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Moyen Orient et Monde - Éclairage

L’euphorie israélienne entraîne un bain de sang palestinien

Le contraste était saisissant entre les célébrations de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem et le carnage subi par les habitants de Gaza qui couraient vers la mort.

Des Palestiniens fuyant hier les tirs israéliens à la bordure de Gaza. Mahmud Hams/AFP

Une hécatombe et une nouvelle humiliation. C’est la double peine qui a été infligée hier aux Palestiniens à la veille de la commémoration du plus grand traumatisme de leur histoire : la Nakba. La journée s’annonçait à hauts risques compte tenu de la concomitance de plusieurs événements : la marche du retour depuis Gaza et surtout l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem qui fait suite à la décision du président américain Donald Trump en décembre dernier de reconnaître la ville trois fois sainte comme la capitale de l’État hébreu.

La fête israélienne s’est terminée dans un bain de sang palestinien. Au moins 55 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens, qui ont causé dans le même temps des centaines de blessés, ce qui en fait la journée la plus meurtrière du conflit depuis la guerre de l’été 2014 dans la bande de Gaza.

Tandis qu’officiels américains et israéliens endimanchés célébraient en grande pompe un moment « historique » et la force de leur alliance sous une vaste tente blanche plantée dans l’enceinte de la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, des dizaines de milliers de Palestiniens protestaient toute la journée, à quelques dizaines de kilomètres de là, dans la bande de Gaza sous blocus. Ils avaient prévenu qu’ils n’avaient rien à perdre et qu’ils iraient jusqu’au bout pour fuir l’enfer de Gaza.

Les plus résolus ont affronté, au péril de leur vie, les tirs des soldats israéliens en allant lancer des pierres et en tentant de forcer la barrière de sécurité lourdement gardée séparant l’enclave du territoire israélien. De désespoir, les Gazaouis ont couru vers la mort. Suivant les instructions du gouvernement, les soldats israéliens ont employé « tous les moyens » pour les en dissuader. Quitte à tirer, une nouvelle fois, à balles réelles sur les « marcheurs », parmi lesquels figuraient des mineurs.


(Lire aussi : À Jérusalem-Est, « demain sera pire qu’aujourd’hui »)


« Un grand jour pour Israël »
Le contraste était saisissant avec les images de Jérusalem. La ferveur, voire l’euphorie israélienne, contre la tragédie palestinienne. Dans l’enceinte de l’ambassade américaine, dont les alentours avaient été bouclés par des centaines de policiers, rien n’aurait en effet permis de discerner ce qui se passait au même moment à Gaza. Seul le conseiller et gendre de M. Trump, Jared Kushner, présent avec son épouse Ivanka – la fille du président américain – parmi des centaines d’invités triés sur le volet, a paru faire une référence oblique aux événements. « Ceux qui provoquent les violences font partie du problème, pas de la solution », a-t-il dit. Au moment où le bilan s’alourdissait d’heure en heure, M. Trump a de son côté salué le transfert à Jérusalem de l’ambassade des États-Unis comme « un grand jour pour Israël ». « Félicitations, cela faisait longtemps qu’on attendait », a ensuite déclaré M. Trump dans un message vidéo aux participants. M. Trump a justifié sa décision comme la reconnaissance d’une réalité historique, comme M. Netanyahu après lui. Ce dernier avait de quoi jubiler hier. Avec le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, la destruction des infrastructures iraniennes en Syrie et, enfin, cerise sur le gâteau, cette inauguration de l’ambassade, le Premier ministre israélien a vu tous ses rêves politiques se réaliser en quelques jours grâce à l’ami américain, qui apparaît plus aligné que jamais.

Pendant que « Bibi » jubilait, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas criait sa colère, à défaut de pouvoir changer quoi que ce soit au cours des événements. Il a dénoncé hier un « massacre » israélien et martelé le fait que « les États-Unis ne sont plus un médiateur au Moyen-Orient », qualifiant l’ambassade américaine de « nouveau poste avancé de la colonisation ». Il a annoncé trois jours de deuil dans les territoires palestiniens et une grève générale aujourd’hui, jour où les Palestiniens marquent la Nakba, la catastrophe que représente pour eux la création en 1948 de l’État d’Israël. Dans la bande de Gaza, l’un des responsables du Hamas, Khalil al-Hayya, a prévenu que « les factions de la résistance, au premier rang desquelles le Hamas et les brigades Ezzedine al-Qassam (le bras armé du Hamas), ne resteront pas silencieuses devant les crimes » israéliens. Il a indiqué que les manifestations allaient se poursuivre et a appelé les Gazaouis à revenir aujourd’hui près de la barrière qui sépare l’enclave d’Israël. S’il n’était pas à l’origine des mouvements de manifestation, le Hamas a vite encouragé les Gazaouis à marcher en direction de la frontière, conscient que la réaction israélienne ferait son intérêt.


