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Moyen Orient et Monde - Les 70 ans de la Nakba

III – Entre Palestiniens et Arabes, une histoire d’instrumentalisation et d’abandon

La Nakba. Certains associent cette date à la genèse du malheur arabe. D’autres considèrent qu’elle n’est qu’un événement parmi d’autres dans une histoire contemporaine essentiellement façonnée par les conflits au Proche et au Moyen-Orient. L’histoire de la région aurait-elle été marquée par la paix et la stabilité si la Nakba n’avait pas eu lieu ? Probablement pas. Mais il est peu dire que l’événement, qui fait référence à la création d’Israël le 15 mai 1948, a bouleversé toute une région, a traumatisé plusieurs générations et a fait germer une multitude de conflits au cours de ces sept dernières décennies. Il y a 70 ans, la création d’Israël devenait le symbole de l’humiliation arabe. C’est cette histoire, ce qu’il en reste mais aussi son évolution côté palestinien comme côté israélien que « L’Orient-Le Jour » a voulu faire revivre à l’occasion de cet anniversaire malheureux qui va être commémoré dans un contexte explosif. Le troisième épisode aujourd’hui...

De gauche à droite : le raïs égyptien Hosni Moubarak, le président irakien Saddam Hussein et le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat, lors d’un minisommet arabe à Bagdad, le 23 octobre 1988.

Alors que les Palestiniens subissent une nouvelle humiliation, avec l’inauguration lundi de l’ambassade américaine à Jérusalem, le monde arabe détourne le regard, laissant les Palestiniens avec le sentiment de lutter seuls contre l’occupant. La Jordanie et l’Égypte, autrefois acteurs de poids sur la scène palestinienne, ne veulent pas se fâcher avec l’allié américain et sont soucieux de préserver leur paix avec l’État hébreu. Les pétromonarchies du Golfe voient en l’Iran la principale menace à leur sécurité et ont déjà entamé un rapprochement en coulisses avec Israël. Ils ne sont pas loin de penser, à l’instar du prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane, que les Palestiniens devraient faire davantage de concessions. La Syrie, qui respecte depuis bien longtemps le statu quo avec l’État hébreu malgré ses provocations verbales, est bien trop occupée par sa propre guerre pour pouvoir faire quoi que ce soit, à supposer qu’elle le veuille. Les Palestiniens se retrouvent ainsi abandonnés par le reste du monde arabe : il s’agit là du fruit d’un long processus qui aura vu les Arabes se disputer la cause palestinienne pour leur propre profit avant que les Palestiniens de l’intérieur ne prennent leur cause en main.


Dès la Nakba, en 1948, les Palestiniens avaient déjà eu le sentiment d’avoir été trahis par leurs frères : les armées arabes accourues en Palestine le 15 mai 1948 ont été rapidement défaites par les forces juives, et les parties de la Palestine historique qui n’ont pas été conquises par le nouvel État d’Israël sont aussitôt passées sous le contrôle de l’Égypte pour la bande de Gaza, et de la Jordanie pour la Cisjordanie.
 « Après la guerre de 1948, les Palestiniens ont quasiment disparu de la carte géopolitique de la région, à tel point que le mot “palestinien” n’était même plus employé. Même dans les années 1960, quand on parlait des “Palestiniens”, on ne savait pas de qui on parlait », dit à L’Orient-Le Jour Xavier Baron, auteur du livre de référence Les Palestiniens : un peuple. C’est comme si, en quelque sorte, la prise de contrôle par des États arabes des territoires palestiniens non conquis par Israël avait au final profité à la propagande israélienne, et notamment à son argument selon lequel il n’y avait pas de « peuple palestinien ».


