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Économie - Un homme, un métier

Firas, 32 ans, chef : « Beaucoup de restaurateurs ne s’intéressent pas à la gastronomie, mais aux gains »

Firas, chef et content de l’être.

Firas est tombé très jeune dans la marmite de la gastronomie. Passionné depuis toujours de bonne chère – précisément de cuisine française –, il professe une curiosité grandissante envers les techniques culinaires. Adolescent, il collecte recettes et astuces auprès des parents de ses amis.


Après un passage à l'université, il décide que la meilleure formation sera celle qu'il recevra sur le terrain. Par chance, il fait la connaissance d'un grand critique gastronomique français, dont le fils suit justement une formation au Liban. Pour Firas, le signe est évident.


« J'ai décidé de me lancer. Maîtriser les savoirs et la pratique veut dire les étudier, mais aussi commencer par le commencement. J'ai donc débuté en cuisine tout en bas de l'échelle. » Apprenti, commis, chef de partie... La route est longue et les salaires bas. « Ma soif d'apprendre était telle que je n'étais pas regardant. Je touchais à l'époque dans les 400 dollars par mois – à plein temps. »


En cuisine, plusieurs années durant, le jeune homme apprend et observe. Il ne tarde pas à remarquer plusieurs détails dérangeants. « Je suis passé par plusieurs établissements, du moyen de gamme au très haut. Ce qui m'a frappé le plus était le manque de professionnalisme et d'implication de beaucoup de restaurants par lesquels j'ai transité, ainsi que leur volonté de rogner à tout prix sur les frais – au détriment, parfois, de la qualité, et en dépit des tarifs parfois très élevés que ces établissements affichaient. »
« La plupart des employés en cuisine étaient des travailleurs migrants qui n'avaient aucune idée de cuisine, encore moins de gastronomie. Je n'ai pas croisé un seul diplômé de l'École hôtelière, en plus de dix ans de métier. L'hygiène était parfois déplorable », poursuit-il.
Et, sur le plan de l'équipement, autant oublier les investissements pertinents en termes de qualité : « J'ai suggéré aux patrons du restaurant soi-disant gastronomique – et très cher – dans lequel je travaillais d'investir dans du bon matériel de cuisson, d'acheter des ustensiles appropriés au lieu d'utiliser de la camelote. Ils m'ont dit que cela coûtait trop cher et n'ont pas donné suite. »


En dépit de ces contraintes, sans oublier la rivalité féroce des employés en cuisine, Firas gagne peu à peu ses galons de chef de partie, de sous-chef... Il se rend en France pour mieux se rapprocher de cette cuisine qu'il aime tant et en revient bardé de conseils et de livres de recettes.


Firas, 32 ans, est aujourd'hui passé chef. Son salaire s'établit en moyenne à 2 500 dollars mensuels, « une somme que, vu la situation actuelle, peu de patrons sont prêts à payer », avoue-t-il. Selon lui, un restaurant libanais préférera payer 10 000 dollars à un consultant étranger, de préférence français, pour que ce dernier élabore un menu – pour ensuite le faire appliquer en cuisine par des travailleurs non qualifiés.
« Bien sûr, je ne cherche pas à généraliser. Mais c'est vrai qu'un chef libanais spécialisé en cuisine étrangère a très peu de chances de gagner une reconnaissance en son nom propre. Les propriétaires de restaurants préfèrent miser sur le prestige du nom d'un consultant et ouvrir des établissements qui proposent une cuisine à la mode du moment, pour être sûrs de gagner de l'argent. C'est triste de le dire, mais beaucoup de restaurateurs libanais ne s'intéressent pas à la gastronomie mais aux profits », déplore-t-il.


Une situation en forme d'impasse pour les professionnels déterminés à rester au Liban plutôt que faire carrière « dans le Golfe, comme 90 % des chefs libanais, mieux payés et respectés ».
Cela étant, tout n'est pas noir. Firas le passionné a remarqué au cours des dernières années que de plus en plus de restaurants ont fait des efforts « notables » pour améliorer la qualité de la nourriture qu'ils proposent, notamment en se conformant aux normes ISO préconisées. Il a également loué le travail du ministère de la Santé « dont les perquisitions, redoutées, ont un effet douche froide plutôt efficace ».
Aujourd'hui, Firas continue de collaborer en free-lance avec de riches particuliers et de nombreux restaurants, en attendant d'avoir le capital nécessaire pour ouvrir son propre établissement – son rêve le plus cher...

 

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