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Liban - Justice

Ziad Itani s’engage dans la « désobéissance civile »

Le dramaturge s’en prend à un procureur « partial » et dénonce un procès « convenu et planifié d’avance ».

Photo Marwan Assaf

Ziad Itani ne lâchera pas prise. Victime de fabrication de fausses preuves contre lui, torturé et emprisonné sur fond d’un scénario ubuesque d’espionnage pour le compte d’Israël, le comédien ne retient plus sa colère depuis le jugement « extrêmement clément » – une suspension des poursuites – émis le 30 mai dernier par le tribunal militaire à l’encontre de la colonelle Suzanne el-Hajj, l’instigatrice présumée de l’intrigue.

Lors d’une conférence de presse intitulée « Comment mettre fin aux clowneries dans l’affaire abusive de Ziad Itani », un événement organisé hier par l’Agenda Legal et Amnesty International, l’acteur a annoncé que sa protestation contre l’injustice dont il a été victime se manifestera désormais sous la forme d’une « désobéissance civile individuelle contre cet État ». « Je ne me considère plus lié ni par ses impôts, ni par toute demande de comparution devant la police, ni devant la justice, jusqu’à ce qu’on commence à me restituer mes droits », a-t-il lancé. Ziad Itani, qui a appelé les Libanais et les organisations internationales à soutenir sa cause, a dénoncé ce qu’il considère être « l’un des plus grands scandales jamais vus », et « un système dysfonctionnel dans son ensemble qui brime les droits les plus élémentaires des citoyens ».

« Je vais recourir à tous les moyens et mécanismes locaux et internationaux pour récupérer mes droits », a-t-il dit, réitérant une fois de plus son souhait de voir son action servir de « précédent » afin qu’il n’y ait plus d’autres victimes du même genre. « Nous nous exprimons aujourd’hui dans un pays fondé sur d’innombrables injustices et sur la corruption, un pays qui sent la pourriture », a lancé le dramaturge dans un cri de révolte.

Suzanne el-Hajj, qui n’a finalement écopé que de deux mois de prison et d’une amende de 200 000LL, était notamment poursuivie pour fabrication de fausses preuves contre Ziad Itani. Après avoir perdu son poste à la direction du bureau de lutte contre la cybercriminalité à la suite d’un message ironique sur les femmes en Arabie saoudite qui a été retweeté par le comédien, la colonelle aurait monté cette affaire pour se venger, à l’aide du pirate informatique Élie Ghabache. Ce dernier aurait concocté un dossier dans lequel M. Itani est accusé d’intelligence avec Israël. L’acteur sera emprisonné pendant quatre mois puis libéré le 13 mars 2018, après la découverte de la supercherie.


(Pour mémoire : Acquittement de Suzanne el-Hajj : le parquet de cassation militaire présente un recours contre le jugement)



Un procureur « partial »

Sur un ton amer et reprenant le fil de cette histoire rocambolesque, l’acteur est revenu sur la décision de justice considérée trop favorable à l’accusée et à ses acolytes, en critiquant dans les termes les plus virulents le procureur près le tribunal militaire en charge du dossier, Peter Germanos, « qui a été partial » selon lui. Il a dénoncé également un processus judiciaire « convenu et planifié d’avance pour servir un jeu de clivage politique qui opposait une partie à une autre ».

Selon plusieurs observateurs, la décision du tribunal aurait été influencée par le ministre de la Défense, Élias Bou Saab, issu du bloc aouniste, alors que le camp du Premier ministre Saad Hariri avait pris la défense du comédien et dénoncé l’arrêt des poursuites contre Mme Hajj. « Ce verdict est un jugement politisé pris par une justice malveillante », avait alors commenté le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri.

M. Itani est revenu sur les détails de la violence psychologique, la torture et l’humiliation physique et morale qu’il avait subies dans le sillage de son arrestation ainsi que les injures et menaces adressées à son épouse et sa fille de onze ans, autant de moyens ayant servi à lui extorquer de faux aveux, comme il dit.

« Un an et sept mois sont passés et l’État ne m’a accordé aucune compensation morale ou matérielle à ce jour. » « Quant à la justice, elle s’est avérée être un instrument politique aux mains des responsables influents, donnant lieu à une procédure burlesque qu’on appelle tribunal », a martelé le dramaturge. Selon lui, « celui ou celle qui fabrique des accusations d’intelligence avec Israël doit être jugé pour avoir rendu un service gratuit à l’ennemi », a-t-il ajouté. Considérée dans certains milieux politiques comme un « règlement de comptes personnels à travers la justice » ou une « lutte d’influence », la décision de suspendre les poursuites contre Suzanne el-Hajj a fait l’objet d’un pourvoi en cassation présenté par le commissaire du gouvernement près la Cour de cassation militaire, Ghassan Khoury, il y a une semaine. Toutefois, plusieurs juristes ont estimé cette action irrecevable au nom du « principe de l’unicité des parquets », faisant valoir « qu’un parquet ne peut se pourvoir en cassation contre un jugement rendu en adéquation avec son propre réquisitoire », soulignait il y a une semaine dans nos colonnes Akram Azouri, pénaliste.