(Lire ici le deuxième épisode : II - De Abdallah Ier à David Ben Gourion, les principaux acteurs de la Nakba)


L’OLP comme unique représentant
Devenus essentiellement un peuple de réfugiés, sans leaders politiques, les Palestiniens peinent à se libérer de l’emprise des régimes arabes qui jouent un rôle de premier plan dans la création de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) en 1964, pour « canaliser les revendications palestiniennes et les intégrer dans le système interétatique arabe », explique à L’OLJ Henry Laurens, historien spécialiste du monde arabe et professeur au Collège de France. Elle est d’abord présidée par le diplomate Ahmad Choukeiry, représentant de la Palestine à la Ligue arabe. Mais ce n’est que lorsque Yasser Arafat, fondateur du Fateh en 1959, accède à la tête de l’organisation que celle-ci pourra revendiquer la représentativité du peuple palestinien. 

Mais alors que les diverses factions et organisations palestiniennes commencent à se développer et à opérer depuis plusieurs pays de la région, on assiste à leur instrumentalisation par plusieurs pays arabes. Après la guerre de 1967, à l’issue de laquelle les territoires palestiniens sont totalement occupés par Israël, une partie des Palestiniens décide de ne plus compter sur les régimes arabes, mais dans la réalité, il leur sera difficile de s’en émanciper.

C’est le temps des fedayin : les commandos palestiniens commencent alors à créer des bases en Jordanie pour mener la lutte armée contre Israël. Mais ne pouvant tolérer que son royaume se transforme en véritable base arrière palestinienne, et après avoir échappé à un attentat visant à le renverser, le roi Hussein de Jordanie décide d’intervenir. En septembre 1970, il mène une série de mesures musclées pour repousser la résistance palestinienne hors de Jordanie. Elles entraînent la mort de milliers de Palestiniens, lors des événements de « Septembre noir ». 

Une fois les fedayin boutés hors de Jordanie, c’est au tour du Liban de devenir la nouvelle base arrière de la résistance palestinienne, où elle crée un véritable « État dans l’État ». « La résistance palestinienne se trouve toujours à l’extérieur, d’où la nécessité de disposer de territoires pour se battre contre Israël, c’est-à-dire la Jordanie et le Liban », indique Henry Laurens. Jusqu’en 1982, date de l’invasion du pays du Cèdre par Israël, au terme de laquelle Yasser Arafat sera contraint de quitter le pays par bateau, à la tête de ses combattants. À partir de là, « l’ambition maximale de la résistance palestinienne est d’entretenir et de renforcer la conscience nationale palestinienne », ajoute l’historien. 

Les efforts menés par Yasser Arafat sont par ailleurs récompensés partiellement dès 1974. L’OLP obtient, cette année-là, le statut d’État observateur à l’Assemblée générale des Nations unies. La même année, « au sommet de Rabat, les pays arabes reconnaissent l’OLP comme seul et unique représentant du peuple palestinien. C’est donc à l’OLP de gérer les relations et les discussions avec Israël », poursuit M. Laurens. Mais si une reconnaissance internationale commence à naître, ce sont les années 1980-1990 qui sont les véritables témoins de la transformation de la politique palestinienne. D’autant plus que l’Égypte, principal artisan des guerres israélo-arabes, signe en 1979 une paix séparée avec l’État hébreu. Cela accélère fortement le processus de « désarabisation » du conflit. 


(Lire ici le premier épisode : I – Les archives orales, pour raconter la Nakba)


De l’ascension à la régression
Après l’invasion israélienne du Liban en 1982 qui aboutit au démantèlement de l’OLP et qui supprime la dernière possibilité de base arrière pour des actions contre Israël, la résistance palestinienne décide de se tourner vers les « territoires occupés » par Israël.

