Des centaines de manifestants ont investi hier le site du château de Beaufort. Photo Mohammad Yassine
Des centaines de Libanais et de Palestiniens venus des quatre coins du pays se sont rassemblés hier au château de Beaufort, à Arnoun, pour commémorer les 70 ans de la Nakba de 1948, sur invitation du Hezbollah et des factions palestiniennes présentes au Liban, notamment le Hamas. L’événement a rassemblé plusieurs figures politiques de la région dont Mohammad Raad, député de Nabatiyé et chef du bloc parlementaire du Hezbollah, et Oussama Saad, député de Saïda et secrétaire général de l’Organisation populaire nassérienne.
Une cinquantaine de bus étaient alignés le long du chemin qui mène vers la forteresse. Partout, des drapeaux palestiniens, libanais et du Hezbollah, des keffiehs traditionnels et des familles entières ayant effectué le déplacement à partir des principaux camps de réfugiés palestiniens du Liban, à Baalbeck, Aïn el-Héloué, Miyé-Miyé, Bourj Chémali ou Rachidiyé. Les enfants, eux, ont séché les cours pour être présents.
« Vous n’êtes pas seuls », a déclaré M. Raad aux Palestiniens regroupés à Beaufort. « Nous vaincrons et mourrons ensemble en martyrs, nous vous le promettons », a-t-il lancé à la foule, tout en appelant « toutes les factions de la “résistance” à s’unir afin de faire face à l’ennemi » israélien. « Jérusalem restera arabe et musulmane », a de son côté déclaré le leader du mouvement palestinien Hamas, Ismaïl Haniyé, dans un discours retransmis par téléphone. « Nous n’abandonnerons pas le droit des Palestiniens au retour, et n’accepterons pas une nation de substitution », a-t-il ajouté. M. Haniyé a dénoncé par ailleurs la « dispersion » de la scène palestinienne interne et appelé à la tenue prochaine d’un conseil national qui devrait regrouper le Hamas, le Fateh et les autres factions palestiniennes.
(Lire aussi : I – Les archives orales, pour raconter la Nakba)
« Despotisme, barbarie et viol »
Occupée durant la guerre civile au Liban par l’OLP, puis par les Israéliens jusqu’en 2000 en raison de sa position stratégique, la forteresse de Beaufort a accueilli hier hommes, femmes et enfants de tous les âges, sous l’œil vigilant de membres du Hamas et du Hezbollah en treillis militaire.
Dima, Ahmad et leur fils âgé d’un an ont quitté le camp palestinien de Sabra tôt dans la journée afin d’être sûrs d’arriver à temps à Arnoun. « La Palestine est une terre sainte, pour les musulmans comme pour les chrétiens. Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza, c’est du despotisme et de la barbarie, c’est du viol, c’est inhumain », a déclaré Ahmad à L’Orient-Le Jour, condamnant les violences meurtrières survenues lundi à la frontière de la bande de Gaza où les soldats israéliens ont tué près de 60 Palestiniens. Ces incidents avaient eu lieu lors de manifestations palestiniennes contre l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem, faisant de la journée de lundi la plus sanglante à Gaza depuis 2014.
(Lire aussi : II – De Abdallah Ier à David Ben Gourion, les principaux acteurs de la Nakba)
« Tout le monde nous a laissés tomber, y compris les Arabes. Seule la Turquie continue un peu de nous soutenir. Les Arabes n’en ont que faire de notre cause alors qu’ils devraient nous soutenir, sinon ce sera bientôt à leur tour de subir un sort similaire au nôtre », a mis en garde Dima. « Nous aurions aimé être à côté de ces jeunes qui manifestent dans la bande de Gaza », a lancé pour sa part Nohad, mère au foyer de 42 ans vivant à Aïn el-Héloué. « Alors, la moindre des choses que nous pouvions faire, c’était de venir manifester notre soutien ici aujourd’hui (hier) », a-t-elle poursuivi.
Ali, la soixantaine, drapeau palestinien à la main et keffieh traditionnel autour du cou, s’est dit ému par le rassemblement. « C’est un mélange de joie et de peine que je ressens aujourd’hui. Je suis heureux quand je vois que les Libanais et les personnes libres de ce monde nous soutiennent face aux décisions américaines et israéliennes. Mais, malheureusement, il y a des martyrs qui sont tombés à Gaza et personne ne parle d’eux », a-t-il souligné.
Isra’, 22 ans, est venue du camp de Bourj Chémali en compagnie de sa mère et de ses sœurs. « Nous aurions dû manifester quelque part de plus proche de la frontière pour que les Israéliens nous voient », a-t-elle regretté. Au cours de précédentes commémorations de la Nakba, il est arrivé que des rassemblements soient organisés à portée de vue du territoire israélien. « Nous rentrerons en Palestine bientôt, si Dieu le veut », a-t-elle ajouté.
Saleh, la cinquantaine, n’hésiterait pas un instant s’il pouvait rejoindre les manifestants de la bande de Gaza. « La commémoration de la Nakba a ravivé mes émotions. Si je le pouvais, je rejoindrais les jeunes à Gaza. Ce qui se passe est inacceptable, il n’y a aucun respect des droits de l’homme. Par contre, si c’était des Israéliens dans la même situation, tout le monde se serait indigné », a-t-il estimé.
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YIA 3ARAB... YIA... (?)
LA LIBRE EXPRESSION
18 h 04, le 16 mai 2018