M. Ghabache a, pour sa part, été condamné à trois ans de travaux forcés, commués en une peine d’un an de prison.



(Lire aussi : L’acquittement de Suzanne el-Hajj dégénère en empoignade politique)


Un cas d’école

Pour le fondateur de l’Agenda Legal, Nizar Saghiyeh, le cas Itani est « un véritable cas d’école ». Le juriste, dont la fondation lutte depuis plusieurs années pour rectifier les dysfonctionnements au sein du système judiciaire, a établi une liste d’enseignements à tirer de cette affaire « criblée d’erreurs tellement grossières qu’elles frisent la caricature ». Parmi les enseignements qui sont à retenir, « le principe sacro-saint de la présomption d’innocence », « la prolifération de la culture d’ingérence dans le fonctionnement de la justice », « l’absence de reddition de comptes due à l’absence de l’indépendance de la justice » et enfin « l’occultation totale de la victime ».

Lors de sa détention, le dramaturge n’a eu droit ni à un médecin légiste ni même à un avocat. Au cours du procès intenté contre Suzanne el-Hajj, Ziad Itani a été interdit de participer à la procédure et de s’exprimer lors des audiences.

« Ceux qui se faisaient une illusion sur la capacité du tribunal militaire à faire preuve de procès équitables ont découvert de manière patente (grâce à cette affaire) que cela est impossible », a conclu M. Saghiyeh.

La représentante d’Amnesty International Sahar Mandour a rappelé de son côté que la commission pour la prévention de la torture relevant de l’Institut pour les droits de l’homme au Liban « est toujours en suspens », soulignant qu’aucun budget n’a été alloué à cette commission, dont la création est restée lettre morte. « Le système (libanais) se protège par le biais d’un mécanisme de violations et de pratiques de torture pour garantir sa pérennité », note la chercheuse.

L’Institut pour les droits de l’homme est né dans le sillage de la conférence de Paris dite CEDRE. La mise en place du mécanisme de prévention de la torture était en effet une des conditions requises par les pays donateurs pour que le Liban puisse bénéficier des aides internationales. Cette requête avait également été placée en tête de l’ordre du jour de la première réunion de travail tenue par l’ambassadrice de l’Union européenne, Christina Lassen, avec le Premier ministre Saad Hariri et des ambassadeurs européens, après la formation du cabinet en janvier dernier.



Pour mémoire

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Ziad Itani ne lâchera pas prise. Victime de fabrication de fausses preuves contre lui, torturé et emprisonné sur fond d’un scénario ubuesque d’espionnage pour le compte d’Israël, le comédien ne retient plus sa colère depuis le jugement « extrêmement clément » – une suspension des poursuites – émis le 30 mai dernier par le tribunal militaire à l’encontre de la...

commentaires (4)

C’est vrai que même au niveau du peuple, nous avons occulté un peu vite la présomption d’innocence. Certains faisait l’apologie d’israel et d’autres, comme moi, criait à la haute trahison. Il s’agit effectivement d’un précédent dont on doit se rappeler, et le monsieur en question mérite compensation puisqu’il a été innocenté et que la culpabilité de ses accusateurs a été prouvé. Ceci se sont eux mêmes rendus coupable de diffamation, fabrication de preuves, abus de pouvoir et haute trahison

Chady

18 h 28, le 14 juin 2019

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Commentaires (4)

  • C’est vrai que même au niveau du peuple, nous avons occulté un peu vite la présomption d’innocence. Certains faisait l’apologie d’israel et d’autres, comme moi, criait à la haute trahison. Il s’agit effectivement d’un précédent dont on doit se rappeler, et le monsieur en question mérite compensation puisqu’il a été innocenté et que la culpabilité de ses accusateurs a été prouvé. Ceci se sont eux mêmes rendus coupable de diffamation, fabrication de preuves, abus de pouvoir et haute trahison

    Chady

    18 h 28, le 14 juin 2019

  • Depuis le temps de Jesus, des complots dans cette régions existent.

    Eddy

    15 h 13, le 14 juin 2019

  • SI ON AVAIT ACHRAF RIFI À LA PLACE DU FAIBLE HARIRI, LES CHOSES CHANGERONT VITE.

    Gebran Eid

    14 h 06, le 14 juin 2019

  • QUESTION A L'INTENTION DES JURISTES BIEN INTENTIONNES : PETER GERMANOS est il passible de poursuites quelconques par une quelconque institution judiciaire AU CAS OU IL AURAIT ENFREINT LA LOI, & SURTOUT AU CAS OU ON VOUDRAIT LE POURSUIVRE ?

    Gaby SIOUFI

    13 h 02, le 14 juin 2019

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