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Lifestyle - Gastronomie

Jad Choucair quitte sa « Mankoushe » australienne pour le Liban

Installé à Melbourne avec son frère aîné Hady depuis 2006, le jeune restaurateur libanais lui laisse le soin de gérer leur restaurant, « Mankoushe », devant et derrière les fourneaux.

Jad Choucair quitte sa « Mankoushe » australienne pour le Liban

Jad et Hady Choucair, un duo parfaitement complémentaire. Photo Élisabeth Choucair

« J’ai acheté mon billet. Je rentre le 18 septembre, sauf si vraiment le ciel nous tombe sur la tête ! » C’est avec un accent bien australien et un grand bonheur dans la voix que Jad Choucair, du haut de ses 36 ans et de son attachement à la famille et au pays, s’exprime. « Ce qui vous irrite en ce moment, et je le comprends, me manque. J’ai aussi besoin de retrouver ma terre, ma famille, voir mes parents vieillir par écrans interposés ne suffit plus. J’ai besoin de voir le sourire de mon père, en vrai… »

Cet enfant d’Achrafieh, élève de l’école Zahret el-Ehsan, ne se contente plus de vacances dans son pays d’origine. Sur le compte Instagram @mankoushebrinswick entre les images de plats, les photos d’ambiance, se glisse quand l’occasion et la situation le permettaient, une annonce de fermeture provisoire avec des photos de notre mer ou nos montagnes. Signe d’une nostalgie jamais dépassée…

« Depuis notre arrivée à Melbourne, nous y retournons tous les ans ou tous les deux ans, en fonction des circonstances. Nos souvenirs du Liban, ce sont nos promenades au Sud, d'où mon père est originaire, la cueillette d’olives, de citrons, de feuilles de laurier, de fleurs pour le thé, le plaisir de croquer des amandes fraîches et les grandes tablées autour de bons plats avec des amis de la famille. C’était aussi monter sur l'âne de notre voisin, chasser les grillons, aller à la plage, pêcher en face de l'AUB, voler des fruits des arbres du voisin.

On comprend aisément Jad lorsqu’il confie ensuite : « J’ai besoin de respirer le pays. De faire connaître à mes enfants notre culture et notre façon de vivre. »

Mankoushe, un peu du Liban à Melbourne. Photo Élisabeth Choucair

Le mal du pays

Ce n’est guère par désespoir de cause que Jad Choucair a pris cette décision étonnante dans un contexte politique et économique si tendu, voire désespérant. Bien au contraire… Il a même des projets pleins la tête et certainement beaucoup d’envies et… d’espoir.

Avec une boulangerie baptisée Mankoushe, ouverte avec son frère Hady en 2007, puis transformée en restaurant, et qui cartonne, il laisse derrière lui un business qui l’a formé, mûri et donné l’expérience nécessaire pour continuer, n’importe où dans le monde.

Après des études en business management et en botanique, Jad et son aîné, qui adore mettre la main à la pâte depuis longtemps, décident de franchir le pas.

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Hady s’est essayé dans des furns locaux, il avait le sien au Liban avant d’émigrer, Jad a travaillé dans le domaine de l’hospitalité, « et plein de petits métiers pour mettre de l’argent de côté ». « Les choses n’ont pas été faciles, confie ce jeune père. Lorsque nous sommes arrivés en Australie, nous n’avions pas d’argent. J’ai fait tous les jobs possibles, beaucoup appris. L’Australie était une destination facile car la famille de notre mère Gisèle y réside depuis 25 ans. »

Les bourses pleines, le duo s’attaque à la Mankoushe, baptisant ainsi leur petite boulangerie qui peu à peu a osé décoiffer les recettes traditionnelles pour séduire une clientèle locale. « Celui qui a envie de manger de la nourriture 100 % libanaise sait où aller, nous avons choisi d’inventer, d’adapter, de surprendre. La clientèle libanaise n’est pas notre principal objectif », précise le chef.

Boulettes de kafta caramélisées avec du tahini tiède et des noisettes grillées. Photo Élisabeth Choucair

À la sauce australienne

Au menu de Mankoushe, les traditionnelles pizzas libanaises cuites au feu de bois mais aussi accompagnées d'ingrédients et de mélanges inattendus. Plus de poulet, plus de viande, les six recettes de départ s'allongent à douze.

