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Politique - Épidémie

À quoi correspondrait un « état d’urgence sanitaire » ?

Malgré le flou qui entoure toujours les propos du ministre de la Santé à ce sujet, il ne s’agirait pas d’un état d’urgence dans le sens constitutionnel du terme, mais d’un ensemble de mesures encore plus strictes.

Même dans les lieux de culte, les rassemblements se font rares et pourraient bientôt être interdits. Mohammad Azakir/Reuters

Beaucoup d’acteurs de la société civile appellent à ce que soit décrété un état d’urgence au Liban, depuis la propagation du coronavirus. L’expression a été utilisée hier par le ministre de la Santé, Hamad Hassan, à l’issue d’une réunion de la commission parlementaire de la Santé, et en réponse aux questions des journalistes. M. Hassan a ainsi déclaré à la presse qu’« il est possible qu’un état d’urgence civil et sanitaire soit décrété ».

L’expression est-elle employée à bon escient au Liban ? L’Organisation mondiale de la santé classe les « situations d’urgence sanitaire » selon plusieurs catégories, de la plus modérée à la plus grave, suivant les aides que nécessite la situation en question, de la part de l’OMS elle-même ou d’un tiers, peut-on lire sur le site de l’organisation. Pour ce qui est de la crise du coronavirus, prenons le cas de la France où le président Emmanuel Macron a mis jeudi le pays en « état d’urgence sanitaire » : à partir du lundi 16 mars, tous les établissements scolaires seront fermés et les salariés seront invités à avoir recours au maximum au télétravail afin d’endiguer la propagation de l’épidémie de coronavirus Covid-19. Ce qui correspond en gros à ce qui se fait graduellement depuis plusieurs semaines déjà au Liban. Au Canada, selon le Journal de Montréal, l’état d’urgence sanitaire dans le pays signifie aussi que le rôle des forces de l’ordre sera plus grand dans l’application des mesures de protection sanitaire en cas de refus d’y adhérer. Au Liban, les forces de l’ordre font déjà circuler des patrouilles pour s’assurer que les institutions touristiques sont fermées. Dès le début de la crise, la responsabilité du contrôle de la quarantaine à domicile a été confiée à la police et aux municipalités, même si son efficacité est remise en question. Enfin, les États-Unis ont également décrété l’état d’urgence hier.


(Lire aussi : Séquestrés (in)volontaires, l'éditorial de Issa GORAIEB)


Alors à quoi correspond, exactement, l’état d’urgence sanitaire ? Dans une formulation assez vague, M. Hassan a précisé, en sa « qualité de ministre et non pas au nom de la présidence du Conseil des ministres », que « la notion d’état d’urgence obéit à beaucoup de considérations, mais ce qui a été annoncé hier (mercredi) par la commission nationale chargée de combattre l’épidémie s’apparente à un état d’urgence sanitaire et civil ». Il a poursuivi : « Aujourd’hui, dans le cadre de circonstances économiques difficiles, nous ne pouvons paralyser davantage l’activité professionnelle des citoyens. Notre population est consciente des risques. Les chiffres montrent que le respect des normes de la quarantaine à domicile permettent de protéger l’environnement et la famille du malade. »

Une source du ministère de la Santé, qui a requis l’anonymat, fait remarquer que l’état d’urgence dans son acception constitutionnelle « est décrété par le Conseil des ministres et non par un seul ministre ». « Il faut comprendre les propos du ministre Hassan, dans le sens où des mesures plus strictes vont être prises, et que le public sera appelé à les appliquer sur le terrain à travers la sensibilisation », poursuit cette source.

Une différence avec l’état d’urgence constitutionnel

Interrogé par L’OLJ, Ziyad Baroud, ancien ministre de l’Intérieur, rappelle que « l’état d’urgence constitutionnel obéit à des règles bien définies. Il est décrété sur décision du Conseil des ministres et doit être voté aux deux tiers au minimum, conformément à l’article 65 de la Constitution ».

Selon l’avocat, l’expression utilisée par le ministre de la Santé ne revient pas nécessairement à dire qu’il s’agira d’un état d’urgence en bonne et due forme. « Ce que la population demande aujourd’hui, c’est un ensemble de mesures contraignantes qui la rassureront. À mon avis, c’est dans ce sens que le ministre a parlé d’état d’urgence sanitaire et civile. Car décréter un état d’urgence constitutionnel, qui impliquerait une prise en charge de l’armée notamment, imposerait des règles beaucoup trop dures qui ne sont pas nécessaires à ce stade. »


(Lire aussi : L’amour au temps du corona, un peu plus de Médéa AZOURI)

Craintes sur les libertés

La possibilité d’une déclaration d’un état d’urgence, même si elle a fait partie des revendications de certains activistes et médias, n’enchante pas tout le monde. Elle inquiète particulièrement Wadih el-Asmar, activiste des droits de l’homme et président du Centre libanais des droits humains. « L’état d’urgence s’applique à des situations dans lesquelles il faut concentrer toutes les ressources de l’État. Il s’applique en cas d’événement majeur, un problème majeur de sécurité, ou une catastrophe naturelle, dit-il. Il est vrai que le coronavirus est un événement majeur, mais l’état d’urgence est généralement à délai limité et pour une raison précise. Or dans ce cas, il faut se demander si l’état d’urgence est utile pour atteindre l’objectif qui est de limiter la propagation du coronavirus, ce qui nécessite en fait des mesures strictes que l’État peut d’ores et déjà appliquer. Même la fermeture totale du pays peut être appliquée sans état d’urgence. »

L’activiste craint particulièrement les prérogatives élargies que confère l’état d’urgence à l’exécutif et aux forces de l’ordre. « En pareil cas, quelles seraient les conséquences sur les libertés ? se demande-t-il. Est-ce que les autorités en profiteraient pour prolonger le délai des détentions provisoires ? Ou encore pour arrêter des personnes sans mandat ? Et dans ce cas, nous serions légalement démunis pour les défendre. De plus, le flou qui entoure les mesures d’urgence ne peut-il pas effrayer certains malades qui préféreraient alors ne pas déclarer leur contamination? »

Wadih el-Asmar pense que la clé d’une bonne gestion de cette crise est la transparence, qui permettrait aux autorités de créer un lien de confiance, inexistant aujourd’hui, avec le citoyen.


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Beaucoup d’acteurs de la société civile appellent à ce que soit décrété un état d’urgence au Liban, depuis la propagation du coronavirus. L’expression a été utilisée hier par le ministre de la Santé, Hamad Hassan, à l’issue d’une réunion de la commission parlementaire de la Santé, et en réponse aux questions des journalistes. M. Hassan a ainsi déclaré à la presse...

commentaires (3)

Transparence ?Espérons de mesures plus concrètes seulement

Antoine Sabbagha

19 h 53, le 14 mars 2020

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Commentaires (3)

  • Transparence ?Espérons de mesures plus concrètes seulement

    Antoine Sabbagha

    19 h 53, le 14 mars 2020

  • Dans tous les cas ici en Italie état d'urgence ou on tout est fermé vous voyez pas un chat , les seuls magasins ouverts sont le supermarché, la. Pharmacie , les journaux et les vendeurs de tabac, les gens circulent avec les masques on dirait des zombies , faites attention

    Eleni Caridopoulou

    17 h 38, le 14 mars 2020

  • DES MESURES PLUS STRICTES AUXQUELLES LES CITOYENS SONT OBLIGES A SE CONFORMER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 54, le 14 mars 2020

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