Le président libanais, Michel Aoun, a rappelé mercredi, dans son discours à l'Assemblée générale de l'ONU, à New York, que l'engagement du Liban envers la résolution 1701, qui avait rétabli une cessation des hostilités entre Israël et le Hezbollah après la guerre meurtrière de 2006, "n'enlevait rien" à son droit "naturel à la légitime défense". Il a aussi appelé "tous les dirigeants du monde" à contribuer au "retour en toute sécurité en Syrie des personnes déplacées".
"Le Liban est un pays qui aime la paix et qui fait tout ce qui est dans son possible pour respecter la résolution 1701, or cet engagement n’enlève rien à notre droit naturel et incessible à la légitime défense pour protéger notre terre et notre peuple par tous les moyens disponibles", a affirmé M. Aoun à la tribune de l'ONU. "Les violations par Israël de la résolution 1701 n'ont jamais cessé tout comme l'agression de la souveraineté libanaise par air, terre et mer. L’acte offensif qui a eu lieu le mois dernier dans une zone résidentielle au cœur de Beyrouth constitue la violation la plus grave de cette résolution", a-t-il dénoncé.
Le 24 août, un drone supposé être israélien a été abattu dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, suivi d'un second appareil qui a explosé en vol. Cet incident a provoqué une escalade des tensions et des déclarations entre le parti chiite et Israël, et des échanges de tirs de roquettes limités à la frontière.
"Quant aux incendies qui ont persisté pendant des jours dans les fermes occupées de Chebaa, occasionnés par des tirs israéliens, ils sont sans conteste un crime international condamnable contre l’environnement", a ajouté le président libanais
"Le Liban est fortement attaché à ses droits territoriaux sur les fermes de Chebaa, les collines de Kfarchouba et le nord du Ghajar, occupés par Israël. Nous ne laisserons passer aucune occasion pour fixer nos frontières terrestres internationalement reconnues ainsi qu’établir et délimiter nos frontières maritimes sous les auspices des Nations unies. Toute contribution dans ce sens est la bienvenue d’autant que le Liban va commencer les opérations de forage du pétrole et du gaz dans ses eaux territoriales d'ici la fin de l'année, conformément aux lois reconnues internationalement", a-t-il ajouté.
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"Les conditions d’un retour sont devenues possibles"
Le président libanais a également abordé dans son discours la question des réfugiés syriens et appelé à leur retour. Il a dans ce cadre affirmé que "la crise des déplacés" avait un "impact négatif (...) sur notre territoire au niveau politique, social, économique et environnemental". "Son poids sur l’infrastructure, la croissance et le taux de chômage menace de façon grave tout programme de développement durable au Liban et exacerbe la crise économique", a-t-il ajouté. "Nous essayons par tous les moyens de faire face à cette crise en mettant en place les mesures et les réformes nécessaires aux niveaux économique et monétaire en coordination avec les instances internationales concernées. Cependant, pour assainir cette situation critique, je lance un appel à tous les dirigeants du monde afin qu’ils contribuent au retour en toute sécurité en Syrie des personnes déplacées, a lancé le président libanais. En effet le Liban, seul, ne peut pas faire face à un problème d’une telle ampleur et toutes les conséquences économiques qu’il implique". "La communauté internationale ne peut pas se contenter de fournir une assistance minimale aux personnes déplacées dans la terre refuge, nier tout programme de retour sûr et digne et le lier à des solutions politiques hypothétiques qui se font attendre", a-t-il poursuivi.
Il a dans ce cadre assuré que "les conditions d’un retour sont devenues possibles". "Selon les rapports internationaux, la situation sécuritaire dans la majeure partie de la Syrie s'est stabilisée et les affrontements militaires se sont cantonnés à la région d'Idleb, a-t-il rappelé. Quant à l'État syrien, il a officiellement annoncé et salué, à plusieurs reprises, le retour des populations déplacées au pays. D’ailleurs, 370 000 personnes ont quitté le Liban dont plus de 250 000 sont rentrées en Syrie et aucune information concernant des persécutions ou des mauvais traitements n’a été signalée", a-t-il ajouté.
