Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a prévenu hier l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qu’ils seraient « détruits » en cas de guerre avec l’Iran. Lors d’un discours hier, le chef du Hezbollah est revenu sur l’attaque qui a visé samedi dernier les installations pétrolières d’Aramco en Arabie saoudite, perpétrées selon lui par les rebelles yéménites. Ces derniers, soutenus par l’Iran, ont en effet revendiqué cette attaque, mais Riyad et Washington l’ont attribuée à l’Iran qui a rejeté à plusieurs reprises ces accusations.
« Ce qui s’est passé est très important et a eu des conséquences importantes sur le plan international », a estimé Hassan Nasrallah. « L’axe de la résistance est très fort, et les attaques contre Aramco en sont une illustration », s’est-il félicité. « Malheureusement, il semble que le pétrole soit plus cher que le sang, a enchaîné Hassan Nasrallah. Ceux qui condamnent les attaques contre (le groupe pétrolier saoudien) Aramco devraient plutôt exprimer leur solidarité avec le peuple yéménite. »
Qualifiant d’« échec » la politique américaine dans la région au vu des développements de ces dernières semaines, Hassan Nasrallah a affirmé que l’Iran était « fort », et a plaisanté sur le fait que « tout le battage contre l’Iran n’a fait bouger aucun poil de la barbe d’un responsable iranien ».
S’adressant à l’Arabie saoudite et aux Émirats, il leur a dit : « Je vous conseille de bien réfléchir. Une guerre contre l’Iran vous détruira tous. Et la poursuite de la guerre contre le Yémen est sans issue, vous en payerez le prix. » « Votre économie est de verre », a-t-il encore dit, soulignant « qu’une seule attaque » avait pu « réduire de moitié la production pétrolière saoudienne » et que d’autres pourraient suivre.
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Les collaborateurs
Sur le plan interne, le chef du Hezbollah a affirmé que « ceux qui ont collaboré avec Israël sont des agents et doivent être jugés », dans une référence au cas de Amer Fakhoury, l’ancien responsable militaire de l’Armée du Liban-Sud, arrêté lors de son retour au Liban qui a suscité une vague d’indignation.
« Si ces agents ont commis des crimes, ils doivent être fermement sanctionnés », a-t-il ajouté, appelant à régler les questions autour de la prescription des crimes et à revoir les peines prononcées dans ce cadre, qu’il a qualifiées de « trop faibles ».En 1996, Amer Fakhoury, qui avait été en charge à partir de 1985 de la prison de Khiam où il aurait commis les pires actes de torture, avait été condamné par contumace à 15 ans de prison pour collaboration avec Israël. Se croyant couvert par la prescription, il a voulu rentrer au pays, ne s’attendant pas à ce que les autorités l’appréhendent pour d’autres crimes, notamment l’obtention de la nationalité israélienne.
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Criminalisation de la torture
Jeudi, le groupe parlementaire du Hezbollah avait réclamé des « procédures juridiques » spécifiques pour les cas de collaboration avec Israël. Plus tôt dans la journée d’hier, le président de la Chambre, Nabih Berry, allié du Hezbollah, avait accepté de prendre en considération des amendements de la loi libanaise de 2017 qui criminalise la torture et prévoient notamment de supprimer toute prescription des crimes de tortures. Ces amendements seront présentés au Parlement et devront faire l’objet d’une étude en commission parlementaire avant d’être soumis au vote des députés.
« Le cri de colère des détenus de la prison de Khiam, de leurs proches et, plus globalement, de l’opinion publique libanaise est sincère et doit être entendu », a déclaré le leader chiite, mettant en garde contre « une voie dangereuse et perverse » concernant le traitement des agents israéliens, en référence aux informations selon lesquelles certains individus convaincus de collaboration avec Israël pourraient voir leurs casiers judiciaires effacés.
« Personne n’a été forcé à fuir vers Israël. Ceux qui ont fui l’ont fait délibérément. D’autres sont restés au Liban, et certains se sont rendus aux autorités », a-t-il ajouté, estimant que « les Libanais qui se sont installés en Israël et qui veulent revenir doivent se rendre aux autorités libanaises ». « Il y a un mécanisme judiciaire concernant les agents israéliens. Ceux qui ne sont pas impliqués dans la collaboration avec l’ennemi sont les bienvenus », a-t-il lancé.
