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Liban - Liban

Les obsèques de Chatah renouvellent la promesse d’une résistance civile

 « Nous fatiguer, c'est signer notre fin », répétaient les citoyens regroupés au centre-ville pour rendre un ultime hommage au « martyr de la modération ».

Rony et Omar Chatah, affligés par la mort de leur père. Photo Nasser Traboulsi

Ceux qui se sont rendus hier à la mosquée Mohammad al-Amine pour assister aux obsèques de l'ancien ministre Mohammad Chatah ont voulu d'abord rendre un ultime hommage à « sa culture, sa pensée, son ouverture ». Ce sont les propos récurrents des citoyens descendus au centre-ville de leur propre chef. Aucune décision politique de mobilisation n'avait en effet été prise. La raison déclarée est le souci « d'éviter une recrudescence de la tension dans le pays », selon des responsables du courant du Futur interrogés par L'Orient-Le Jour.


L'absence d'une foule imposante aura permis de discerner les quelques centaines de citoyens, d'indépendants, de politiques et de journalistes, chacun renvoyant, dans son appel à la justice, un reflet de ce que signifie la modération.
« Nous continuons d'espérer et de croire dans le dialogue, pour l'avenir de nos enfants, c'est pour cela que nous sommes là », affirme ainsi Hala Chaabane, quadragénaire, mère de deux enfants, accompagnée par son mari. « Ce sont malheureusement les militants de la politique d'ouverture qui se font assassiner », se désole-t-elle, rappelant néanmoins que « jamais une lutte n'a été courte ». « Il faut avoir le souffle long », conclut-elle.
Ce souffle de non-violence, la rue sunnite continue, tant bien que mal, de le maintenir. Venue du Akkar, une famille nombreuse, emmenée par le père et l'époux, veut rappeler que « les sunnites sont là, et sont fondamentalement modérés ». « Même si nos moyens sont limités, puisque nous refusons la violence, nous continuons de faire de notre mieux pour le pays et pour le martyr assassiné », lance un jeune sympathisant du Futur.

 

(Lire aussi : La lettre de Chatah à Rohani : un appel à l'Iran pour revoir ses choix)

 

L'absence de Saad Hariri
À côté de ce schéma de résilience, au-delà de la colère qui dominait la scène hier, la frustration de la rue sunnite n'a pas manqué de s'exacerber parmi une délégation restreinte de Bab el-Tabbaneh, formée d'une poignée de jeunes hommes habillés de gilets noirs, se présentant comme des chefs de guerre de Tripoli.
« C'est nous qui nous faisons tuer, qui donc est le terroriste ? » s'interroge leur chef, Ziad el-Biri, se démarquant du groupe par une tenue décontractée, rehaussée d'un veston moderne de couleur bleue. S'il estime que « la lutte par la plume paraît désormais vaine », il ne manque pas de souligner que « l'absence de cheikh Saad (Hariri, leader du courant du Futur) nous affecte le moral ».
La présence significative de ces quelques dizaines d'hommes a paru gêner des manifestants, qui y ont vu une ébauche de ce que produiraient les assassinats successifs des modérés, un échantillon que des médias du 8 Mars n'ont d'ailleurs pas manqué d'exploiter, en y focalisant l'événement.


Un jeune homme du Akkar, Abdel Rahman Cheikh, détenteur de trois diplômes, et établi au Akkar où il continue de chercher du travail, s'en remet à l'État. « Ce dont j'ai besoin aujourd'hui c'est, avant l'emploi, une protection », affirme ce partisan du Futur, qui déplore en même temps l'émergence de salafistes, à l'égard desquels il se montre fort critique.
« C'est le nerf de la modération qui continue de s'imposer, en dépit de manifestations ponctuelles d'extrémisme », insiste le député du Akkar, Khaled Zahraman, revenant sur « les efforts constants du Futur et de ses alliés pour contenir les courants qui s'écartent de la constante de modération ». Et de réaffirmer, en réponse à une question, que « le 14 Mars est toujours en mesure d'adopter une position agressive, qui soit à la hauteur des circonstances actuelles ». Autrement dit, une position à même de canaliser la frustration, assimilable aujourd'hui à une rage véritable de la rue sunnite, visée directement par l'usage d'armes supra-étatiques.

