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Liban - Affaire Ziad Itani

HRW révèle les détails des allégations de tortures subies par Ziad Itani

L’ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, dénonce « un climat d’impunité », de « déni » et d’« oubli sélectif ».

Ziad Itani à son arrivée à Tarik Jdidé, peu après sa libération en mars dernier. Photo Marwan Assaf

L’organisation pour la défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) a appelé hier les autorités libanaises à « enquêter sur la torture » subie par le dramaturge Ziad Itani lors de sa détention qui a duré quatre mois. Il a été faussement accusé d’intelligence avec Israël, sur la base de fausses preuves fabriquées par un pirate informatique. L’ancienne directrice au sein des Forces de sécurité intérieure, Suzanne el-Hajj, principale accusée dans l’affaire, aurait « utilisé les services du pirate informatique Élie Ghabach pour fabriquer des conversations afin de faire accuser Ziad Itani d’avoir pris contact avec une jeune Israélienne ». Elle avait perdu son poste aux FSI à la suite du retweet d’un message ironique sur les femmes en Arabie saoudite. Un certain Ziad Itani avait diffusé la capture d’écran de son retweet et la fonctionnaire aurait monté l’affaire pour se venger, mais se serait trompée de victime en raison de l’homonymie.

Ziad Itani, libéré le 13 mars, a été torturé dans un centre de détention informel pour le forcer à signer des aveux, selon HRW, qui explique avoir rencontré l’acteur après sa libération. Dans un communiqué, l’organisation souligne qu’il lui a raconté par le menu son épreuve, mais qu’il lui avait demandé de surseoir à la publication de ces détails jusqu’à présent.
Ainsi, l’acteur a révélé avoir été emmené, après son arrestation en novembre 2017, dans ce qui semblait être un centre de détention informel, et conduit dans « une salle préparée pour la torture » peinte entièrement en noir, avec des crochets au mur. S’y trouvaient six hommes en civil, dont l’un l’a accusé de « parler aux Israéliens ». Ziad Itani a noté ne pas avoir vu d’hommes en uniforme, de drapeau ou d’emblèmes officiels, ni d’autres détenus.

Pendant six jours, des hommes en civil l’ont battu de façon répétée, l’ont pendu par les poignets, lui ont lancé des coups de pied à la figure, marché sur le visage, menacé de viol et menacé sa famille de violences physiques et de poursuites judiciaires, souligne HRW. Selon l’acteur, il a été soumis à ces tortures par des hommes qui relèveraient de la Sécurité de l’État, jusqu’à ce qu’il signe des aveux et soit traduit devant le tribunal militaire. Le 28 novembre, les hommes l’ont remis à la police militaire, qui l’a placé à l’isolement pendant cinquante-quatre jours. « Aucun médecin ne m’a examiné, j’avais le corps couvert de bleus et je crachais du sang, je n’arrivais plus à parler », a-t-il confié à HRW.

Le dramaturge a souligné en outre avoir averti le premier juge d’instruction militaire, Riad Abou Ghaida, quand il l’a rencontré le 18 décembre, qu’il avait été torturé. Il lui a également montré des traces de violence, notamment aux poignets. Le juge a ordonné un examen médical par un médecin militaire, qui n’a cependant pas enquêté sur l’accusation de torture. HRW précise avoir écrit à la Sûreté de l’État et au bureau du procureur général, mais ne pas avoir reçu de réponse claire.