Certains accusent le CPL de mansuétude dans ce dossier. M. Berry avait notamment critiqué l’attitude de l’ambassadeur du Liban à Washington Gaby Issa (gravitant dans l’orbite du CPL) quant à la présence de M. Fakhoury à une réception organisée à l’ambassade. De son côté, Ziad Assouad, député CPL de Jezzine, avait déclaré que « la détention de Amer Fakhoury n’est pas légale, mais éminemment politique ».
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Drones israéliens
Sur un autre plan, le leader du Hezbollah est revenu sur les tensions entre sa formation et Israël après l’attaque aux drones, le 25 août, contre la banlieue sud de Beyrouth, fief du parti chiite.
« Le Hezbollah s’est opposé aux tentatives israéliennes de modifier les règles d’engagement, et nous réaffirmons notre droit à nous défendre face aux drones israéliens », a-t-il déclaré, affirmant que la position du parti chiite sur ce sujet « a eu des conséquences évidentes sur le nombre de violations du territoire libanais ».
Jeudi, le ministre de la Défense, Élias Bou Saab, avait affirmé que l’objectif des deux drones israéliens était d’« attaquer et pas seulement de filmer ». Évoquant une « fabrication militaire avancée », le ministre a dit ne pas être en mesure d’identifier la cible exacte de « l’agression », lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il a détaillé le modus operandi de l’opération et exposé les résultats de l’examen des restes des drones et l’enquête menée par l’armée.
Le 10 septembre, le leader du parti chiite avait réitéré qu’il n’y aurait « aucune ligne rouge » pour défendre le Liban en cas d’attaque israélienne, affirmant toutefois qu’il respecterait la résolution 1701 des Nations unies, qui avait mis un terme à la guerre de 2006, opposant l’État hébreu au parti chiite.
En outre, le chef du parti chiite a exprimé son indifférence concernant les élections en Israël. « Netanyahu a fait tout ce qu’il pouvait pour remporter les élections, mais a échoué malgré le soutien sans précédent des États-Unis », a-t-il observé. « Les résultats de ces élections ne nous concernent pas, car la politique contre les Palestiniens et les Arabes reste la même », a-t-il ajouté.
Les résultats quasi définitifs des législatives israéliennes annoncés dans la journée confirment une impasse politique mettant en péril le règne du Premier ministre Benjamin Netanyahu, dont le parti est arrivé en deuxième place juste derrière le parti centriste « Bleu-Blanc » de Benny Gantz. Les deux hommes doivent engager des pourparlers en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale.
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Retour des réfugiés de Qousseir
Enfin, le chef du Hezbollah a appelé les réfugiés syriens originaires de la région frontalière de Qousseir à rentrer dans ce secteur, où le parti chiite avait officiellement dévoilé pour la première fois son engagement militaire au côté du régime en 2013. Ville syrienne près de la frontière avec le Liban, Qousseir avait été reconquise en juin 2013 par le pouvoir de Bachar el-Assad, qui en avait chassé les rebelles avec le soutien décisif des combattants du Hezbollah.
« Nous avons réglé la situation à Qousseir pour permettre un retour de toute la population, de la ville et des villages », a indiqué Hassan Nasrallah. Cela a été fait en coopération avec les autorités syriennes, a-t-il précisé, invitant tout particulièrement « les habitants des villages de la région de Qousseir qui se trouvent au Liban » à entreprendre les démarches nécessaires auprès des autorités libanaises pour amorcer leur retour.
En avril 2013, M. Nasrallah avait officiellement reconnu l’engagement des combattants du Hezbollah dans les batailles en Syrie pour épauler le régime, tout particulièrement dans la région de Qousseir qui représentait alors un bastion de la rébellion. La bataille de Qousseir avait poussé à la fuite des milliers d’habitants. Des milliers de Libanais vivaient également dans cette zone, qui entretient des liens très étroits avec la région libanaise de la Békaa, située de l’autre côté de la frontière.
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commentaires (24)
Perspective "fantaisiste" un tel choc n'interviendra pas... En tous. cas pas dans un très proche avenir...et ce malgré " les hésitations de Mr Trump" L'enjeu est trop gros pour "abandonner le bébé avec l'eau du bain" L.Iran fait ( par stratégie ) patte de velours...et appelle à une union fraternelle "des rivaux"... Une fois évacués les sponsors occidentaux... Il lui serait alors possible d'assujettir, d'une façon ou d'une autre, ses voisins Au moins avec ses menaces nucléaires et balistiques... On pourrait y ajouter ses arguments politiques
Chammas frederico
13 h 45, le 22 septembre 2019