
Panneaux solaires installés sur des toits surplombant l'Aéroport international de Beyrouth, à Aramoun, au sud de Beyrouth, le 14 janvier 2024. Crédit João Sousa/L'Orient Today
La crise énergétique au Liban a entrainé un engouement pour l'achat et l'installation de systèmes d'énergie solaire dans le pays ces dernières années. Confrontés aux pénuries chroniques du fournisseur public Électricité du Liban (EDL), aux rationnements généralisés des générateurs diesel privés et aux prix élevés du carburant et des factures d'électricité, les Libanais se sont tournés vers le solaire.
Selon Pierre Khoury, président du Centre libanais pour la conservation de l'énergie (LCEC), la capacité installée de l'énergie solaire au Liban a été multipliée par treize, passant de 100 mégawatts à 1 300 mégawatts entre 2020 et 2023, principalement grâce aux systèmes solaires déployés sur les toits des maisons et des entreprises privées. « Nous estimons qu'en juin 2024, la capacité cumulative dépassera probablement 1 500 mégawatts », précise-t-il.
Cependant, ce qui semblait autrefois être une révolution solaire décentralisée a aujourd'hui atteint un plateau, selon les experts, alors que les projets solaires sont désormais davantage conduits par des donateurs – comme l'équipement d'institutions publiques telles que les écoles et les hôpitaux, plutôt que par les particuliers. « Aujourd'hui, la croissance n'est plus au même niveau qu'au pic de la crise économique. C'est un rythme beaucoup plus lent », estime Marc Ayoub, chercheur et consultant en politique énergétique, auprès de L'Orient Today.
« Stagnation normale »
Une stagnation « normale » qui aurait débuté l’an dernier en 2023, selon Pierre Khoury, et devrait se prolonger cette année. « En fait, le boom était l'exception, pas la stagnation », dit-il, car les consommateurs recherchaient l'énergie solaire comme seule alternative au plus fort de la crise au Liban. La principale raison de la stagnation est qu'aujourd'hui, « il n'est plus aussi nécessaire de combler le manque d'électricité par le solaire », note Marc Ayoub.
La suppression des subventions allouées par la Banque du Liban (BDL) sur les carburants depuis novembre 2022 a permis à EDL d'augmenter l'approvisionnement de quatre à six heures, bien qu'elle ait échoué dans son plan visant à atteindre huit à dix heures, en raison du manque de financement. Les générateurs privés assurent jusqu'à 22 heures d'approvisionnement, certains fournissant une alimentation continue de 24 heures, selon la région.
Pendant ce temps, l'espace limité sur les toits ne permet pas à tous les ménages d'un immeuble d'installer des panneaux solaires, ceux ayant déjà installé du solaire pendant la crise ayant pris tout l'espace, souligne le chercheur. De plus, les ménages qui pouvaient se permettre de payer des panneaux solaires pendant le boom entre 2020 et 2023 les ont déjà installés, tandis que ceux qui ne le pouvaient probablement pas à l'époque n'en ont probablement toujours pas la capacité aujourd'hui ou les achètent à un rythme plus lent, ajoute Marc Ayoub.
Boom précipité
Bien que le boom du solaire au Liban « n'ait jamais été durable », comme le souligne l'experte en énergie et consultante Jessica Obeid à L'Orient Today, il a été bénéfique pour beaucoup. « Il a préservé le secteur de l'énergie d'un effondrement total », déclare-t-elle, ajoutant qu'« il a également contribué aux objectifs de propreté du Liban, bien qu'il n'ait jamais bénéficié du soutien de l'État. »
La crise a catalysé une prise de conscience collective des citoyens sur le potentiel des sources d'énergie renouvelables, en particulier l'énergie solaire, affirme Marc Ayoub. Pour beaucoup, ce changement a conduit à se désabonner ou à moins dépendre de la « mafia des générateurs » en vigueur au Liban et de l'approvisionnement chaotique d'EDL.
Cependant, « on ne peut pas s'attendre à ce que l'énergie renouvelable résolve les problèmes du secteur de l'électricité », prévient Jessica Obeid. « Ce n'est pas un substitut aux réformes nécessaires. »
Un panneau solaire récemment installé dans la rue qui sépare les quartiers de Jabal Mohsen et Bab al-Tabbaneh, à Tripoli, le 21 février 2024.Crédit João Sousa/L'Orient Today
Pendant ce temps, affirme Marc Ayoub, les ménages privés ne constituent plus le marché florissant du solaire. Le secteur assiste selon lui à une transition des installations solaires individuelles sur les toits vers des projets municipaux financés par des donateurs et des approches communautaires tels que l'investissement dans des systèmes solaires pour « les écoles, les hôpitaux, les universités, les grandes installations, etc. » Et même les stations-service.
« Le montant des subventions allouées à ce secteur à l'échelle mondiale est généralement très faible », déclare Jessica Obeid. « Vous ne pouvez pas dépendre uniquement des subventions, car les donateurs d'institutions internationales aident généralement simplement pour s'assurer qu'il n'y a pas de crise humanitaire. »
Entreprises à la peine
Armé d’une compréhension naissante de la technologie solaire, Moustapha al-Zein s’est lancé dans le secteur avec son cousin à la mi-2021. Leur entreprise est rapidement devenue rentable.
