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Environnement - Géologie

Le sous-sol libanais se serait stabilisé depuis le séisme du 6 février 2023 en Turquie

Une conférence sur les « géorisques » s’est tenue à la Faculté des sciences de l’USJ, au cours de laquelle la directrice du Centre de géophysique du CNRS a fait le point sur la situation.

Le sous-sol libanais se serait stabilisé depuis le séisme du 6 février 2023 en Turquie

Vue de l'immeuble résidentiel qui s'est écroulé le 11 février 2024 à Choueifate. Photo Mohammad Yassine

Parler de « géorisques » plutôt que de « catastrophes naturelles », cela fait toute la différence. L’idée a été avancée par Soumaya Ayadi, géologue, professeure à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) et présidente de l’Association pour la communauté et l’environnement (ACE), lors d'une table ronde sur les « géorisques » le 17 avril à la faculté des sciences de l’USJ. « Les catastrophes sont causées par notre utilisation des terrains et nos constructions, non par les séismes eux-mêmes », a-t-elle affirmé. Ce qui signifie que l'estimation des risques géologiques nous permet d’ajuster nos constructions. C’est donc à nous de nous y adapter et non pas le contraire.

Une idée approfondie par Marlène Brax, directrice du Centre de géophysique de Bhannès du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), qui a montré des photos de nature au Liban. « Si nous avons une nature aussi belle, avec ses paysages escarpés et uniques, c’est grâce aux failles qui traversent le pays », a-t-elle dit.

Pour mémoire

« Le séisme est un détecteur infaillible de la faiblesse d’un bâtiment »

Les séismes restent cependant une source d’inquiétude majeure, et les Libanais l’ont expérimenté il y a un peu plus d’un an, quand un tremblement de terre a secoué le sud de la Turquie, en février 2022, sur la grande faille du Levant qui traverse le Proche-Orient jusqu’en mer Rouge, et dont un segment appelé Yammouné passe sous le Liban sur 200 kilomètres de long. Marlène Brax confirme que le puissant séisme de Turquie et ses répliques ont causé une pression sur les failles libanaises, soulignant cependant que l’activité est revenue à la normale depuis. « Ce qui ne signifie pas que le Liban n’est pas un pays sismique, loin de là », a ajouté l’experte, soulignant que la prévision précise des séismes n’est pas encore possible. Elle a rappelé que la faille de Yammouné, mais aussi les autres grandes failles qui en dérivent – celles de Serghaya et Rachaya à l’est, de Roum à l’ouest et celle du Mont-Liban qui traverse la côte – ont causé des séismes violents dans le passé.

Marlène Brax a également été interrogée sur le danger de tsunami au Liban. Elle a expliqué qu’un éventuel tsunami en Méditerranée pourrait survenir dans deux cas : s’il y a un séisme au large de la Grèce et que les vagues atteignent la côte libanaise, auquel cas il y aurait du temps pour évacuer la côte, ou alors s’il y a une secousse au large du Liban, ce qui laisserait moins de temps pour une évacuation. « Mais dans ce dernier cas, contrairement au premier, la secousse aura été ressentie par les Libanais, et il pourrait y avoir des signes avant-coureurs, comme un retrait de la mer, qui nous alerteraient », a-t-elle ajouté.

Le panel de la conférence sur les géorisques dans l’amphithéâtre de la faculté des sciences de l’USJ. Photo DR

Des terrains à vulnérabilité variable

En cas de séisme, les terrains à Beyrouth et dans le reste du pays sont-ils égaux en termes de vulnérabilité ? C’est pour répondre à cette question difficile qu’a été menée une étude, de 2010 à 2015 – restée orpheline depuis – par le centre CREEMO (Centre de recherche en environnement - Espace Méditerranée orientale) de l’USJ, sur plusieurs quartiers de Beyrouth. Rita Zaarour, coordinatrice du département de géographie à l’USJ, a rappelé les conclusions de ce « projet Libris » : en gros, sur une échelle de 0 à 5, le score de vulnérabilité général de Beyrouth est de 3,38. Mais une grande partie des zones bâties de la capitale auraient un score supérieur à la moyenne générale, selon elle.

Ce projet était chargé d’étudier la vulnérabilité des terrains et celui du bâti. L'une de ses conclusions, pas franchement rassurantes, souligne que, vu la densité des bâtiments dans la capitale, un accès rapide à un terrain ouvert, en cas de séisme, n’est possible que dans 5 % des lieux.

Craindre la fragilité des bâtiments et les pertes humaines et matérielles en cas de séisme est naturel. Mais, au Liban, les effondrements d’immeubles n’attendent pas les secousses, comme l’ont prouvé récemment les incidents meurtriers à Mansourié et Choueifate. Pour une raison simple, explique Mohsen Elie Rahal, chef du département de génie et d’environnement à l’ESIB, USJ (Ecole supérieure d'ingénieurs de Beyrouth). Se basant sur des exemples bien précis, l’expert indique que le facteur de la géologie de la zone dans laquelle tombent les terrains est souvent ignoré par les constructeurs, qui se limitent à une étude du sol à l’emplacement des excavations. D’où les risques d’affaissement, notamment dans les sols où il y a de l’eau. Pour éviter cela, il faudrait avoir recours à un géologue dans les projets de construction, qu’il s’agisse de bâtiments ou de routes. Une solution qui n'est que peu adoptée au Liban, selon Mohsen Rahal.

Chadi Abdallah, directeur du Système national d’alerte précoce au CNRS, est d’accord avec ce diagnostic, car seul un géologue peut éviter les mauvaises décisions selon lui. Il s’est attardé sur les différents risques en territoire libanais, comme les glissements de terrain ou les inondations. Son département prépare régulièrement des cartes montrant les différentes vulnérabilités des terrains aux grands événements naturels.

Le point commun entre toutes les interventions était la nécessité de faire avancer les sciences dans ces domaines au Liban. Mais à quoi cela sert-il si les décideurs ne les incluent pas dans leurs politiques ? La présence de Kassem Rahal, conseiller du ministre sortant des Travaux publics et des Transports, a confirmé que cela n’était pas gagné d’avance… puisqu'il s’est plaint du manque de coordination et de communication qui garde tous ces efforts de recherche loin des bureaux administratifs. 

Parler de « géorisques » plutôt que de « catastrophes naturelles », cela fait toute la différence. L’idée a été avancée par Soumaya Ayadi, géologue, professeure à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) et présidente de l’Association pour la communauté et l’environnement (ACE), lors d'une table ronde sur les « géorisques » le 17 avril à la faculté des...

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