Le Liban, président Aoun en tête, réclame toutefois régulièrement une prise en charge par la communauté internationale d'opérations de rapatriement "volontaire" du plus d'un million de réfugiés se trouvant sur son territoire. Dans ce cadre, Beyrouth organise, en coopération avec le régime syrien, des retours de réfugiés vers certaines régions de Syrie. Début septembre, l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, a accusé le Liban de "violer ses obligations internationales en mettant des gens en danger" et affirmé qu'au moins trois ressortissants syriens déportés en Syrie par la Sûreté générale ont été arrêtés par les autorités de Damas à leur retour dans leur pays.
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"En revanche, beaucoup de questions se posent quant à la position de certains pays et des organisations internationales concernées face à ce retour, a noté le président. Pourquoi cherche t-on à l’entraver en lançant des allégations faisant état d’une situation sécuritaire incontrôlée en Syrie et susciter des craintes chez les personnes déplacées ? Comme si on voulait les transformer en otages pour un éventuel troc lors d’une solution politique internationale à venir. Cette attitude pourrait pousser de facto le Liban à encourager le processus de retour en accord avec l’État syrien afin de résoudre cette problématique qui menace l’existence même du pays", a prévenu M. Aoun.
Affirmant que "nous sommes les mieux placés pour savoir combien le problème des personnes déplacées en attente de solutions politiques est sans fin", il a rappelé que "notre pays a connu deux expériences instructives à cet égard". "La première, en 1974, après le déclenchement de la guerre à Chypre avec l’arrivée d’une grande partie de la population au Liban. Un retour rapide au pays fut décidé dès le cessez-le-feu, sans attendre une solution politique, toujours introuvable, a-t-il dit. L’autre expérience, en 1948, concerne les vagues de déplacement du peuple palestinien vers les pays environnants et notamment au Liban. Aujourd’hui, ils vivent encore dans des camps en attendant une solution politique. Une situation qui dure depuis soixante et onze ans !"
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"Les tentatives de paix au Moyen-Orient compromises"
"Dans ce contexte, je voudrai mettre en garde contre la réduction des services fournis par l'UNRWA aux réfugiés palestiniens, qui engendre une pression sociale et financière accrue dont les effets se répercutent sur le Liban, a-t-il ajouté. Quant à la jeunesse palestinienne, au lieu de d’être demandeuse d’enseignement, elle n’a plus soif que de revanche. Reste à affirmer, une fois de plus, notre rejet catégorique de toute tentative visant à éliminer ou à modifier le mandat de l'UNRWA et appeler les pays contributeurs à doubler leurs contributions pour permettre à cette institution de maintenir son rôle vital".
Le 11 septembre, des milliers de Palestiniens résidant au Liban et réfugiés de Syrie s'étaient rassemblés à Beyrouth afin de réclamer un "asile humanitaire collectif" et dénoncer les conditions de vie dégradantes dans lesquelles ils sont obligés de vivre.
M. Aoun a dans ce cadre dénoncé les agissements israéliens qui mettent en péril une solution politique à deux Etats. "Toutes les pratiques israéliennes sont en contradiction avec les principes sur lesquels ont été fondés les Nations Unies, a dénoncé le président. La judaïsation de Jérusalem, la politique systématique de colonisation, la législation contraire aux droits de l'homme, la reconnaissance de l'annexion des territoires occupés par la force - comme ce fut le cas pour les hauteurs du Golan- les promesses d’annexions de nouveaux territoires, pour des visées électorales... Mais aussi l’annonce de l'accord du siècle qui prévoit la suppression des frontières de certains États en menaçant leur intégrité territoriale, le maintien des Palestiniens là où ils se trouvent mettant en péril le Liban qui en accueille une grande partie... Tout cela compromet les tentatives de paix au Moyen-Orient et laisse présager un avenir certes incertain mais sombre sûrement ! Cependant les droits des peuples demeurent même si le temps passe".