En 1987, deux événements attestent d’un changement au niveau de la conscience nationale palestinienne : la naissance du Hamas, mouvement de résistance armée proche des Frères musulmans égyptiens, et la première intifada en décembre 1987. Cette révolte installe le conflit directement sur les territoires occupés, une première depuis 1948. « Les manifestations de l’identité palestinienne se faisaient dans les camps, que ce soit en Jordanie, au Liban ou en Syrie essentiellement. Mais elles se produisent ensuite dans les territoires palestiniens eux-mêmes », indique Xavier Baron. « La première intifada marque le retour de la résistance palestinienne de façon effective en Palestine historique et la fin de la diaspora comme moyen de résistance », ajoute Henry Laurens. De son côté, Yasser Arafat va même jusqu’à aller proclamer la création d’un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza avec Jérusalem-Est pour capitale, le 15 novembre 1988, dans un discours prononcé à Alger. Mais si les années 80 apportent une nouveauté dans le combat palestinien, c’est dans les années 1990 que l’espoir d’une paix semble plus près que jamais de se concrétiser, avec ce que l’on a appelé le processus d’Oslo. C’est l’aboutissement de la reconnaissance d’un peuple, d’un chef et d’un projet palestinien par le reste du monde. Yasser Arafat, qui était précédemment qualifié de terroriste, se retrouve à serrer la main du Premier ministre israélien de l’époque Yitzhak Rabin, sous la supervision du président américain Bill Clinton. L’entité politique palestinienne prend le nom d’Autorité nationale palestinienne et exerce son administration dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Mais l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un extrémiste israélien en 1995 fait dérailler tout le processus. « Il y a eu une sorte d’ascension politique palestinienne et un espoir encore entretenu jusqu’à la mort d’Yitzhak Rabin en 1995. Il y a eu un coup d’arrêt à partir de là. Et avec l’arrivée du Likoud, c’est le début de la régression », décrypte Xavier Baron.

Les tensions ont regagné depuis du terrain. Une seconde intifada éclate en 2000, avec un lourd coût humain du côté palestinien – plus de trois mille morts. En 2006, la victoire du Hamas aux élections législatives provoque des échauffourées qui tournent rapidement à l’affrontement avec l’Autorité palestinienne. Les deux mouvements veulent incarner une représentation politique palestinienne différente l’une de l’autre. L’affrontement aboutit, en juin 2007, à la prise de pouvoir violente du Hamas dans la bande de Gaza, qui consacre la division intérieure. La cause palestinienne jadis instrumentalisée par les Arabes devient l’otage de la propagande islamiste, en particulier celle de la République islamique d’Iran.


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Alors que les Palestiniens subissent une nouvelle humiliation, avec l’inauguration lundi de l’ambassade américaine à Jérusalem, le monde arabe détourne le regard, laissant les Palestiniens avec le sentiment de lutter seuls contre l’occupant. La Jordanie et l’Égypte, autrefois acteurs de poids sur la scène palestinienne, ne veulent pas se fâcher avec l’allié américain et sont...

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PAUVRES PALESTINIENS DIRIGES PAR DES VENDUS POUR LE COMPTE D,AUTRES VENDUS !

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 28, le 16 mai 2018

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Commentaires (3)

  • PAUVRES PALESTINIENS DIRIGES PAR DES VENDUS POUR LE COMPTE D,AUTRES VENDUS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 28, le 16 mai 2018

  • Les Palestiniens ont commit l'erreur de ne pas avoir résister a l’intérieur d’Israël des le début soir depuis 1948. Au contraire, ils ont pris la fuite abandonnant leur pays aux premières batailles. Depuis ils ont essayé de renverser le roi de Jordanie, par après essayé de remplacer leur pays par le Liban. Ne parlons pas des Koweïtiens qui, eux aussi, les ont accueillit et ces derniers ce sont ligués avec Saddam Hussein contre leur hôtes... Franchement pourquoi les Arabes devront ils les soutenir et en particulier les Libanais, les Koweïtiens et les Jordaniens? Un peuple ingrat, haineux et envieux qui au lieu de travailler pour aller vers l'avant, préfère tirer les autres vers les enfers. Désolés pour eux mais ils ont fait tous les mauvais choix et ont perdu leur droit a la sympathie et le soutient du monde. Le soutien restera en belle parole, exactement comme celle de Raad & Co. Je les prie de mourir avec eux, et au plus vite, pour éviter au restant des Libanais plus de malheur. Le pays a besoin d'un peu de bonheur.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 32, le 16 mai 2018

  • TOUS LES TYRANS ONT GOUVERNE EN UTILISANT LE SLOGAN DE LA RECUPERATION DE LA PALESTINE POUR SE MAINTENIR EN POSTE ! TOUS DES TRAITRES A LA CAUSE PALESTINIENNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 47, le 16 mai 2018

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