Assassinat de Chatah : Une campagne de désinformation, confirmée par l’armée

Le commandement de l'armée a publié hier un communiqué visant à préciser que l'institution militaire « n'a fourni aucune information jusque-là relative à l'enquête en cours sur l'assassinat du ministre Mohammad Chatah ». Le communiqué a souhaité que « les médias soient précis dans le traitement de toute information liée à l'enquête, qui reste en tout cas secrète ».
De même, le ministre sortant de l'Intérieur Marwan Charbel, qui s'abstient de fournir toute information relative à l'enquête, a souligné au quotidien al-Charq al-Awsat dans son édition d'hier « l'enjeu de préserver le secret autour des investigations et de ne rien laisser filtrer aux médias ».
Ces précisions ne sont pas anodines dans un pays où le jeu médiatique va souvent de pair avec les objectifs politiques.
En ce qui concerne précisément le cas de l'assassinat de Mohammad Chatah, les médias du 8 Mars auraient tenté de fabriquer un nouveau modèle d'Abou Adass, pour noyer le poisson et brouiller les pistes, au profit du 8 Mars. C'est ce que relèvent des observateurs avisés, qui reviennent sur les premières informations diffusées après l'attentat à la voiture piégée à Starco.
« D'abord, cinq minutes à peine après l'explosion, un reporter de la MTV connu pour ses liens avec le Hezbollah a déclaré en direct sur la chaîne que l'explosion a été précédée de peu d'un survol d'avions israéliens au-dessus de la capitale. En même temps, des agences de presse étrangères ont reçu des appels depuis la banlieue sud les informant du même survol d'avions israéliens. Les agences ne feront pas passer l'information », précisent les observateurs.
Et de poursuivre : « Un peu moins d'une heure après l'explosion, la New TV et l'OTV ont affirmé en citant des sources sécuritaires présumées que l'attentat a été perpétré par un kamikaze. »
Mais voyant que « ni l'une ni l'autre des versions n'ont été suffisamment convaincantes, un nouveau récit a vu le jour sur le site du quotidien as-Safir, celui de la voiture chargée d'explosifs dans le camp de Aïn el-Heloué, d'où elle aurait été sortie pour servir d'outil à l'attentat. Le récit cite des sources militaires présumées ». Si le communiqué de l'armée a veillé à démentir l'existence de pareilles sources, le récit impliquant Aïn el-Heloué a été repris par de nombreux médias et a failli passer pour la version véridique des faits. D'ailleurs, ce récit a amené le camp de Aïn el-Heloué à multiplier les déclarations et les initiatives visant à l'éloigner du dossier. Le mouvement Fateh a en tout cas remis hier le commandant de la Brigade des martyrs de Chatila, le colonel Talal Ordoni, aux services de renseignements de l'armée, dans la suite de l'enquête sur la voiture piégée. En outre, le chef de la Sécurité nationale palestinienne au Liban, le général Sobhi Abou Arab, a affirmé à l'agence d'informations al-Markaziya que Mohammad Sarih, l'adolescent âgé de quinze ans dont le nom a été associé par les médias à la voiture piégée « a été remis aux autorités sécuritaires compétentes, qui l'ont remis en liberté après avoir établi le caractère erroné des informations, de pure fabrication médiatique ».
Enfin, les observateurs s'étonnent du fait que des membres de la Sûreté générale ont été dépêchés sur le lieu de l'attentat, « alors que cette affaire ne relève aucunement de ses prérogatives, et que la SG n'avait jamais été vue jusque-là sur le site d'un attentat ». L'armée a dû intervenir pour éloigner la SG du site et mener l'enquête de pair avec les services de renseignements des FSI.