Le secrétaire général du Hezbollah, lors d'une allocution télévisée, le 10 avril 2019. Photo d'archives
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé samedi, à l'occasion du 19e anniversaire de la libération du Liban de l'occupation israélienne, le 25 mai 2000, que le danger de l'implantation des réfugiés palestiniens présents au pays du Cèdre "se rapproche fortement", au moment où le plan pour la paix au Proche-Orient que doit présenter sous peu Washington refuse tout retour des Palestiniens réfugiés dans les pays de la région, selon certaines informations ayant fuité dans la presse.
A en croire les fuites concernant la teneur de ce plan de paix préparé par le gendre du président américain Donald Trump, Jared Kushner, ce document ne prévoit aucune opportunité pour les Palestiniens de rentrer chez eux et propose donc leur implantation dans les pays d'accueil. La Constitution libanaise rejette toutefois, dans son préambule, toute implantation au Liban.
Les Etats-Unis doivent dévoiler les 25 et 26 juin lors d'une conférence à Bahreïn le volet économique de ce plan de paix israélo-palestinien, dont le contenu politique n'a toujours pas été annoncé. L'Autorité palestinienne a annoncé qu'elle n'y participerait pas, les Palestiniens y voyant une contrepartie financière en échange de l'acceptation de l'occupation israélienne.
"Les Libanais, ainsi que les Palestiniens, refusent l’implantation des réfugiés et restent attachés à leur droit de retour. Cette question fait l’objet d’un consensus. Mais cela ne suffit pas. Le danger de l’implantation se rapproche fortement", a mis en garde le leader chiite, lors d'un discours télévisé retransmis en direct. "Nous (...) devons tous assumer la responsabilité historique de faire face à ce plan maudit visant à anéantir la cause palestinienne", a-t-il également dit.
Le chef du Hezbollah a ensuite proposé un dialogue libano-palestinien pour répondre au danger de l'implantation. "Nous devons tenir une réunion entre les responsables libanais et palestiniens afin de faire face au danger rampant de l’implantation. Je propose que cette réunion se tienne au niveau de hauts responsables. Les communiqués ne suffisent pas. Il faut un plan commun libano-palestinien".
Le Liban accueille plus de 174.000 Palestiniens, selon un recensement officiel en 2017. Il s'agit essentiellement de Palestiniens chassés de leurs terres ou ayant fui à la création d'Israël en 1948, et de leurs descendants. D'autres pays voisins comme la Jordanie accueillent aussi des réfugiés palestiniens.
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Position de force
Hassan Nasrallah avait commencé son discours en affirmant que le Liban est aujourd'hui en position de force contre Israël. "Nous devons oeuvrer à maintenir notre force à travers le triptyque “peuple-armée-résistance”. C’est grâce à lui que nous avons pu libérer notre terre en mai 2000. Nous devons être forts. Voilà la vraie garantie", a-t-il dit sur un ton calme.
L'armée israélienne s'était retirée le 24 mai 2000 de la partie du Liban-Sud qu'elle occupait encore, mais le Liban estime qu'elle doit encore se retirer des fermes de Chebaa, situées sur les pentes occidentales du mont Hermon, occupé par Israël en juin 1967, ainsi que des hauteurs de Kfarchouba et de la partie nord du village de Ghajar pour que la libération soit complète.
"Le Liban n’est pas en position de faiblesse aujourd’hui contre Israël. Ils (les Israéliens) craignent ce qu’il y a au Liban, et comme ils peuvent empêcher le Liban d’exploiter le pétrole et le gaz, le Liban peut faire pareil. Nous devons rester attachés à nos droits, et être optimistes à ce sujet, comme l’a dit le président du Parlement Nabih Berry", a plaidé le leader chiite.
La question de la délimitation des frontières est cruciale au moment où le Liban et Israël s'apprêtent à exploiter les ressources en hydrocarbures récemment découvertes dans la région. Le président Berry a affirmé mercredi que les propositions du Liban concernant le litige sur les frontières terrestres et maritimes avec Israël avaient été acceptées et que l'émissaire américain David Satterfied, qui effectue la navette entre Beyrouth et Tel Aviv, pourrait rapporter une "réponse définitive" la semaine prochaine.
Le secrétaire général du Hezbollah a ensuite abordé la question des hameaux de Chebaa et des hauteurs de Kfarchouba au Liban-Sud, après la récente polémique pour savoir si ces territoires sont libanais ou syriens. "Nous réaffirmons notre attachement aux hameaux de Chebaa, aux hauteurs de Kfarchouba et à la partie nord du village de Ghajar. Ces terres sont les nôtres, et c'est notre droit naturel d’exercer la résistance pour libérer ce qui reste de notre territoire", a insisté Hassan Nasrallah.