En juin, l'administration américaine avait présenté à Bahreïn le volet économique de l'initiative de paix américaine, faisant notamment miroiter 50 milliards de dollars d'investissements internationaux dans les Territoires palestiniens et les pays arabes voisins sur dix ans. De nombreux pays arabes, dont le Liban, et les premiers concernés, les Palestiniens, avaient boycotté cette conférence. L'aspect politique, au cœur du conflit israélo-arabe, n'a, lui, toujours pas été dévoilé, notamment concernant l'occupation israélienne, la création d'un Etat palestinien et le droit au retour des réfugiés, chassés par la création d'Israël en 1948 puis par la guerre de 1967. Le 6 septembre, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, avait annoncé que ce volet serait dévoilé "dans les prochaines semaines".
Dans son discours M. Aoun a aussi rappelé que le 16 septembre dernier, l'Assemblée générale a voté la résolution 344 en faveur de la création au Liban de "l’Académie de l’Homme pour la Rencontre et le Dialogue". Il a dans ce cadre remercié l'Assemblée générale des Nations Unies et les États membres qui ont parrainé et voté en faveur de ce projet. "Je suivrai attentivement la mise en place de cette Académie, car la paix véritable reste celle qui unit les humains et non pas celle inscrite sur le papier. En effet, je crois fermement dans le rôle et la mission du Liban, terre de convergence et de dialogue. L'expérience acquise par son peuple, de par sa société pluraliste, l'ont amené à rejeter l'extrémisme intellectuel et religieux pour lui apprendre la tolérance et l'acceptation des différences", a-t-il assuré.
"Un autre dossier nous tient à cœur, celui du renforcement du rôle de la femme dans la société, a-t-il ajouté. Pour cela, le gouvernement libanais a approuvé et lancé un plan d'action national complet pour l’exécution de la résolution 1325 qui concerne la femme, la paix et la sécurité. Nous avons également achevé toutes les étapes qui mènent à l'activation des travaux de la Commission nationale des droits de l'homme et ceux d’un Comité pour la prévention de la torture".
Après son discours, M. Aoun s'est réuni avec le président iranien Hassan Rohani en présence des ministres des Affaires étrangères de leurs pays, Geban Bassil et Mohammad Javad Zarif. Ils ont discuté des relations bilatérales entre le Liban et l'Iran et des derniers développements dans la région. Avant cela, il s'était entretenu avec le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Ce dernier lui a affirmé que l'ONU "fera tout son possible" pour protéger la souveraineté et l'indépendance du pays du Cèdre et préserver l'intégrité de son territoire. De son côté, le chef de l'Etat libanais a assuré que son pays "est attaché au rôle des organisations internationales qui veillent à renforcer la sécurité et la stabilité dans le sud du Liban" et à l'application de la résolution onusienne 1701.
M. Bassil s'est lui entretenu avec son homologue irakien Mohammad Ali al-Hakim avec qui il a discuté l'ouverture des passages entre l'Irak et la Syrie pour faciliter le passage de la marchandise libanaise et la réhabilitation du pipeline pour le transport du pétrole entre le Liban et l'Irak. M. Bassil a aussi rencontré son homologue arménien Zohrab Mnatsakanyan avait qui il a évoqué la coopération bilatérale en matière de tourisme et de commerce, et son homologue qatari Mohammed ben Abdelrahman ben Jassim al-Thani à qui il a demandé que le Qatar investisse au Liban.
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commentaires (9)
Allah yirhamik ya Dalida :tu chantait "parolé parolé" et voilà qu'on nous en fait danser. Espérons que notre Ministre des Affaires Coriaces ai dit bonjour à nos maitres iraniens pour nous. Yallah kel voyage aal ONU wou into en bonne santé!
Wlek Sanferlou
22 h 13, le 25 septembre 2019