Une fois de plus, le Liban est plongé dans le climat des temps maudits, ramené aux heures les plus sombres de son histoire, celle qui a été écrite en lettres de sang, façonnée à coups d'attentats, d'assassinats et d'atteintes délibérées à l'État de droit. Une histoire qui se perpétue et qui met en danger les derniers espoirs d'un retour à la raison.
En assassinant Mohammad Chatah, les meurtriers adressent un message clair à l'ensemble des parties politiques au Liban : tant que la guerre se poursuivra en Syrie, le Liban ne connaîtra pas la paix. On se souvient que Bachar el-Assad, au début de la rébellion, avait menacé d'étendre le chaos et l'instabilité à tous les pays environnants. C'est chose faite aujourd'hui et les sbires et autres acolytes du régime syrien sont sur place pour exécuter la sale besogne.
L'implication des miliciens du Hezbollah dans les atrocités en cours en Syrie aux côtés des forces du régime ne pouvait, dans ce contexte, qu'envenimer la situation et fournir des raisons supplémentaires à l'extension des désordres au Liban, les jihadistes y trouvant là un terrain fertile à l'accomplissement de leurs sinistres objectifs. Sans oublier, bien sûr, que de nombreux « fous de Dieu » ont été retournés par les services de renseignements syriens et émargent à leur budget...
Qui a tué Mohammad Chatah ? À qui profite le crime ? Une double interrogation qui nous ramène à l'implacable réalité des faits : tous les assassinats et tentatives d'assassinats politiques depuis 2004 ont ciblé des personnalités du 14 Mars connus pour leur hostilité au régime syrien. Ignorer cette évidence, accuser les « Américains et les sionistes » de ces crimes, comme ne cesse de le faire le Hezbollah, c'est faire preuve d'une rare hypocrisie, c'est insulter l'intelligence.
L'assassinat de Mohammad Chatah, qui est le conseiller personnel de Saad Hariri, intervient à la veille de l'ouverture à La Haye du procès international sur l'assassinat de Rafic Hariri. Les cinq accusés dans cette affaire, ne l'oublions pas, sont membres du Hezbollah et Hassan Nasrallah refuse obstinément de les livrer à la justice, arguant tout simplement de leur innocence...
Obstruction à la justice, implication dans la guerre civile en Syrie : accepter, aujourd'hui, d'inclure le Hezbollah dans le gouvernement Salam en gestation (alors que l'urgence frappe aux portes), c'est quasiment donner une caution légale aux agissements du parti de Nasrallah, c'est lui fournir une couverture officielle et accorder crédit à des allégations défiant tout bon sens.
Face aux dangers de l'impasse actuelle, toute soumission à l'intimidation et aux menaces directes ou voilées signerait l'arrêt de mort de ce qui reste de la légalité. À cinq mois de l'échéance présidentielle, un gouvernement neutre, non partisan, doit impérativement voir le jour. C'est à cette seule condition que l'unité nationale sera préservée.
En s'y opposant, le Hezbollah démontrera, une fois de plus, qu'il veut garder la légalité en otage. Ce qui accréditera alors la thèse de ses pourfendeurs sur sa complicité dans le crime...
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P.-S. : l'annonce par le président Michel Sleiman de l'octroi par Riyad d'une aide de trois milliards de dollars pour financer l'achat d'armes françaises destinées à la troupe a été précédée, le jour même, de tirs de missiles en direction d'Israël. Une manière de signifier à l'État que les armes illégitimes sont celles qui déterminent le cours des choses dans le pays. Il n'en reste pas moins qu'en rendant un hommage appuyé au souverain wahhabite, le chef de l'État a indirectement répondu à Hassan Nasrallah, qui s'était déchaîné contre le royaume saoudien dans son dernier discours, lui faisant ainsi comprendre que l'État est seul maître de ses décisions. Qu'attendent donc le président Sleiman et M. Tammam Salam pour former le gouvernement non partisan que commande l'intérêt national ?
En assassinant...
commentaires (6)
le fait est que les calculs et contre-calculs,les imbrications et les compromissions ,ont atteint un tel degré de complexité et de cynisme qu'on en arrive à se dire,mais formez le ce gouvernement,et advienne que pourra!Parce qu'il arrive un moment où il faut essayer de trancher le noeud gordien,en finir avec ces palabres et menaces orientales.De toute façon,la machine à assassiner s'est remise en route. Et il semble que rien ne puisse l'arrêter,rien sauf un sursaut national,et une prise de risque courageuse et sensée...en espérant que les affidés des uns et des autres puissent être contrés,et mis hors d'état de nuire...Il n'est point besoin d’espérer pour entreprendre,ni de réussir pour persévérer.Mais il faut quand même que les libanais(sic!) de l'intérieur qui s'ingénient à détruire le pays sachent que comme les israéliens,comme les palestiniens,comme les syriens,ils paieront un jour le prix de leur forfaiture...parce que telle est la Gloire du Liban!
GEDEON Christian
11 h 51, le 30 décembre 2013