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Liban

Émotion intense aux obsèques du jeune Chaar, le mufti conspué par une foule en colère

Colère et douleur profonde, qu’aucun esprit ne peut comprendre, pour la famille et les amis du jeune Mohammad Chaar. Photo Ibrahim Tawil

L'émotion se mélangeait à la colère aux obsèques du lycéen Mohammad Chaar, une des plus jeunes victimes de l'attentat de Starco. Mohammad avait ému presque tout le Liban, non seulement à cause de son âge, 16 ans, mais aussi à cause de ses photos qui ont fait le tour des réseaux sociaux, et dont l'une d'elles avait été prise par un ami quelques secondes avant que la voiture de la mort garée derrière eux ne lui ôte la vie.


Dans l'une d'elles, on voit un adolescent respirant la joie de vivre, entouré de ses trois amis qui ont pu s'en sortir avec des blessures plus ou moins légères. Dans la deuxième, Mohammad est étendu au sol, inanimé, la tête noyée dans une mare de sang. C'est ce contraste dans les deux photos et l'injustice de cette mort qui a révolté les Libanais et les a émus au plus profond d'eux-mêmes : au-delà du cas de Mohammad, ces photos symbolisaient surtout toutes les victimes innocentes des attentats meurtriers depuis 2005. Parmi elles, un chauffeur de taxi, Anouar Badaoui, qui a succombé hier à ses blessures, portant ainsi à 8 le nombre des victimes de l'odieux attentat. Marié et père de trois enfants, Anouar sera inhumé aujourd'hui à Hadeth.


Une foule nombreuse d'amis, de parents et de proches, mais aussi d'inconnus qui ont voulu rendre hommage au jeune Mohammad Chaar, a afflué dimanche en début d'après-midi à la mosquée Khachokji, pour les obsèques qui ont été célébrées en présence de M. Nader Hariri, conseiller du chef du courant du Futur, Saad Hariri, et des fils de Mohammad Chatah, Omar et Rani. Les prières ont été récitées par cheikh Ahmad Omari, qui, dans son oraison funèbre, a affirmé que « les leaders, les symboles et les responsables sécuritaires de la communauté sunnite sont pris pour cibles par le régime baassiste (de Bachar el-Assad) et le Hezbollah ».


Chauffée à blanc par la mort de l'adolescent, puis par l'oraison du cheikh, la foule a laissé éclater sa colère à l'arrivée du mufti de la République, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, désavoué comme on le sait par les sunnites du 14 Mars. Conspué et pratiquement humilié par la foule, en dépit des appels au calme lancés, cheikh Kabbani est resté des heures dans la mosquée avant de pouvoir en sortir grâce à une intervention musclée des agents de l'ordre, notamment des services de renseignements de l'armée, qui l'ont escorté jusqu'au VTT qui l'attendait à l'extérieur, sous une pluie d'insultes, de slogans haineux et de divers objets lancés à son passage. Cheikh Kabbani s'est engouffré dans le VTT en compagnie de M. Imad el-Hout, député de la Jamaa islamiya.

 

(Analyse : Le Liban, microcosme des tensions régionales)

 

Des campagnes de provocation
Dar el-Fatwa n'a pas tardé à faire paraître un communiqué stigmatisant l'incident de la mosquée, et faisant assumer au Premier ministre démissionnaire, Nagib Mikati, ainsi qu'à son prédécesseur, Fouad Siniora, la responsabilité de « ces tentatives de nuire à l'image et au poste de mufti, à travers des campagnes de provocation, dont le seul but est de leur permettre de mettre la main sur Dar el-Fatwa ».
« Le mufti, poursuit le texte, avait chargé cheikh Anis Arwadi de le représenter aux obsèques, mais il a fini par décider de s'y rendre lui-même, surtout que Mohammad Chaar était trop jeune et n'appartenait à aucune partie politique ». Le communiqué accuse des « fauteurs de troubles appartenant à une partie connue d'avoir essayé de diviser les rangs musulmans et de semer la discorde au sein de la mosquée, pour des raisons connues de tous également ».
Et si le mufti ne s'est pas rendu aux obsèques de Mohammad Chatah, c'est « parce qu'il avait bien compris le message que M. Nader Hariri lui avait fait parvenir lorsqu'il l'avait appelé au lendemain de l'assassinat du général Wissam el-Hassan, pour l'informer que ce sera le mufti de Tripoli, Malek Chaar, qui célébrera les obsèques, du moment que le général Hassan était (comme l'ancien ministre assassiné) de Tripoli ». « Les origines tripolitaines étaient un prétexte insignifiant. Ils ne voulaient pas du mufti qui a très bien compris le message », précise le texte.


Quoi qu'il en soit, l'incident de la mosquée a suscité des réactions mitigées. Il a été dénoncé par Nagib Mikati, ainsi que par l'ancien chef de gouvernement, Sélim Hoss, et l'ancien député Oussama Saad. M. Mikati a jugé nécessaire de respecter les lieux saints, quelles que soient les circonstances, mais non sans rappeler le contentieux avec le mufti « que nous avons régulièrement invité à éviter les divisions et les conflits au sein de la communauté » sunnite. « Nous espérons que cet incident lui permettra de prendre une décision sage pour préserver Dar el-Fatwa et la communauté sunnite », a-t-il dit, alors que M. Hoss réclamait des sanctions à l'encontre des détracteurs de cheikh Kabbani, en estimant que l'incident de la mosquée Khachokji est dû « au discours irresponsable de certains hommes politiques ».


Ce n'est pas cependant le point de vue du courant du Futur, dont deux députés, Ammar Houri et Jamal Jarrah, ont attribué la colère de la foule aux positions récentes du mufti. « Les gens n'ont pas oublié que le jour où l'acte d'accusation dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri avait été publié, il avait reçu une délégation du Hezbollah à Dar el-Fatwa », a rappelé M. Jarrah, en relevant que « la majorité des sunnites considèrent que le mufti ne les représente pas ». « Par sa présence, il les a défiés à un moment de grande tristesse », a-t-il ajouté, pendant que son collègue Ammar Houri considérait que la rue sunnite est « chauffée à blanc » et qu'il « n'est plus possible de la retenir ». « Cela fait des années que ses leaders politiques et de sécurité sont pris pour cibles et le camp opposé n'aide pas à étouffer la discorde ou à réduire la tension », a-t-il déploré.

 

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