(Repère : L'ambassade américaine à Jérusalem, ni la première ni la dernière)


« Ce n’est pas fini »
Israël réfute pour sa part le caractère proclamé pacifiste de la mobilisation. Celle-ci sert de couverture aux tentatives du Hamas de s’infiltrer en Israël, dit-il. Au moins trois équipes d’hommes en armes ont essayé de disposer des explosifs le long de la barrière de sécurité et plusieurs membres du Hamas se sont déguisés en civils pour se fondre parmi les manifestants, a dit l’armée israélienne. L’aviation et les tanks israéliens ont par ailleurs bombardé hier plusieurs positions du Hamas. Benjamin Netanyahu a justifié l’usage de la force par le droit de son pays à défendre ses frontières contre les agissements « terroristes » du mouvement islamiste Hamas, qui gouverne la bande de Gaza et auquel Israël a livré trois guerres depuis 2008.

Le cadeau de Donald Trump aux Israéliens a mis le feu aux poudres. En rompant avec des décennies de diplomatie américaine, le président américain a voulu satisfaire la droite évangélique américaine. Mais la joie de ce petit électorat américain, largement partagée par les Israéliens, en particulier les ultra-orthodoxes, a ravivé un conflit qui avait été un peu marginalisé au cours de ces dernières années. En bafouant le droit international, les États-Unis se retrouvent ainsi plus isolés que jamais dans leur politique à l’égard de ce conflit. Les grandes puissances ont en effet rappelé leur attachement à la solution à deux États et au statu quo concernant le statut de Jérusalem. Les condamnations des crimes israéliens ont été unanimes hier. Paris, qui distingue d’habitude assez nettement (en raison de la présence du Hamas) la situation de Gaza et celle qui prévaut dans le reste des territoires palestiniens, a condamné fermement les violences des forces armées israéliennes.

Celles-ci devraient se poursuivre aujourd’hui. « Ce n’est pas fini, a dit hier un porte-parole de l’armée israélienne, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, aux journalistes. D’après nos évaluations, ces événements vont se poursuivre. L’armée israélienne reste prête à défendre nos maisons. » Les Palestiniens ont perçu comme une « provocation » la date choisie pour l’inauguration américaine, précédant de 24 heures les commémorations de la Nakba. Si la résignation l’emporte sur la colère à Ramallah ou à Jérusalem-Est, le feu ne devrait pas s’éteindre rapidement à Gaza. Bilal Fasayfes, 31 ans, a pris avec son épouse et ses deux enfants un des bus affrétés à Khan Younès pour transporter les manifestants à la frontière. « On se fiche que la moitié des gens se fassent tuer, on continuera à y aller pour que l’autre moitié vive dignement », a-t-il dit hier à l’AFP. On ne peut être plus clair.



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commentaires (3)

N,EST-CE PAS DU GENOCIDE CE QUI SE PASSE CONTRE LES PALESTINIENS QUI MANIFESTENT ET A RAISON CES DERNIERS JOURS ?

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 41, le 15 mai 2018

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Commentaires (3)

  • N,EST-CE PAS DU GENOCIDE CE QUI SE PASSE CONTRE LES PALESTINIENS QUI MANIFESTENT ET A RAISON CES DERNIERS JOURS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 41, le 15 mai 2018

  • Bravo pour cet article qui souligne le parallèle choquant entre les festivités à Jérusalem et les tirs à balles réelles contre les manifestants de Gaza.

    Marionet

    09 h 01, le 15 mai 2018

  • Est ce une compétition entre l'assad et le net-a-yahoo? Qui tué le plus en une journée? L'un massacre ses citoyens et l'autre les palestiniens!! Non pas retour à l'âge de pierre mais plutôt l'âge des reptiles. Allah yisseiidna

    Wlek Sanferlou

    02 h 36, le 15 mai 2018

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