 

(Lire aussi : Une campagne de désinformation, confirmée par l'armée)

 

« Où sont les jeunes ? »
Cette position, le chef du bloc du Futur, le député Fouad Siniora, en a transmis une ébauche restée néanmoins peu satisfaisante pour de nombreux manifestants. S'il a déclaré, non sans détermination, que « les forces du 14 Mars ont décidé de libérer le Liban de l'occupation des armes illégitimes » (voir par ailleurs), il a manqué de proposer une action concrète dans ce sens, faisant calmer au passage des voix s'élevant pour dénoncer le Hezbollah.
« Dis-le ! » lui lance Leila, une dame originaire de Ghobeyri, qui le suivait sur grand écran. Elle attendait de lui qu'il pointe du doigt formellement, sans détour, le Hezbollah, ou encore qu'il lance un appel direct et ferme à un sit-in civil.
Septuagénaire, Leila est accompagnée d'une amie, Kawthar, habitant Tarik el-Jdidé. « Nous fatiguer, c'est signer notre fin », lance la première, avec l'énergie de la jeune combattante qu'elle paraît maintenir malgré l'âge. La seconde, consciente de la paralysie de l'action à cause des armes, rappelle qu'il existe une réaction nécessaire, en dépit de la complexité de la situation politique. « Nous devons tous descendre dans la rue, pacifiquement, pour faire entendre au monde notre refus de nous faire assassiner », déclare Kawthar, d'une voix douce, enrobée d'une vive émotion. « Mais où sont donc les jeunes ? » se demande-t-elle. Derrière elle, la place des Martyrs se vide progressivement.
« Que pouvons-nous faire? Qu'est-il attendu de nous? » peut-on entendre parmi certains jeunes réunis, qui avaient été au cœur de la dynamique civile du 14 Mars, et qui ne masquent pas leur impuissance.

 

(Lire aussi : Émotion intense aux obsèques du jeune Chaar, le mufti conspué par une foule en colère)

 

Vers un mécanisme de résistance ?
Mais face aux incertitudes, deux positions marquent déjà une amorce de ressaisissement.
La première est celle du mufti de Tripoli, Malek Chaar, qui a récité la prière lors de l'enterrement de Mohammad Chatah et de son garde du corps Tarek Bader, dans le mausolée de l'ancien Premier ministre assassiné Rafic Hariri. « Nous nous tiendrons aux aguets face à toutes les formes de meurtre et de destruction. Nous ne reculerons devant rien », martèle-t-il, déclarant qu'un cabinet « sera bientôt formé » (voir par ailleurs).


La seconde est celle des garde-fous de la révolution du Cèdre, ceux qui, comme le député Marwan Hamadé, ont effleuré de près l'intimidation contre laquelle ils continuent de s'insurger. « Plusieurs modes d'action sont possibles, plusieurs formes de résistance civile sont à mettre en œuvre », affirme Marwan Hamadé à L'OLJ, renvoyant notamment à la lettre préparée par Mohammad Chatah à l'adresse du président iranien. « Nous traiterons avec les meurtriers sans indulgence et sans adhérer toutefois », souligne-t-il.
C'est à ce niveau que la promesse exprimée hier par Fouad Siniora devrait pouvoir se traduire.

 

Lire aussi

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Ceux qui se sont rendus hier à la mosquée Mohammad al-Amine pour assister aux obsèques de l'ancien ministre Mohammad Chatah ont voulu d'abord rendre un ultime hommage à « sa culture, sa pensée, son ouverture ». Ce sont les propos récurrents des citoyens descendus au centre-ville de leur propre chef. Aucune décision politique de mobilisation n'avait en effet été prise. La raison...

commentaires (3)

Trêves de billevesées, pleaaase s'il vous plaît ! Äâl "résistance civile" äâl ! Où sont donc passées les armes ?

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 45, le 30 décembre 2013

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Commentaires (3)

  • Trêves de billevesées, pleaaase s'il vous plaît ! Äâl "résistance civile" äâl ! Où sont donc passées les armes ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 45, le 30 décembre 2013

  • LA RÉSISTANCE CIVILE EST CONTRE LES GOUVERNEMENTS. OR ICI IL N'Y A PAS UN GOUVERNEMENT POUR LUI RÉSISTER. IL N'Y A QU'UNE MILICE. LA PLUS GRANDE DES RÉSISTANCES SERAIT LE DIALOGUE... LE DIALOGUE FERME... OUI FERME... MAIS LE DIALOGUE... SANS POUR AUTANT FAIRE DES CONCESSIONS QUI RISQUERAIENT DE METTRE EN DANGER LA SÉCURITÉ ET L'EXISTENCE MÊME DU PAYS ET LE CONSENSUS ET SURTOUT LE 50/50... AL MOUNASSAFÉ. ALLEZ, TOUS AU DIALOGUE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 03, le 30 décembre 2013

  • Désolé de me voir obligé à faire cette réflexion. La modération, les assassins s'en moquent et éliminent les modérés l'un après l'autre. Un cynique connu dans ce pays a un jour écrit cette phrase : "avec quoi les sunnites combattront-ils, avec des narguilés" ? Comment "les forces du 14 Mars libèreront-elles le Liban de l'occupation des armes illégitimes", comme l'a promis le chef du courant du Futur, Fouad Siniora ? "Plusieurs formes de résistance civile sont à mettre en oeuvre", affirme le député Marwan Hamadé. Quand cela aura-t-il lieu ?

    Halim Abou Chacra

    11 h 55, le 30 décembre 2013

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