Comme la plupart de ses amis qui suivent le même programme d'hôtellerie, Shadi doit travailler pour subvenir à ses besoins. Issu d'une famille modeste de quatre frères et sœurs, cela fait maintenant 4 ans qu'il travaille dans le secteur de la restauration pour « ne plus demander de l'argent de poche à mon père ». Son salaire fixe s'élève désormais à 1 million de livres à peu près. « Lorsque j'ai postulé pour ce poste, je pensais surtout aux pourboires assez conséquents dans ce domaine », avoue-t-il presque avec une gêne mal dissimulée. Manque de bol. La crise syrienne a déteint sur tous les secteurs productifs et notamment celui de l'hôtellerie et de la restauration. Il souligne que la décision des pays du Golfe d'interdire à leurs ressortissants de venir au Liban a été de très mauvais augure. « Les clients du Golfe avaient l'habitude de laisser des pourboires conséquents surtout qu'ils avaient l'habitude de venir en famille et que leurs factures sont généralement assez importantes. »
Shadi indique que lorsqu'il avait commencé à travailler, il pouvait se faire jusqu'à 250 dollars de pourboires « surtout les mois d'été et pendant la fête du Fitr et le mois de décembre ». Il contribue mensuellement au budget familial à hauteur de 450 mille livres. Sa mère suit un traitement médical qui n'est pas couvert entièrement par la Sécurité sociale. « Sans la somme mensuelle que nous envoie mon frère qui travaille dans un laboratoire de pétrochimie en Arabie saoudite, nous serions gravement endettés », ajoute-il.
Comme tous les jeunes de son âge, Shadi aime sortir le soir après son travail qui s'achève généralement aux alentours de minuit. « Mais les sorties coûtent chères », déplore-t-il en ajoutant que depuis quelque temps il évite d'aller au cinéma plus que deux fois par mois parce que « le billet est cher ».
Après plusieurs mois d'économies, il a pu s'offrir une mobylette d'occasion. Il passe la plupart de son temps libre au bricolage de l'engin qui constitue son seul moyen de déplacement. L'essence lui coûte à peu près 60 dollars par mois et son forfait téléphonique s'élève à 25 dollars en moyenne.
Ses perspectives d'avenir? Il voudrait quitter le Liban dès qu'il obtient son diplôme, c'est-à-dire à la fin du mois de juin. Shadi compte sur les connaissances de son frère pour pouvoir décrocher un poste en « Arabie saoudite, à Dubaï ou dans n'importe quel pays du Golfe ». « Les salaires sont bien plus élevés », affirme-t-il même s'il sait que les conditions de vie ne sont pas toujours faciles. Son rêve; c'est de pouvoir un jour s'acheter « une voiture de sport décapotable et pourquoi pas une maison ». Shadi enfile son tablier ; c'est l'heure du service. « Si vous restez, vous verrez que les clients se font de plus en plus rares », lance-t-il amèrement. Il est presque 14 heures dans ce restaurant réputé de Beyrouth et, pour l'instant, il n'y a que trois tables occupées.
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