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Économie - Un homme, un métier...

Émile Issa, photographe professionnel : « Au Liban, l’expérience artistique n’est pas suffisamment valorisée »

Emile Issa par lui-même.

« Collectionner les photos, c'est un peu collectionner les rêves. » Pour Émile Issa, photographe professionnel sélectionné aux côtés de douze autres artistes libanais pour le festival Photomed, sa vocation s'est imposée comme une évidence. « En grandissant ici, naît rapidement un besoin d'évasion et d'expression », confie-t-il.
Envers et contre tout, c'est en tant que photographe libanais qu'Émile Issa tient à s'exprimer. « Pour un artiste, le Liban offre une beauté obscure qui permet de sortir des sentiers battus », poursuit-il.

La guerre, l'Orient, les tabous sociaux... Le photographe aime se nourrir du pire pour tendre vers la beauté. Une vielle maison abandonnée peut alors servir de décor pour sublimer les vêtements d'une célèbre marque de prêt-à-porter, ou encore exprimer les blessures passées et le renouveau dans sa série présentée au festival « Le projet Shadows ».

Après dix ans de métier et de nombreuses expériences à l'étranger, l'artiste s'installe en free-lance dans une vielle maison rénovée qui lui sert de studio. Son cœur de métier : le portait créatif. Au-delà d'une image, c'est une véritable création d'univers que propose Émile Issa à ses clients. Parmi eux, des agences de publicité, des magazines locaux et internationaux qui l'amènent à travailler avec des couturiers et créateurs de bijoux de renoms tels que Vintage Story, Zuhair Murad ou encore Marie Munier, mais aussi des personnalités du monde de la musique comme James Blunt, Faudel, Matteo ou Goldfish Parade, pour lequel l'artiste à réalisé le premier shooting sous l'eau au Liban.

Dans un pays où l'art et la culture sont souvent relégués au second plan, des initiatives telles que Photomed sont essentielles pour aider les professionnels non seulement à gagner en visibilité et en connexions, mais aussi à aider au financement de nouveaux projets. « Au Liban, l'expérience artistique n'est pas toujours suffisamment valorisée, estime Émile Issa, les problèmes politiques étant toujours sur le devant de la scène ». Suite à une commande réalisée grâce à Photomed, le photographe va pouvoir financer sa prochaine exposition au mois de juin. Un réel soutien pour l'artiste, qui estime le coût d'une exposition à près de 75 000 dollars, incluant le concept, l'impression, le shooting et la location de l'espace.

En moyenne, le photographe compte près de 4 grands projets par mois, avec des budgets oscillant entre 6 000 et 8 000 dollars. Quant aux tarifs, ils peuvent aller de 2 800 dollars pour une journée de shooting à des fins publicitaires à 6 000 dollars pour une photographie artistique comme celles exposées à Photomed.

« Dans l'imaginaire collectif, le photographe passe son temps à prendre des photos, ironise l'artiste, mais en réalité, le travail est bien plus important : 40 % de notre temps est dédié au démarchage de clients et partenaires financiers, 30 % à la conception et seulement 30 % au shooting. »
Car le monde de la photographie comme celui de la communication en général n'ont pas été épargnés par la crise. « Les événements sécuritaires se font directement ressentir sur notre activité », constate le photographe. « Beaucoup de projets qui avaient été signés ont dû être annulés à la dernière minute, explique-t-il. Les mois de septembre et d'octobre ont par exemple été les plus difficiles. Beaucoup d'artistes venant de l'extérieur ont préféré annuler leur venue au Liban pour des raisons de sécurité, tandis que les budgets publicitaires ont été réduits d'environ 30 % en 2013. »

Mais malgré tout cela, Émile Issa reste optimiste et plus que jamais attaché au Liban. « En dépit de tout, de grands artistes tels que Costa Gavras et Nino Migliori ont fait le déplacement pour que le festival Photomed se tienne au Liban, ajoute-t-il. En tant qu'artiste libanais, deux choix s'imposent à nous : la fuite ou la réconciliation avec nous-mêmes. »


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