Le lancement par Israël, dans la nuit de lundi à mardi, de l’opération « Bouclier du Nord » visant à détruire des « tunnels d’attaque » creusés par le Hezbollah à la frontière sud du pays en a surpris plus d’un, tant par son timing que par son rapport à la résolution 1701 qui régit la situation sécuritaire dans le sud du pays.
Votée en août 2006, la 1701 a permis de mettre fin à la guerre de juillet 2006, qui a opposé Israël au Hezbollah, et stipule que le Liban doit étendre son autorité à l’ensemble de son territoire, conformément aux dispositions des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) et de l’accord de Taëf. La résolution 1701 réaffirme le respect de la ligne bleue et indique qu’aucune force armée, à part l’armée libanaise et la Finul (Force intérimaire des Nations unies au Liban), ne doit se trouver au sud de la rivière Litani.
Interrogé par L’Orient-Le Jour sur le respect de la 1701, un dignitaire proche du Hezbollah considère qu’« il faut avant tout demander à Israël ce qu’il pense de cette résolution ». « Quelles que soient les positions du Hezbollah par rapport à cette résolution, le parti chiite ne fait rien qui viole les conventions internationales. Tout ce que nous entreprenons est fait dans le respect de la loi et sous protection de l’État libanais, et la Finul n’a pas noté de violations de la 1701 de notre part », affirme-t-il.
Le dignitaire voit par ailleurs dans le dossier des tunnels une portée politique en rapport avec la crise que traverse dernièrement le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. « La scène israélienne interne connaît une crise qui pourrait aboutir à des élections législatives anticipées ou la chute de Benjamin Netanyahu. Ce dernier essaie donc d’amoindrir l’impact des pressions qu’il subit à travers cette histoire de tunnels », indique le responsable qui refuse toutefois de confirmer ou d’infirmer l’existence desdits tunnels. Il ajoute en outre que M. Netanyahu « n’a aucune intention de se lancer dans une nouvelle guerre ». « Cela fait longtemps qu’ils évoquent ces tunnels, cette histoire n’est pas nouvelle, mais elle est strictement militaire et nous ne faisons pas de cadeau à l’ennemi », dit-il.
Un autre responsable au sein du Hezbollah estime pour sa part qu’Israël ne respecte « nullement » la 1701, « puisqu’il viole l’espace aérien libanais en permanence et l’utilise pour effectuer des frappes en Syrie, tout en violant nos eaux territoriales ». « Je ne sais pas si Israël est entré (hier) sur le territoire libanais ou s’il a seulement entrepris des travaux dans les territoires occupés (le territoire israélien) », indique le dignitaire à L’OLJ.
(Lire aussi : Israël lance son « Bouclier du Nord », mais sans bruit de bottes...)
« Ne pas offrir de prétexte à Israël »
Fouad Siniora, qui était Premier ministre en 2006, a suivi de près les tractations autour de la 1701 et considère pour sa part que la résolution onusienne est bafouée en permanence… par le Hezbollah. « Ce que les Israéliens font à l’heure actuelle ne viole pas la 1701. Ils prétendent qu’il y a des tunnels de l’autre côté de la frontière et ils veulent les détruire, explique-t-il à L’OLJ. Par contre, je ne sais pas s’il y a réellement des tunnels, c’est une question militaire que l’État doit résoudre. » Tunnels ou pas, il n’empêche que la 1701 est constamment bafouée dans le Sud par le parti chiite, selon M. Siniora. « La décision était : pas d’armes visibles ni d’atteinte à l’autorité de l’État, mais cela n’a pas été respecté », souligne l’ancien Premier ministre, sans pourtant nommer le Hezbollah.
« Israël est un ennemi et il ne faut pas lui donner, ainsi qu’aux Américains, la possibilité de trouver des prétextes pour s’en prendre à nous, car la tolérance des gens est faible en ce moment. Nous avons besoin de nous armer de sagesse », estime M. Siniora, qui ajoute : « Le plus important est de respecter la Constitution, les lois, l’État, et de travailler à favoriser les intérêts réels du Liban dans ses relations avec les pays arabes. Il faut insister sur la souveraineté de l’État. »
Contactée par L’OLJ, la Finul a quant à elle refusé hier de commenter la situation et s’est contentée de rappeler dans un communiqué que ses équipes de liaison « travaillent des deux côtés de la ligne bleue ». « La Finul surveille la ligne bleue sans interruption et fait état de toute violation de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. » « Le commandant de la Finul, le général Stefano del Col, est en contact avec les armées libanaise et israélienne et demande aux parties concernées d’utiliser la liaison de la Finul et le mécanisme tripartite pour la désescalade de toute tension », poursuit le communiqué.
Lire aussi
Tunnels et rituels, l'éditorial de Issa Goraieb
À Kfar Kila, on n’est « pas concerné par les activités de l’autre côté de la frontière »
Netanyahu : Nous agissons contre les agissements terroristes de l'Iran au Liban
Pourquoi Israël a lancé son opération à la frontière libanaise
Le régime Assad utilise le Hezbollah pour consolider sa présence au Liban
Israël "agit contre le transfert d'armes sophistiquées" au Hezbollah
Guterres tire la sonnette d’alarme sur les armes illégales du Hezbollah
Les menaces israéliennes et la lecture du Hezbollah
Le Hezbollah menace Israël de représailles en cas de frappes
Un porte-parole de l’armée israélienne interpelle Hassan Nasrallah à l'occasion de son anniversaire
Le Liban-Sud est la région la plus sûre du pays, affirme le commandant de la Finul
commentaires (11)
SECRET DE POLICHINELLE !
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 51, le 05 décembre 2018