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Moyen Orient et Monde - Reportage

À Jérusalem-Est, « demain sera pire qu’aujourd’hui »

Alors que l’État hébreu célébrait hier une « journée historique », dans les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est l’inauguration de la nouvelle ambassade américaine est perçue comme un nouvel échec qui vient s’ajouter à une liste déjà longue de défaites pour la cause palestinienne.

Des touristes prenant en photo les drapeaux israéliens et américains placés côte à-côte à Jérusalem. Ammar Awad/Reuters

« Envoyés par Dieu » ou simples curieux, juifs et touristes, Israéliens émus et Américains extatiques, ils s’étaient tous donné rendez-vous dans la périphérie de l’ambassade des États-Unis fraîchement inaugurée. Ils n’étaient pas venus seuls : un millier de policiers israéliens, selon les chiffres officiels, étaient déployés pour assurer la sécurité du quartier. Mais le bourdonnement incessant des hélicoptères n’est pas parvenu pas à couvrir les tambours. « Je suis tellement excitée. C’est une journée historique. C’est beau. Les États-Unis, le plus grand empire au monde, qui choisit de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël, c’est... c’est immense. Donald Trump et Benjamin Netanyahu, avec l’aide de Dieu, font de nous la lumière du monde », se félicite une Israélienne à bout de souffle, tenant fermement en main son téléphone portable qui diffuse la cérémonie d’inauguration en direct.

Ailleurs dans la foule, petite figure frêle et souriante, une grand-mère allemande s’accroche aux barrières qui coupent l’accès au lieu saint américain. « J’avais 8 ans quand j’ai appris ce qu’était la Shoah. Je n’ai pas tout de suite compris de quoi il s’agissait, puis quand j’ai réalisé ce que nous Allemands avions fait, ça m’a poursuivie toute ma vie, confie Ingrid Prasse, 78 ans. Alors être ici aujourd’hui, c’est très spécial pour moi. »

La veille déjà, les franges les plus religieuses et nationalistes, pour beaucoup des jeunes venus des colonies, s’étaient donné rendez-vous dans la vieille ville à l’occasion de la Journée de Jérusalem, ou Yom Yerushalayim, qui commémore la « réunification » de la Ville sainte, après la guerre des Six-Jours en 1967. Par milliers, ils ont franchi la porte de Damas, armés de drapeaux avant de rejoindre le mur des Lamentations. Une célébration annuelle, mais qui prenait cette fois-ci une signification toute particulière. Et tous n’avait qu’un mot à la bouche : Trump. « Tellement de présidents américains ont fait des promesses, mais lui a tenu la sienne », souligne l’un d’eux.


(Repère : L'ambassade américaine à Jérusalem, ni la première ni la dernière)


« Tout empire, rien ne s’améliore »
De la musique euphorique côté israélien, des chants de protestation côté palestinien, des scènes de liesse et de guerre, des robes de cocktail et des cocktails Molotov, et, partout, une ambiance électrique. Mais, dans les zones palestiniennes de Jérusalem-Est, une étrange torpeur. Dans le quartier de Silwan, aucune manifestation de grande ampleur – impossible, dit-on, à cause de l’occupation armée israélienne. Et puis, de l’aveu des habitants, le dépit a pris le pas sur la colère. « Un grand nombre de Palestiniens perdent espoir parce que la situation va de mal en pis. Tout est pire, des check-points aux arrestations, en passant par les démolitions de maisons », estime Tala Serhan, 28 ans, bibliothécaire et assistante dans un centre culturel. Et la jeune femme d’exposer son traité élémentaire de la crise au Proche-Orient : « Que ce soit à Jérusalem ou en Palestine en général, tout empire, rien ne s’améliore. »

Même constat pour Ismaël Kanan, guide touristique depuis trente ans dans les territoires occupés. Ce quinquagénaire craint que la décision américaine ne fasse effet boule de neige et pousse d’autres pays à reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, enterrant pour de bon un processus de paix qui semble avoir rarement été aussi fragile. « Demain sera pire qu’aujourd’hui. Ça va être plus insensé encore en Israël dans le futur. Je me souviens de mon père qui me disait, il y a une quarantaine d’années – j’avais quinze ou seize ans –, que notre époque serait meilleure que la sienne, mais c’est faux. Je crois que sa vie a été meilleure que la mienne. »



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