Les deux partenaires n’ont toutefois pas prévu le ralentissement du marché. Sans boutique physique, ils recevaient des commandes par téléphone et les livraient en camionnette, principalement dans les localités de « Bchamoun, Aley, Beyrouth et Khaldé », déclare-t-il à L’Orient Today.
La précipitation, le chaos, ainsi que l'arrivée de nouveaux venus inexpérimentés sur le marché du photovoltaïque ont entraîné une installation de panneaux de mauvaise qualité, ternissant la réputation de l'énergie solaire auprès de nombreux Libanais.
Autre problème de taille, celui de la sécurité. Des composants de qualité inférieure, avec des batteries de mauvaise qualité, présentent des risques d'incendie, en particulier dans des systèmes mal synchronisés, selon Marc Ayoub. Pendant ce temps, l'élimination non adaptée de l'équipement solaire, en particulier des batteries, prévisible sans une stratégie étatique réfléchie, sera préjudiciable à l'environnement.
Au début, la qualité des systèmes solaires importés de Chine que Moustapha el-Zein achetait auprès de fournisseurs était élevée et les prix étaient acceptables, explique-t-il. Il les revendait avec des bénéfices de 200 à 500 dollars par commande ou par installation.
Cependant, avec le temps, les mêmes fournisseurs ont commencé à vendre des produits de qualité inférieure, entraînant une cascade de dysfonctionnements et de plaintes de clients. Les fournisseurs en gros ont même « cessé de nous donner la garantie adéquate », dit-il avant d’ajouter : « Cela a rendu notre travail trop difficile. À la fin de 2022, pour nous, c’était une catastrophe. »
Moustapha al-Zein n’était pas seul à commencer à fléchir, car de nombreuses personnes inexpérimentées sont entrées sur le marché pour gagner de l’argent. « Le propriétaire du supermarché voisin a commencé à vendre des panneaux solaires, plaisante Jessica Obeid. Elle explique que le fait que beaucoup ferment maintenant « est bon sur le long terme, car ces entreprises n’étaient pas viables en raison du manque de savoir-faire ». « À court terme, ils ont causé beaucoup de dommages aux personnes pour lesquelles ils avaient installé les systèmes, parce qu’ils n’assuraient pas de maintenance après avoir conclu les ventes », ajoute-t-elle.
« J’ai eu la chance d’entrer sur le marché au bon moment et de sortir au bon moment, déclare Moustapha al-Zein, qui a fini par quitter le secteur solaire fin 2023. Certains n’ont pas eu cette chance et ont acheté des équipements en gros, étant arrivés après quatre à six mois, lorsque les prix ont chuté, ce qui leur a causé de grosses pertes. » Selon lui, le profit aujourd’hui par installation de système solaire pour les petites entreprises, en particulier celles qui ont ouvert au cours des deux à trois dernières années, est « d’environ 10 % seulement ».
Ceux qui sont encore dans le secteur « prennent en charge de grands projets ou sont des électriciens qui gèrent la partie technique de l’installation sans aucune responsabilité », dit l’entrepreneur, qui travaille maintenant comme vendeur dans l’industrie technologique, loin de l’énergie solaire.
Pendant ce temps, « il existe toujours un marché pour les services après-vente et la maintenance », explique Wissam Daou, ingénieur et fondateur de Dawtec, une entreprise de Baabda qui importe, vend et installe des systèmes de panneaux solaires. Deux à trois ans après l’installation d’un système de panneaux solaires, les batteries et les onduleurs doivent être remplacés. Il estime que « le marché des chauffe-eau solaires, qui est moins concurrentiel par rapport aux installations de panneaux photovoltaïques (PV), reste stable », car cela coûte moins cher. « On préférerait dépenser 1 000 dollars pour fournir l’énergie nécessaire au chauffage de l’eau solaire plutôt que d’investir 5 000 ou 4 000 dollars (dans les systèmes PV) », explique-t-il.
Wissam Daou ne s’inquiète pas pour les affaires. « Nous sommes dans le secteur depuis 20 ans. Nous avons une bonne infrastructure solide, nous n’avons pas besoin de payer de loyer. Nous possédons l’atelier. Nous possédons le showroom, nous possédons les bureaux… »
Le pays a encore besoin de quelques milliers de mégawatts supplémentaires de capacité solaire pour achever sa transition énergétique, selon des propos tenus par le ministre sortant de l'Énergie, Walid Fayad, au quotidien émirati The National, estimant la facture à « quelques milliards de dollars ».
La solution écologique aujourd'hui est mise à notre disposition par les panneaux solaires à condition que kes fournisseurs soient compétents et honnêtes. Les générateurs sont une source indéniable du cancer, et donc mortellement nuisible. Pour enfin crever l'abcès, ces propriétaires de générateurs se sucrent sur le dos des libanais qui viennent passer quelques jours de vacances au liban, en les arnaquant, en les prenant pour des poules aux œufs d'or, et en sachant qu'ils sont prisonniers de ces voyous sans scrupules.
08 h 40, le 19 mai 2024