
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, entouré de certains participants à la « Rencontre de Meerab », le 27 avril 2024. Photo fournie par les FL
« Nous ne pouvons pas rester les bras croisés (face au risque de guerre générale au Liban). » C’est par ces propos que le chef des Forces libanaises Samir Gegea a expliqué sa décision de parrainer ce qu’il a été convenu d’appeler « la Rencontre de Meerab », tenue samedi au siège des FL afin de plaider pour la mise en application de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies, dans le but d’épargner au Liban une guerre totale contre Israël à partir du Liban-Sud érigé par le Hezbollah en front de soutien au Hamas.
À travers sa démarche, Samir Geagea a pensé pouvoir faire d’une pierre deux coups : hausser davantage le ton face au Hezbollah dont il se veut le plus grand adversaire local et tenter de s’ériger, une fois de plus, en leader de l’opposition. Sauf que la guerre des ego ou, du moins, le combat de coqs entre les ténors de ce camp, a eu raison de la portée politique de la rencontre. Car aux yeux de certains absents, une initiative visant à unifier les rangs de l’opposition face au Hezbollah devait avoir lieu sur un « terrain » plus rassembleur afin de donner tout son poids au message fort adressé au parti chiite.
Outre les cadres et parlementaires FL, plusieurs députés de l’opposition ont répondu présent à l’appel de M. Geagea. Il y avait notamment Achraf Rifi et Fouad Makhzoumi, tous deux membres du bloc du Renouveau de Michel Moawad, ainsi que Waddah Sadek (contestation) et ses collègues indépendants Ghassan Skaff et Michel Daher, aux côtés de plusieurs journalistes et figures politiques connues pour leurs positions hostiles au Hezbollah.
Cependant, le parti Kataëb s’est contenté pour sa part de déléguer Élie Marouni, ancien député, et Michel Khoury, vice-président du parti. Une démarche qui donne le sentiment que la formation de Samy Gemayel ne souhaite pas se prêter au jeu de Samir Geagea, qui se présente comme l'unique du camp anti-Hezbollah. Une lecture que Meerab et Saïfi ne partagent pourtant pas officiellement, préférant mettre l’accent sur « la cohésion de l’opposition ». « Nous avons une excellente relation avec les Kataëb, et leur représentation à la rencontre était très bonne », commente pour L’Orient-Le Jour le porte-parole des FL Charles Jabbour. Un point sur lequel il converge avec un responsable Kataëb haut placé. L’OLJ a d’ailleurs appris que deux des quatre députés du parti de Samy Gemayel sont en voyage.
Mais ce que les cadres et responsables Kataëb pensent tout bas, les joumblattistes le disent, eux, tout haut. « Les réunions axées sur des sujets aussi importants que la 1701 ne devraient pas se tenir dans un lieu à caractère partisan et autour d’une personne, mais dans des locaux moins marqués politiquement, comme ce fut le cas pour le Rassemblement du Bristol (regroupement de figures antisyriennes perçu comme étant l’ancêtre du 14 Mars et lancé en 2004), explique Marwan Hamadé, député du Chouf.
C’est d’ailleurs sous ce prisme que les FL interprètent l’attitude de Moukhtara. « Nous connaissons le positionnement centriste de (l’ex-chef du PSP) Walid Joumblatt, en dépit de sa convergence avec l’opposition sur la candidature à la présidentielle de Jihad Azour (ancien ministre des Finances et actuel haut cadre du Fonds monétaire international) », souligne Charles Jabbour, affirmant que son parti a pourtant convié le PSP à l’événement de samedi… pour la forme.
La surprise Souhaid et consorts
Il reste que c’est surtout Farès Souhaid, ancien secrétaire général du 14 Mars, qui a créé la surprise en boudant la réunion, bien qu’il soit connu pour ses prises de position anti-Hezbollah. Pour justifier sa décision, l’ex-député de Jbeil a envoyé aux FL une lettre à laquelle Moustapha Allouche et Antoine Andraos, deux anciens vice-présidents du courant du Futur, ont apporté leur contreseing. Dans ce message, les trois ex-députés font valoir que « la résolution 1701 n’a pas été appliquée comme cela se doit. Elle n’a donc pas permis au Liban de recouvrer sa souveraineté ». Ils y estiment que « la pression pour appliquer la 1701 ne modifiera pas l’équation sur le terrain. Et sa mise en œuvre de manière forcée pourrait bien pousser le Hezbollah à renforcer son emprise sur la scène locale pour compenser son échec sur le terrain ». Selon MM. Souhaid, Allouche et Andraos, la priorité devrait être accordée à l’application de l’accord de Taëf et « la libération du Liban du joug iranien ».
« Le Hezbollah doit se retirer du Sud »
En dépit de ces failles, Samir Geagea s’est félicité de son initiative face à la moumanaa (camp piloté par le Hezbollah). « Ce que le Hezbollah fait au Sud n'a pas servi la Palestine et lui a même causé du tort », a-t-il lancé. « Toutes les opérations militaires menées au Liban-Sud n'ont pas aidé Gaza. Au contraire, nous avons eu des pertes humaines et de nombreux villages ont été entièrement ou partiellement détruits », a déploré le chef des FL. Convaincu que le « Hezbollah est incapable de défendre le Liban », M. Geagea a préconisé l’application de la 1701 dans son intégralité et le déploiement de l’armée libanaise « seule en chaque point où se trouve le parti chiite, qui doit se retirer à l'intérieur du pays dans un premier temps ».
À la fin de la rencontre, Waddah Sadek a donné lecture d’un communiqué pressant le gouvernement d'« appliquer la 1701 et ordonner immédiatement le déploiement de l'armée libanaise au sud du Litani et le long de la frontière » libano-israélienne. « La détention des armes en dehors des institutions de l’État, notamment l'armée, est une menace pour la souveraineté libanaise, quel qu'en soit le détenteur et quelles qu'en soient les causes », ajoute le texte.
Le mufti jaafarite, Ahmad Kabalan, très proche du Hezbollah, n’a pas tardé à réagir. « La rencontre de Meerab s'est-elle tenue dans l’intérêt du Liban ou celui de Tel-Aviv ? » s’est-il interrogé dans une déclaration. « Le communiqué de Meerab est très dangereux parce qu’il dépasse les lignes rouges des intérêts nationaux (…) et s’attaque à la souveraineté, à la paix civile et au pacte national », a-t-il dit.
La 1701 est en relation avec la 1559 et les deux avec les accords de Taef. Les explications données par Mr. Souhaid ne tiennent pas la route et je m’étonne d'une telle attitude de sa part. Quand a Joumblatt, son complexe envers les Chrétiens remonte au Mir Bachir converti et donc rien de nouveau a l'horizon. Les FL et ses alliés montent en force et ils essayent d'agir et de rassembler le plus de patriotes possibles pour le bien de tous et du plus grand nombre possible pour sauver le pays avant la confrontation qui s'annonce. Le Hezbollah doit rendre ses armes et la 1701 est la première étape.
09 h 48, le 30 avril 2024