« Nous avons plus que jamais besoin d’un président au Liban. » Ces propos d’un diplomate occidental résument parfaitement l’état d’esprit du quintette impliqué dans le dossier libanais (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte, Qatar). Après plusieurs rounds de contacts avec les protagonistes locaux, les pays membres du groupe estiment désormais que l’heure n’est plus aux appels classiques à l’élection rapide d’un chef de l’État. Il est temps de hausser le ton et de passer aux choses concrètes. C’est ce qui ressort du communiqué conjoint publié jeudi par les ambassadeurs accrédités à Beyrouth des pays membres du groupe.
Pour la toute première fois depuis le début de leur action en faveur du Liban, ils ont ainsi évoqué un délai, fin mai, pour la tenue du scrutin. Ils ont également consacré le principe de l’élection d’une figure de troisième voie, fruit des efforts de l’émissaire spécial pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, et ont proposé une feuille de route axée sur des « consultations, limitées en termes de portée et de durée, entre les blocs politiques », loin du dialogue élargi voulu par le chef du législatif, Nabih Berry.
Selon les informations de L’Orient-Le Jour, le communiqué de jeudi a été discuté lors de la réunion tenue mercredi à l’ambassade des États-Unis, à Aoukar, entre les cinq ambassadeurs accrédités à Beyrouth. « C’est un texte bien calé », dit une source diplomatique occidentale. « Les discussions des ambassadeurs du quintette avec les blocs politiques ont montré que ces derniers conviennent de la nécessité impérieuse d’élire un président et sont prêts à contribuer à un effort renouvelé pour atteindre cet objectif, dès la fin du mois de mai 2024 pour certains », peut-on lire dans le texte. De toute évidence, le délai en question est loin d’être un ultimatum pour les protagonistes. D’autant que dans des milieux diplomatiques, on souligne que l’éventualité de sanctionner les acteurs bloquant le scrutin, après l’expiration de ce délai, est exclue.
Il n’en reste pas moins que ce point du communiqué semble être porteur d’un message en direction du Hezbollah qui, dans la pratique, continue de lier tout déblocage de la présidentielle à l’issue de la guerre à Gaza. En effet, le texte de jeudi officialise pour la toute première fois la séparation qu’établit le groupe entre les deux dossiers. « L’élection d’un président est également nécessaire pour garantir que le Liban ait une place à la table des discussions régionales et pour conclure un futur accord diplomatique à propos de la frontière sud du Liban », note d'ailleurs le communiqué..
Non à Berry, oui à la Modération nationale
C’est surtout le président de la Chambre, Nabih Berry, qui semble visé par les messages implicites des Cinq. Alors que M. Berry œuvre pour entraîner tout le monde, dont l’opposition (qui redoute une démarche visant à imposer le candidat appuyé par le tandem Amal-Hezbollah Sleiman Frangié), vers un dialogue national qui déboucherait selon lui sur la tenue de la présidentielle, une option que les milieux de Aïn el-Tiné disent soutenue par le quintette, les cinq diplomates ont mis les points sur les « i » : ils se sont prononcés pour « des consultations, limitées en termes de portée et de durée, entre les blocs politiques », ajoutant que celles-ci sont « nécessaires pour mettre un terme à l’impasse politique actuelle ». Le quintette semble ainsi donner un nouvel élan à l’initiative lancée en février par les députés ex-haririens de la Modération nationale. Celle-ci prévoit la tenue de concertations parlementaires (informelles) suivies d’une séance électorale ouverte avec des tours de vote successifs jusqu’à ce que le pays se dote d’un président. Un point qui figure dans le texte des Cinq : « Dès la fin de ces consultations, les membres du Parlement se rendraient à une séance électorale ouverte au Parlement avec plusieurs tours jusqu'à l’élection d'un nouveau président. »
Mais le président de la Chambre, qui veut s’affirmer comme l’élément-clé de tout déblocage, ne s’avère pas vaincu, du moins pas à ce stade. Au point de se féliciter de la prise de position du quintette. « Le communiqué des Cinq reprend ce que nous disons depuis des mois : c’est par l’entente et la concertation que nous nous entendrons autour du futur président », dit à L’Orient-Le Jour Kassem Hachem, député berryste. Ironiquement, l’opposition se félicite, elle aussi, du communiqué. « Le quintette a copié-collé ce que nous disons : oui à des concertations limitées, c’est-à-dire tripartites ou bilatérales comme nous le voulons, et comme le préconise le bloc de la Modération nationale », estime Charles Jabbour, porte-parole des Forces libanaises, plus large groupe parlementaire de l’opposition. « Il est évident que le communiqué des Cinq est adressé contre la moumanaa (camp piloté par le Hezbollah) », ajoute-t-il en réaction à l’appel du groupe à l’élection d’un candidat qui fasse l’objet d’une large entente. Un niet évident à Sleiman Frangié, mais aussi à son rival appuyé par l’opposition et le Parti socialiste progressiste, Jihad Azour. « Nous sommes pour la troisième voie. Mais nous nous en tenons à l’option Azour tant que les autres n’ont pas lâché M. Frangié », affirme Charles Jabbour. L’éclaircie n’est donc pas pour demain, surtout que le chef des Marada ne semble pas avoir capté le « non » diplomatique du quintette (qui l’avait visité il y un mois sans l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Walid Boukhari, dans ce qui avait été interprété comme un veto saoudien à son élection) à son encontre. « Le communiqué de jeudi ne change rien. Sleiman Frangié est toujours dans la course », tranche un proche du leader zghortiote.
Juste a titre de clarification, l’opposition ne redoute pas une démarche visant à imposer le candidat appuyé par le tandem Amal-Hezbollah, il ne peut passer, mais le fait que les concertations proposées viennent a l'encontre de la constitution moult fois violées par le tandem, entre autre concernant la présence des députés ou le consensus dont ils abusent pour tout et n'importe quoi. S'il faut y avoir des concertations, elles doivent se faire au sein du parlement entre les députés comme cela est stipulés dans la constitution d'ou la pertinence de la proposition du groupe de la modération.
09 h 25, le 21 mai 2024