« Je veux une riposte décisive et claire. » Par cette phrase lapidaire prononcée au cours de la réunion d’urgence du Conseil supérieur iranien de la sécurité nationale qui s’est tenue hier, l’ayatollah Khamenei a résumé sa position, à la suite de l’assassinat du général Kassem Soleimani et de ses compagnons près de l’aéroport de Bagdad, dans la nuit de jeudi à vendredi.
Depuis, la région retient son souffle en attendant cette riposte devenue inéluctable. Selon les analystes internationaux, toutes les options sont possibles et le Liban – qui fait partie des pays impliqués dans le bras de fer américano-iranien – n’est pas nécessairement à l’abri de ce nouvel épisode de la confrontation.
En principe, pour avoir des détails, il faudra suivre le discours que devrait prononcer le secrétaire général du Hezbollah demain dimanche. Mais en attendant, les milieux proches de cette formation se veulent nuancés. Selon ces milieux, l’agression américaine contre le convoi du général Soleimani est incontestablement une violation des lignes rouges tacites entre l’Iran et les États-Unis, en vigueur depuis le rejet de l’accord sur le nucléaire par le président américain Donald Trump. Mais elle est aussi le signe de l’échec de toutes les précédentes tentatives américaines de circonscrire l’influence de l’Iran dans la région. Surtout après l’organisation de manifestations autour de l’ambassade américaine à Bagdad, dans « la zone verte » hautement sécurisée. Ces Irakiens, que les autorités américaines ont classés parmi les partisans de l’Iran en Irak, ont pratiquement tourné en ridicule la puissance américaine dans ce pays et la vidéo de l’exfiltration de l’ambassadeur des États-Unis par le biais d’un hélicoptère a largement circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux avec des commentaires peu élogieux à l’égard des Américains. Or ces développements interviennent au moment où les États-Unis entrent en campagne électorale présidentielle et Donald Trump, qui veut jouer la carte de la force et de la suprématie américaines, s’est vu contraint de réagir en frappant fort. Mais, toujours selon les milieux proches du Hezbollah, il n’a pas bien calculé son coup car non seulement les autorités iraniennes ont toujours réagi à ce qu’elles considèrent comme ses « provocations », mais de surcroît, cette fois, elles doivent le faire de façon spectaculaire, d’une manière qui soit à la hauteur de la perte qu’elles ont subie.
Les Iraniens n’ont certes pas la réputation de réagir à chaud et, en réalité, il n’y a pas de délai pour la riposte. Mais en même temps, pour l’image de la République iranienne auprès de ses partisans et de ses alliés, la riposte ne devrait pas tarder. Les milieux proches du Hezbollah précisent à cet égard que nul ne peut prédire quelle sera la forme et le lieu de la réponse iranienne, mais selon eux, l’Irak serait appelé à connaître des développements importants, notamment sur le plan du renforcement des sentiments antiaméricains chez une grande partie de la population. Par cette agression, les Américains ont ainsi réussi à ressouder les rangs de la communauté chiite, qui était profondément divisée depuis les protestations populaires et les incidents sanglants qu’elles ont provoqués. Même si le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a publié sur les réseaux sociaux une vidéo de citoyens irakiens célébrant la mort du général Soleimani et de ses compagnons, rien ne dit que cette vidéo est authentique et en tout cas, une grande partie de la population est de plus en plus hostile à la présence américaine dans ce pays. Le président de la République irakien a appelé à une réunion d’urgence des instances politiques et du Parlement et le forcing se fait actuellement pour que les autorités irakiennes réclament le départ des troupes américaines d’Irak. En tout cas, ce pays est entré dans une nouvelle phase de turbulences, sur fond de tiraillements régionaux et internationaux. Si l’Iran était jusqu’à très dernièrement contesté par une partie de la population, aujourd’hui, les États-Unis le sont beaucoup plus, surtout après une présence militaire de plus de 15 ans qui n’a nullement amené au pays la stabilité politique et la prospérité promises.
Dans ce contexte, les milieux proches du Hezbollah ne considèrent toutefois pas que le terrain probable de la riposte iranienne se limite à l’Irak. Selon ces milieux, toutes les bases américaines dans la région, et en particulier dans le Golfe, pourraient devenir des cibles. Mais, selon ces mêmes milieux, il est peu probable que le Liban soit impliqué dans la riposte. D’abord parce que les Iraniens préfèrent mener eux-mêmes une action après la grave attaque américaine contre un de leurs plus puissants généraux. Ensuite, parce que les Iraniens ont une banque de données de près de 300 cibles qui sont bien plus importantes et symboliques que les positions américaines au Liban. Enfin, les Iraniens n’ont pas besoin de mobiliser leurs alliés au Liban pour une telle riposte. Mais la suite des événements dépendra de l’attitude américaine après la réponse iranienne. Pour l’instant, il est préférable au Liban, selon les milieux proches du Hezbollah, d’accélérer le processus de formation du gouvernement, pour relancer les institutions constitutionnelles et donner au pays une plus grande immunité face à la tourmente régionale et internationale qui se profile.
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LA LIBRE EXPRESSION
20 h 02, le 04 janvier 2020