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Liban - Affaire Ziad Itani

L’entourage de Hariri fustige la décision de blanchir Suzanne el-Hajj

Suivant l’avis du commissaire du gouvernement Peter Germanos, le tribunal militaire a ordonné l’arrêt des poursuites contre l’ancienne responsable sécuritaire.


La façade du tribunal militaire. Photo ANI

Le tribunal militaire a ordonné hier d’arrêter les poursuites contre l’ancienne directrice du bureau de lutte contre la cybercriminalité au sein des Forces de sécurité intérieure, Suzanne el-Hajj, dans le cadre de l’affaire de fabrication de fausses preuves contre le dramaturge Ziad Itani. Ce jugement a suscité une vive indignation dans les milieux du Premier ministre Saad Hariri.

« Il aurait mieux valu que les juges du tribunal militaire poursuivent leur grève plutôt que d’émettre ce jugement », affirmait-on hier dans les milieux du président du Conseil, selon un communiqué du bureau de presse de Saad Hariri.Rebondissant sur ces propos avec virulence, le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri, a stigmatisé un jugement « politisé, répondant à une volonté judiciaire vindicative et revancharde, et portant la signature d’un juge qui règle des comptes personnels au prix de la justice ».

Suzanne el-Hajj avait été arrêtée le 2 mars 2018, suivie par un pirate informatique, Élie Ghabach, pour « fabrication de fausses preuves » contre Ziad Itani ainsi qu’en raison de « piratages et cyberattaques visant des sites de ministères, de services de sécurité et de banques libanaises, et d’autres sites au Liban et à l’étranger ». Ils étaient tous deux accusés d’avoir dénoncé M. Itani auprès de la direction générale de la Sécurité de l’État au moyen de documents falsifiés selon lesquels le dramaturge aurait commis des actes criminels, alors qu’ils le savaient innocent. Le comédien avait été arrêté le 23 novembre 2017 pour collaboration avec Israël et avoué les faits avant de se rétracter, soutenant que ses aveux avaient été extorqués par la force. Il a été relâché quatre mois plus tard, le 13 mars 2018.

Dans son jugement, le tribunal militaire n’a pas retenu contre Mme Hajj l’accusation de participation au crime, arguant de l’absence des éléments du crime. Il a requis toutefois une peine de deux mois de prison et une amende de 200 000 livres à son encontre pour recel d’informations. Le tribunal a dans le même temps condamné M. Ghabach à trois ans de travaux forcés, commués en une peine d’un an de prison, pour le crime de falsification d’un dossier criminel contre Ziad Itani.

Le verdict contre le pirate informatique a été prononcé à l’unanimité, selon l’Agence nationale d’information. Rien n’est dit sur le jugement concernant Mme Hajj. Il aurait été pris avec deux dissidences sur cinq, qui seraient celles des deux officiers des Forces de sécurité intérieure, membres du tribunal.

Lors de sa comparution en janvier dernier devant le tribunal militaire, M. Ghabach avait dit avoir « compris de Mme Hajj qu’il fallait incriminer Ziad Itani coûte que coûte ».

Il avait éludé à plusieurs reprises la question du président du tribunal qui consistait à savoir si Mme Hajj lui avait clairement demandé de créer de fausses informations au sujet de Ziad Itani ou si elle l’avait tout simplement chargé de savoir si ce dernier avait quelque chose à se reprocher.


(Lire aussi : Ziad Itani : Une décision « pour le moins surréaliste »)

« Personnalité sécuritaire »

Le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Peter Germanos, présent à la séance d’hier pour donner sa lecture de l’affaire, a pris l’initiative – qui a fait l’effet d’une bombe, selon l’ANI – de demander l’arrêt des poursuites contre Mme Hajj.

Avant cela, il est revenu sur « le parcours d’Élias Ghabach, ancien soldat de l’armée, précisément la marine, qui a travaillé pour plusieurs organes de sécurité. Il a donc le profil d’une personnalité sécuritaire par excellence, qui a pu investir son expertise dans le domaine de la technologie ».

C’est ainsi que ce pirate informatique « a mis au point toute l’idée du crime avant de la proposer à la Sécurité de l’État, puis à Suzanne el-Hajj », a poursuivi le juge Germanos. « Cela ne signifie pas que les éléments d’une ingérence de Mme Hajj sont réunis, puisqu’elle n’a pas remis de somme d’argent à Élie Ghabach ni n’a pris connaissance de la préparation du dossier sur l’acteur Itani et son intelligence avec l’ennemi (…). Il n’y a pas de preuve sur un rôle qu’elle aurait joué dans ce crime », a poursuivi le commissaire du gouvernement. « Au pire, on peut dire que Mme Hajj était spectatrice », a-t-il conclu.

Dans sa plaidoirie, l’avocat de la colonelle des FSI, l’ancien ministre Rachid Derbas, a commencé par préciser ne « pas être en conflit avec les services sécuritaires mais avec le parquet. Mais il s’est avéré, en écoutant le commissaire du gouvernement, que l’action publique nous soutient ». Cela ne l’a pas empêché d’avancer des arguments en faveur de sa cliente : « La simple connaissance d’un crime n’est pas un crime », a-t-il indiqué, en notant qu’elle n’a eu connaissance de la falsification du dossier qu’a posteriori.

L’avocat d’Élie Ghabach a, quant à lui, fait valoir que le crime imputé à son client est « hypothétique ».



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Le tribunal militaire a ordonné hier d’arrêter les poursuites contre l’ancienne directrice du bureau de lutte contre la cybercriminalité au sein des Forces de sécurité intérieure, Suzanne el-Hajj, dans le cadre de l’affaire de fabrication de fausses preuves contre le dramaturge Ziad Itani. Ce jugement a suscité une vive indignation dans les milieux du Premier ministre Saad Hariri....

commentaires (4)

Sans être un connaisseur dans la matière, je classifie la décision d'arrêter les poursuites comme "très mauvaise". On est pas en sécurité dans ce pays.

Zovighian Michel

11 h 06, le 31 mai 2019

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Commentaires (4)

  • Sans être un connaisseur dans la matière, je classifie la décision d'arrêter les poursuites comme "très mauvaise". On est pas en sécurité dans ce pays.

    Zovighian Michel

    11 h 06, le 31 mai 2019

  • Dans un autre pays on aurait crié au scandale et demandé des comptes au ministre de l’intérieur de l’époque M. Nouhad Machnouk. Qui que lui sentait l’humeur populaire aux portes des élections législatives où son parti vacillait. De là à dire qu’il a monté de toutes pièces cette affaire est un pas que je ne franchirait pas, quoique les cris d'orfraies de M. Ahmad Hariri, secrétaire général du parti du Futur, m’y incitent. Bref comme d’habitude Il y en a qui ont pris les Libanais pour des idiots, qui avalent tout ce qu’on leur raconte. Georges Tyan

    Lecteurs OLJ 3 / BLF

    09 h 10, le 31 mai 2019

  • QUELQUE CHOSE CLOCHE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 10, le 31 mai 2019

  • Nous ne connaissons pas les détails cachés de cette affaire, mais elle est, comme on nous la présente officiellement, pour le moins, scandaleuse, de son début à son issue. Il y a quand même deux personnes qui ont quand même permis d'accabler et d'emprisonner un innocent et de lui faire subir le pire... Rien que ce point devrait être lourdement puni...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 13, le 31 mai 2019

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