Le 2 mai, le leader chiite s'en était pris sans le nommer au leader druze Walid Joumblatt qui avait déclaré une semaine auparavant que les fermes de Chebaa n'étaient pas libanaises. Le leader chiite avait affirmé que la résistance, ainsi que l’État libanais, avaient la responsabilité de libérer ce territoire. M. Joumblatt avait affirmé dans une interview à Russia Today qu’après la libération du Liban-Sud, en l’an 2000, "des officiers libanais ont entrepris, en collaboration avec la Syrie, de modifier les cartes géographiques pour faire en sorte que les fermes de Chebaa et Wadi el-Aassal (à la frontière avec le Golan) soient intégrés au territoire libanais afin de garder le prétexte d’une terre occupée qu’il fallait libérer à tout prix". "Les fermes de Chebaa ne sont pas libanaises. En théorie, c’est nous qui les occupons", avait-il dit.
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Le retour des réfugiés syriens
Par ailleurs, le chef du Hezbollah a abordé la question de plus d'un million de réfugiés syriens présents au Liban après avoir fui le conflit qui ravage leur pays depuis 2011. "Tout le monde au Liban est d’accord pour aider au retour des déplacés syriens chez eux. Mais il y a des divergences sur la manière et les moyens d’obtenir ce retour. La vraie raison est politique. Elle a trait à la prochaine présidentielle en Syrie. Le mandat du président Bachar el-Assad se termine en 2020-2021, et des élections se tiendront à la date prévue. Les déplacés syriens, ainsi que les Libanais de toutes les régions et confessions, souffrent des conséquences de cette crise. Pourquoi cette situation perdure? Parce que les Etats occidentaux, les Etats-Unis et les pays du Golfe ne veulent pas du retour de ces déplacés, du moins pas avant la présidentielle syrienne", a affirmé Hassan Nasrallah. "Les propos de certains responsables, notamment libanais, selon lesquels des déplacés syriens qui sont rentrés chez eux ont fait l’objet d’exactions sont infondés. Ces propos visent à dissuader les déplacés à rentrer chez eux. Lors d’une franche discussion avec le président Assad, celui-ci m’a dit avec sincérité qu’il souhaite le retour des déplacés en Syrie. Le gouvernement doit débattre de cette question après avoir achevé l’étude du budget", a plaidé le leader chiite.
Avec une population de quatre millions d'habitants, le Liban accueille 1,5 million de Syriens, dont près d'un million inscrits comme réfugiés auprès de l'ONU. Alors que leur retour en Syrie fait désormais partie du discours de toutes les formations politiques, ces dernières s'écharpent sur la nécessité de coopérer ou pas avec le régime de Bachar el-Assad pour assurer ce retour. La communauté internationale, elle, appelle à un règlement politique du conflit avant d'assurer le retour des réfugiés.
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Lutte anti-corruption et budget
Hassan Nasrallah a enfin abordé les questions du budget de 2019 et la lutte anti-corruption, qui est désormais au centre de l'agenda politique du parti chiite. "La lutte contre la corruption nécessite des efforts, du temps et les moyens nécessaires", a-t-il expliqué. "J’ai déjà dit que cette lutte est plus difficile que celle pour la libération du Liban-Sud. Nous avons besoin de temps et de la coopération de tout le monde. Nous avons préparé l’année dernière une série de dossiers, certains ont été transmis, d’autres sont encore en cours d’élaboration ou attendent l’adoption du budget de l’année en cours avant d’être transmis à la justice. Nous avons également préparé une série de propositions de lois à travers notre bloc parlementaire afin de mettre un terme à la corruption et la dilapidation des fonds. Nous voulons obtenir des résultats, peu importe qui fait les propositions ou s’attribue le beau rôle. Ce qui compte pour nous, c’est de mettre un terme à la corruption", a insisté le leader chiite.
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Le chef du Hezbollah a enfin évoqué la question du budget de l'année en cours que le gouvernement s'apprête à approuver avant de l'envoyer au Parlement pour son adoption.
"Le débat autour du budget était pour nous une priorité. Nous considérons le budget de 2019 comme une étape importante dans la lutte contre la corruption. Malheureusement, et contrairement aux promesses faites par les responsables politiques, il y a des mesures prévues dans le budget étudié qui portent sur des taxes et des impôts touchant les classes défavorisées", a regretté Hassan Nasrallah. "Nous n'allons pas bloquer l'approbation du budget au sein du gouvernement. Mais nous ne resterons pas silencieux au Parlement car nous avons des remarques à formuler", a-t-il prévenu.
Le gouvernement a annoncé vendredi être parvenu à "un accord" sur le projet de budget de 2019 qui devra être approuvé lors d’une réunion du Conseil des ministres qui se tiendra lundi au palais présidentiel de Baabda. Le texte sera alors transmis au Parlement, où il sera examiné par la commission des Finances et du Budget, avant de faire l’objet d’un vote en session plénière. Ce budget est censé prévoir des mesures d'austérité sans précédent afin de réduire le déficit public du pays.
Le Hezbollah est la seule formation libanaise qui continue de détenir des armes après la fin de la guerre civile en 1990 et qui a confronté militairement Israël à plusieurs reprises, la dernière guerre remontant à juillet 2006. Toutefois, l'arsenal du parti chiite divise la classe politique et la population, entre ceux qui acceptent qu'il conserve ses armes hors du cadre étatique, et ceux qui y sont opposés.
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que le gouvernement s'apprête à approuver pas “approuvé” Aussi, il manque un “nous” dans “le débat autour du budget était pour une priorité”.
21 h 49, le 26 mai 2019