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Leurres et malheurs

Sur ce point précis, Benjamin Netanyahu a raison : en transférant son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, consacrée capitale éternelle et indivisible, Donald Trump est bel et bien entré dans l’histoire. Mais seulement par la petite, très petite porte, et sous les traits d’un incendiaire doublé d’un inconscient propulsé, on ne sait trop comment, aux commandes de la première superpuissance mondiale.


C’est d’un provocant revers de main que le président des États-Unis a balayé toute notion de justice et 70 ans de précautionneuse tradition diplomatique yankee. En en rejetant la responsabilité sur le Hamas, il a cautionné l’odieuse boucherie perpétrée lundi par l’armée israélienne contre les manifestants palestiniens de Gaza, position que son administration défendait, hier encore, devant le Conseil de sécurité de l’ONU réuni d’urgence. Trump ne s’est même pas donné la peine de monnayer à l’avance, en termes de concessions substantielles aux Palestiniens, ses largesses à l’État hébreu. Il aura seulement réussi à souffler sur la braise, comme à faire voler en éclats le mythe de l’honnête courtier américain dont se parait l’Oncle Sam.


Comment en est-on venu, à Washington, à un aussi insolent déni des droits d’un peuple dépossédé de sa terre ? Et dans quels abîmes de déchéance le monde arabe est-il tombé pour que les Palestiniens, abandonnés de tous, n’aient plus d’autre moyen d’exprimer leur frustration et leur désespoir que d’aller braver, en masse, les fusils  assassins de Tsahal, parce que seul le sang peut encore faire la une et remuer la conscience du monde ?
Nombreuses sont les causes d’une aussi atterrante faillite. Les plus communément citées sont, de longue date, la carence des États arabes qui ont longtemps exploité la cause sacrée à leurs propres fins de propagande, et qui n’ont à opposer aux agressions israéliennes qu’un flot intarissable de condamnations; les fausses espérances suscitées par les printemps arabes et la propagation de l’extrémisme ; le discrédit frappant une Autorité palestinienne timorée et suspectée de corruption ; et, bien sûr, l’assistance financière ou alors le parapluie sécuritaire qui font de plusieurs États arabes, et non des moindres, les obligés de l’Amérique.


Relativement récente, mais non moins déterminante, aura été cependant l’irruption sur la scène d’un Iran musulman, mais non arabe, se posant en premier défenseur des Palestiniens et accusant de trahison les anciens détenteurs du titre. Les ambitions nucléaires, dénoncées jusqu’à l’obsession, bien avant Trump, par Netanyahu, ont littéralement affolé les royaumes pétroliers du Golfe ; voilà qui les a amenés à une coopération voilée, hier encore impensable, avec Israël, lui-même doté de l’arme atomique et qui a joué avec un art consommé de ces terreurs existentielles. Mais n’est-ce pas l’Iran lui-même qui a objectivement favorisé ces amitiés singulières en consacrant bien plus d’énergie et de vies humaines à ses desseins d’hégémonie régionale et ses entreprises de déstabilisation qu’à la concrétisation de son ronflant slogan, Mort à Israël ?


Un clou chasse l’autre, voilà bien ce qui s’appelle faire diversion. Consciemment ou non.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Sur ce point précis, Benjamin Netanyahu a raison : en transférant son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, consacrée capitale éternelle et indivisible, Donald Trump est bel et bien entré dans l’histoire. Mais seulement par la petite, très petite porte, et sous les traits d’un incendiaire doublé d’un inconscient propulsé, on ne sait trop comment, aux commandes de la première...