Photo Marwan Assaf.
« Nous avons compris qu’il est interdit de mentionner l’Iran et de porter atteinte à Ali Mamlouk (haut responsable syrien recherché par la justice libanaise dans le cadre de l’affaire Michel Samaha). » C’est à travers ces propos, publiés hier sur son compte Twitter, que le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt a répondu à un éditorial d’Ibrahim el-Amine, rédacteur en chef du quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah. Se livrant à un examen des répercutions politiques de l’incident de Jahiliyé survenu samedi, le journaliste s’en prenait dans son article au leader de Moukhtara, stigmatisant ses choix politiques et l’invitant implicitement à « admettre sa défaite ». Dans d’autres articles, le quotidien accuse le leader druze d’« attiser les tensions communautaires » et de « semer la discorde dans la Montagne ».
Cependant, le tweet de Walid Joumblatt ne saurait être réduit à une simple réaction aux articles d’al-Akhbar. Ce que M. Joumblatt a voulu affirmer, c’est que Moukhtara avait reçu cinq sur cinq le message en provenance du Hezbollah, et par extension, de l’axe syro-iranien à travers les incidents de Jahiliyé. C’est du moins sous cet angle que des analystes proches du PSP interprètent pour L’Orient-Le Jour la toute dernière position du leader druze. Selon eux, ce dernier a voulu stigmatiser la détermination de l’axe Téhéran-Damas à consolider son hégémonie sur le pays. D’autant que « le régime Assad n’a jamais vraiment quitté le Liban », pour reprendre les termes d’un analyste proche du PSP interrogé par L’OLJ. D’ailleurs, Akram Chehayeb, député joumblattiste de Aley, s’est posé, dans un communiqué, la question de savoir si « les menaces du boucher de Damas étaient de retour ».
« Damas use aujourd’hui du Hezbollah et de ses alliés, à l’instar de Wi’am Wahhab (chef du parti Tawhid), pour consolider sa présence, voire son hégémonie au Liban », ajoute cet analyste, soulignant que le régime Assad serait donc en train de déployer des efforts pour unifier les rangs de ses alliés – sous l’égide du Hezbollah – face au Premier ministre désigné, Saad Hariri, mais aussi à tous les protagonistes gravitant dans l’orbite souverainiste, dont notamment le PSP et les Forces libanaises. Une attitude que des analystes lient même à la mésentente russo-iranienne autour du conflit syrien et qui mettrait le Hezbollah au pied du mur. Profitant de son arsenal illégal, celui-ci s’emploierait donc à enregistrer le plus grand nombre de gains sur la scène locale face à ses adversaires.
Sauf que la réponse de Meerab n’a pas tardé. Le leader de ce parti, Samir Geagea, a dépêché à la Maison du Centre, dimanche soir, le ministre sortant de l’Information Melhem Riachi. Une façon pour M. Geagea de manifester son soutien à Saad Hariri, victime d’une campagne lancée par le camp du 8 Mars quelques jours avant les affrontements de Jahiliyé. Les partisans de M. Wahhab n’avaient même pas manqué d’effectuer des parades jeudi soir à Moukhtara, le fief ancestral des Joumblatt.
À ce sujet, des proches du leader du PSP assurent qu’il n’envisage aucunement d’abandonner Saad Hariri, en sa qualité d’allié traditionnel. Et pour cause : M. Joumblatt croit dans la nécessité d’édifier un État au Liban et insiste pour « permettre » à M. Hariri de jouer ce rôle, soulignent ces milieux.
Pour ce qui est des rapports entre Moukhtara et Meerab, on rappelle dans les mêmes milieux que les FL et le PSP convergent sur l’importance de préserver la réconciliation druzo-chrétienne du 3 août 2001, scellée par le patriarche maronite Nasrallah Sfeir avec Walid Joumblatt.
(Lire aussi: Noyautage communautaire, l’édito de Michel TOUMA)
« Le conflit organisé » avec le Hezbollah
En face, certains analystes rappellent que M. Joumblatt a œuvré pour « gérer le conflit » qui l’oppose au Hezbollah autour de l’épineuse question de la souveraineté du pays et de l’arsenal illégal. On en veut pour preuve les longues tractations visant à défaire le nœud druze (au niveau de la formation du cabinet) né de l’insistance de M. Joumblatt à monopoliser la représentation de la communauté druze au sein de la future équipe ministérielle, face au chef du Parti démocrate libanais, Talal Arslane, appuyé par le parti de Hassan Nasrallah. Il a même accepté d’adhérer à un compromis sur ce plan, à l’initiative du président de la République Michel Aoun. Et c’est dans le même cadre qu’il conviendrait de placer un tweet posté hier en soirée sur le compte personnel du chef du PSP. « La coordination avec le Hezbollah est organisée comme d’habitude, en dépit de quelques divergences concernant certains sujets », a-t-il écrit. Une coordination qu’illustrent parfaitement les informations selon lesquelles l’ancien ministre PSP Ghazi Aridi devrait aujourd’hui rencontrer Hussein Khalil, conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah. Il n’en reste pas moins que ce « conflit organisé » avec le parti chiite ne devrait aucunement ébranler le leadership joumblattiste de la Montagne.
(Lire aussi : À Jahiliyé, le pire a été évité..., le décryptage de Scarlett HADDAD)
Le gouvernement
Il va sans dire qu’au vu de son timing, l’incident de Jahiliyé ne saurait être dissocié du laborieux processus de formation du gouvernement. D’autant que le Hezbollah continue d’entraver la genèse de l’équipe ministérielle en insistant pour y intégrer les députés sunnites prosyriens. Selon notre chroniqueur politique Philippe Abi-Akl, la formation de Hassan Nasrallah œuvrerait actuellement pour créer des binômes au sein des communautés, d’où son appui indéfectible aux députés sunnites pro-Assad ainsi qu’à Talal Arslane et Wi’am Wahhab. Une démarche qui ne peut que s’inscrire dans la continuité de ses efforts pour la formation d’un gouvernement qui lui serait favorable, à l’heure où les nouvelles sanctions américaines renforcées contre l’Iran sont entrées en vigueur.
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commentaires (9)
Il y en a qui se contentent d’être la marionnette de x ou y , c’est ce qu’il y’a de plus simple et ce qui est le plus tentant mais cela se passait hélas au moyen âge dans dans les autres contrées avec les dégâts énormes et les pertes que cela a occasionné pour tous. Le plus difficile et le plus profitable pour tour le monde , mais ça n’est pas impossible, c’est de se sentir avant tout libanais .
L’azuréen
13 h 05, le 04 décembre 2018