« Nous réclamons qu’une enquête sérieuse et transparente soit menée par les autorités libanaises pour que Ziad Itani soit dédommagé », déclare à L’Orient-Le Jour Lama Fakih, responsable du bureau de HRW à Beyrouth. « En novembre dernier, nous nous sommes félicités que le Liban ait adopté une loi qui pénalise la torture, ajoute-t-elle. Malheureusement, elle n’est pas appliquée. »


(Pour mémoire : Affaire Suzanne el-Hajj : Itani affirme avoir été battu lors de son interrogatoire)


Oubli sélectif
C’est ce que déplore l’ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, qui constate que « le Liban a beaucoup tardé à faire entrer ces dispositions de la loi dans le système juridique libanais ». Il précise qu’« il ne suffit pas que le Liban adhère à une convention internationale pour que les dispositions de cette convention soient applicables ». « Le Liban vote souvent des lois qu’il n’applique jamais, poursuit-il, interrogé par L’OLJ. Soit il adopte des dispositions législatives incomplètes, soit il fait prévaloir une culture qui n’est pas celle d’un État de droit, ni du respect des droits fondamentaux. On dirait que ce pays a cultivé l’art de l’oubli sélectif. Nous vivons dans un climat d’impunité et de déni. »

M. Najjar note que « le Liban était censé donner des informations à des commissions internationales chargées d’établir un état des lieux sur la torture », mais « il ne l’a jamais fait ». « Pire encore, les personnes déléguées par les organisations internationales, alors même qu’elles savent que la torture est pratiquée à divers échelons au Liban, n’ont jamais publié leur rapport », observe l’ancien ministre. Il est donc difficile au citoyen lambda de « démontrer l’existence de la torture dans toute sa diversité et toute son intensité ».

L’ancien ministre rappelle que, lors de son mandat, il a initié « la création d’une commission nationale des Droits de l’homme ». Une commission indépendante, chargée, entre autres, de « dénoncer les violations des droits de l’homme ». « À ce jour, elle n’a même pas été mise en place », dénonce-t-il. « Dans ce pays des grands hommes, comme Charles Malek, et des grands politiciens qui ont créé la formule libanaise, il n’y a pas de place pour une culture des droits de l’homme, déplore-t-il. Or, le Liban ne peut se distinguer que par la culture des libertés. » Et d’ajouter : « Je suis enclin de croire les rapports des associations respectables, bien que je n’aie pas les moyens de les vérifier. »

Quid de l’enquête qui n’a jamais eu lieu pour vérifier les allégations de Ziad Itani ? « S’il y a eu réellement un risque de déni de justice, il existe diverses voies de recours, même auprès d’instances supérieures », répond M. Najjar, soulignant que « des juges des référés se sont déclarés compétents dans plusieurs cas de violation des droits de l’homme ». Il explique en outre que la loi adoptée en novembre dernier prévoit une indemnisation financière des personnes victimes de torture dont la valeur doit être fixée par l’État. En ce qui concerne la réhabilitation, M. Najjar explique que « la loi libanaise ne sanctionne pas la détention provisoire ». Par contre, « les libertés individuelles sont protégées par la loi, encore faut-il qu’un juge soit courageux pour prononcer des sanctions et que l’État s’exécute », insiste-t-il. « Comme par hasard, l’État s’exécute rarement », dit-il, avant de conclure : « Nous sommes à la limite d’un État qui veut vivre sans règles de droit. »



Pour mémoire
Affaire Ziad Itani : Suzanne el-Hajj remise en liberté conditionnelle et déférée devant le Tribunal militaire

Ziad Itani libéré : "J'ai été torturé après mes soi-disant aveux"

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commentaires (4)

République banannière.

info Avantis

09 h 12, le 27 février 2019

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • République banannière.

    info Avantis

    09 h 12, le 27 février 2019

  • La torture est strictement interdite dans les pays qui respectent les droits de l'homme, de la femme et de l'enfant. Le Professeur Najjar a toujours été contre la torture. Pendant son mandat il a oeuvré pour l'abolition de la Peine de Mort!!! Un homme qui se distingue, un homme d'État...

    Zaarour Beatriz

    15 h 55, le 17 juillet 2018

  • LES TORTURES... UNE HONTE ET UNE OFFENSE A L,HUMANITÉ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 06, le 17 juillet 2018

  • pauvre type

    George Khoury

    07 h 56, le 17 juillet 2018

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