Dans ce lieu intime et personnalisé qui peut contenir 15 à 20 personnes, Jad s'occupe de la cuisine et son frère Hady du four à bois. « Nous jouons beaucoup avec les ingrédients, je les développe et ça m’amuse. Hady pétrit le pain et la pâte à Mankoushe et s’occupe de la garniture. Nous utilisons exclusivement des produits saisonniers. » La cuisine de Jad est sophistiquée mais sans fioriture, tirant le meilleur parti des ingrédients locaux et saisonniers. « Nous avons planté un verger biologique de 200 arbres et cultivons de nombreuses variétés de légumes, poursuit-il, tout en élevant plusieurs ruches. Nous essayons de nous rapprocher de chaque produit pour en tirer le meilleur, et d'expérimenter les variétés de bois utilisées pour la cuisson sur le feu. » Leurs best-sellers en ce moment : des boulettes de viande, des falafel wrap, des boulettes de kafta caramélisées, des betteraves et des brocolis grillés, ou encore des crevettes en sauce. « Dans les plats traditionnels du monde arabe, nous essayons d’insuffler de la poésie et de la créativité, en proposant des plats colorés, délicieux, légers, raffinés et harmonieux.

« Notre philosophie, précisent les deux frères en choeur, est de moderniser notre cuisine libanaise avec des ingrédients nouveaux et une présentation plus « moderne », adaptée culturellement au goût australien ». Ainsi, le baba ganoush revisité par le chef est fouetté et transformé en crème, puis servi sur un poisson fumé ou une truite. Le chanklish est servi avec des pêches...

Haloumi maison enveloppé dans des feuilles de vigne, grillé, servi avec de l'écorce d'orange marinée infusée dans de l'origan et de l'huile d'olive. Photo Élisabeth Choucair

Sur son retour imminent, sous réserve d’un ciel qui nous tomberait complètement sur la tête, Jad Choucair confirme : « J’ai pris cette décision et j’en suis convaincu, pour moi et mes enfants. Pour qu’ils comprennent notre culture et tout cet amour qui existe chez nous et nulle part ailleurs. J’ai même acheté avec ma femme Élisabeth un terrain à Ras Baalbeck où nous avons commencé à planter des fruits et des légumes bio. C’est mon pays, je l’ai quitté à 19 ans, mon frère aussi. J’avais dit que je rentrerai dans 10 ou 15 ans, quand le business aura pris. Voilà, on y est… Je ne me sens pas capable de vivre toute ma vie ici. Au fond, nous sommes assez seuls… Je me donne jusqu'au 3 septembre... »

Encore une fois, « si tout va bien », ou plutôt si tout ne va pas complètement mal, le jeune homme a déjà des projets de collaborations ponctuelles avec des amis restaurateurs, « pour voir la réaction des Libanais à ma cuisine et tâter le terrain. » Hady, qui a les mêmes envies que son frère, joue la prudence en restant « là-bas ». Il continue à pétrir ses mankoushé « australian style », à récolter ses produits et attendre, patiemment, un avenir plus favorable.

Mankoushe, 323 Lygon Street, Brunswick East. Melbourne.

Instagram: mankoushebrunswick

                         jad.choucair.food

« J’ai acheté mon billet. Je rentre le 18 septembre, sauf si vraiment le ciel nous tombe sur la tête ! » C’est avec un accent bien australien et un grand bonheur dans la voix que Jad Choucair, du haut de ses 36 ans et de son attachement à la famille et au pays, s’exprime. « Ce qui vous irrite en ce moment, et je le comprends, me manque. J’ai aussi besoin de...
commentaires (3)

Voilà une belle histoire comme on aimerait en lire plus souvent. Que d’autres jeunes en prennent de la graine pour faire repartir le pays.

Marionet

10 h 57, le 01 septembre 2024

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Commentaires (3)

  • Voilà une belle histoire comme on aimerait en lire plus souvent. Que d’autres jeunes en prennent de la graine pour faire repartir le pays.

    Marionet

    10 h 57, le 01 septembre 2024

  • "vraiment le ciel nous tombe sous la tête !" Ouch ! Que le ciel tombe sur la tête, c'est déjà bien pénible... mais sous la tête...ayayayyy

    Wlek Sanferlou

    14 h 34, le 28 août 2024

    • Merci Wlek Sanferlou, nous avons corrigé ! L'Orient-Le Jour

      L'Orient-Le Jour

      14 h 32, le 29 août 2024

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