Isolé-e-s. Du monde entier et dans notre propre univers. Économiquement et dorénavant physiquement. Nous vivons une époque extra-ordinaire. Rien de ce que nous avons connu jusqu’ici. Comme si autour de nous le monde s’effondrait. Comme si c’était sa fin. Toutes les dystopies que nous avons pu lire ou regarder étaient donc des prophéties. On se croirait dans un épisode de Black Mirror ou dans Contagion de Soderbergh, attendant que Matt Damon vienne nous sauver. Nous oscillons tellement entre réalité et fiction que, si Godzilla apparaissait sur nos côtes, nous n’en serions même pas étonné-e-s.
L’angoisse, le stress et la peur font désormais partie de notre quotidien. On nous a dépossédé-e-s des lieux que nous fréquentons, des rues, on a tué nos habitudes, bouleversé notre train-train qui était déjà assez pénible. L’angoisse, le stress et la peur nous ont gagné-e-s, la frustration aussi. La frustration de ne pas pouvoir voir ceux qu’on aime. De ne pas pouvoir les toucher. Les embrasser. Que ce soit nos amis, les membres de notre famille ou nos amants.
Défense de caresser une peau, de poser nos lèvres sur les leurs, de s’enlacer. Nous sommes en quarantaine économique, sanitaire, familiale et émotionnelle. Nous sommes obligé-e-s de nous battre seul-e-s. Seul-e-s contre nos démons, nos inquiétudes et nos incertitudes. Seul-e-s, et probablement pour certains, pour la première fois. Un peu comme Tom Hanks (testé positif au coronovirus) dans Cast Away.
Il va falloir sur-vivre. Apprendre à se connaître. À s’inventer, à se réinventer. Et c’est peut-être une bonne chose. Profiter de ces moments d’intimité forcée pour revenir à l’essentiel, au nécessaire et laisser, sur le bas-côté, l’accessoire. Choisir une autre voie. Une nouvelle façon de vivre. De travailler. De créer, de produire autre chose. Quelque chose qu’on ne savait pas faire jusqu’ici. De lire les livres qu’on n’a pas eu le temps de lire, voir les films qu’on n’a pas eu l’occasion de voir. Apprendre la cuisine, l’allemand. S’instruire, se remplir, amasser les connaissances. Il va falloir accepter nos failles, les apprivoiser et se mettre à nu.
Il est temps de sortir ce qu’on a sur le cœur, de cracher ce qui se trame dans nos entrailles. De penser l’avenir. De se remettre en question. De sortir de sa comfort zone, de tenter de nouvelles aventures, de choisir le courage au lieu de la faiblesse, d’accomplir ce que l’on a toujours eu envie de faire. Il est temps d’oser. Oser faire le ménage autour de nous, ne rencontrer que ceux que l’on chérit (s’ils n’ont développé aucun symptôme) et dire à ceux qu’on aime qu’on les aime. Oser le leur dire même si ça fait mal. Même si ça effraie. Leur dire merci d’exister. Merci d’être entré-e-s dans notre vie au moment où on ne s’y attendait pas. Merci d’avoir pénétré nos zones d’ombre. Bousculé l’ordre établi. Merci de nous avoir fait confiance.
Il est temps de faire la part des choses et de s’accrocher à ce qui nous rend meilleurs et nous fait du bien. La vie est courte, on le sait maintenant, plus que jamais. La vie est rude, semée d’embûches, mais l’être humain (et le Libanais en particulier) a cette faculté de savoir se relever. Il sait dompter, plus que n’importe qui, les aléas de l’existence. Il sait aller à l’encontre du destin. Et c’est cela que nous devons faire. Faire un pied de nez à cette année qui a débuté sous les pires auspices. L’envoyer paître en attendant patiemment que les choses rentrent dans l’ordre. Et cet ordre-là sera désormais différent. Il sera plus riche, plus profond. Il sera plus vrai et plus honnête. Plus sincère.
La vie, nous devons la boire jusqu’à la lie. La brûler par les deux bouts. Profiter de chaque instant qu’elle nous offre. Et profiter de l’amour. Parce que la vie ne vaut d’être vécue sans amour.
J'ai aimé cet article Médéa! J'en retient surtout la fin... "Profiter de chaque instant qu’elle nous offre. Et profiter de l’amour. Parce que la vie ne vaut d’être vécue sans amour."
10 h 05, le 15 mars 2020