sur cet élément que se basent des sources proches de la formation pour affirmer que son objectif n’est nullement d’élargir le champ de bataille avec les Israéliens, mais bien d’empêcher ces derniers de le faire. Selon ces mêmes sources, le Hezbollah mène ainsi une bataille très délicate envoyant des messages précis aux Israéliens, que seuls les militaires peuvent capter. C’est ainsi qu’alors que certaines parties politiques libanaises hostiles à l’ouverture du « front de soutien à Gaza » à partir du Liban se demandent à quoi sert ce front et si vraiment son ouverture mérite les pertes humaines et matérielles engendrées par cette guerre qui ne dit pas son nom, les sources proches du Hezbollah répliquent que c’est justement l’ouverture de ce front qui empêche les Israéliens de mener une attaque de plus grande envergure contre le Liban, tout en causant à Israël un véritable problème interne avec les déplacés du Nord qui exigent des réponses claires sur leur retour chez eux. De même, les sources proches du Hezbollah continuent de préciser que les attaques menées à partir du Liban ne sont pas vaines puisqu’elles ont largement contribué à priver l’ennemi de ce que le Hezbollah appelle « ses yeux » (autrement dit son système de surveillance). En même temps, chaque opération à partir du Liban est destinée à montrer que le Hezbollah n’a pas dévoilé toutes ses cartes ni tous ses moyens et, par conséquent, les Israéliens, qui ont déjà beaucoup de mal à Gaza, du nord au sud de l’enclave, devraient réfléchir sérieusement avant d’élargir le champ de la confrontation avec le Liban. Du point de vue du Hezbollah, il s’agit donc d’une tentative d’imposer un équilibre de la dissuasion inspiré du modèle adopté à partir de 2006 et jusqu’en 2023, mais avec des améliorations.
On peut déduire, d’après les informations données par Mme Haddad, qu’il y a déjà un certain équilibre de force entre Israël et le parti de dieu. Ce qui n’est pas négligeable. D’ailleurs, rien que pouvoir donner du fil à retordre à Israël est une victoire.
17 h 27, le 17 mai 2024